Analyse


Existe-t-il un effet placebo des inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 chez les hommes atteints de dysfonction érectile ?


18 12 2021

Professions de santé

Médecin généraliste, Pharmacien
Analyse de
Stridh A, Pontén M, Arver S, et al. Placebo responses among men with erectile dysfunction enrolled in phosphodiesterase 5 inhibitor trials: a systematic review and meta-analysis. JAMA Netw Open 2020;3:e201423. DOI: 10.1001/jamanetworkopen.2020.1423


Conclusion
Cette synthèse méthodique avec méta-analyse, qui a été correctement menée d’un point de vue méthodologique, basée sur 63 études randomisées contrôlées dont la qualité méthodologique a été jugée en moyenne modérée, examinant la réponse placebo à des inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 par rapport à un placebo chez des hommes atteints de dysfonction érectile, a pu montrer une réponse placebo faible à modérée. D’après les résultats d’une analyse de sous-groupe, les facteurs psychologiques sont les plus susceptibles d’être à l’origine d’un effet placebo réel. De nouvelles études avec un groupe témoin sans traitement sont toutefois nécessaires pour approfondir cette question.



La dysfonction érectile peut être liée à un état général mauvais ou médiocre, au diabète sucré, aux maladies cardiovasculaires, à des causes iatrogènes telles que la chirurgie pelvienne ou la radiothérapie. Elle peut être un effet indésirable d’un médicament, mais elle peut aussi être due à des troubles psychologiques (stress, problèmes relationnels, dépression) (1). En 2005, Minerva a discuté d’une étude randomisée contrôlée qui montrait qu’une approche non médicamenteuse consistant en un régime alimentaire et une augmentation de l’exercice physique pouvait améliorer l’érection (2,3). Le traitement médicamenteux de la dysfonction érectile repose sur les inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 (PDE5) (1). Toutefois, dans un commentaire d’une étude randomisée menée en double aveugle et contrôlée par placebo portant sur le sildénafil, nous avons souligné qu’un pourcentage assez élevé de participants dans le groupe placebo avait également connu une amélioration de l’érection (4,5).

 

Une récente synthèse méthodique et méta-analyse a examiné la réponse au placebo des inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 chez les hommes atteints de dysfonction érectile (6). On entend par « réponse au placebo » l’effet qu’un patient observe après avoir reçu un placebo. On ne parle d’effet placebo (véritable) que s’il existe une relation causale entre l’administration et l’effet (7). Une recherche a été effectuée dans MEDLINE, Embase, la bibliothèque Cochrane et Web of Science pour trouver des études randomisées contrôlées, menées en double aveugle et parues en anglais (publiées entre le 1er janvier 1998 et le 31 décembre 2018) qui examinaient l’effet des inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 par comparaison avec un placebo chez des hommes atteints de dysfonction érectile. Étaient exclues les études qui n’utilisaient pas l’index international de la fonction érectile (International Index of Erectile Function, IIEF) pour mesurer les résultats, celles qui ne présentaient pas des résultats distincts pour les bras intervention et placebo et celles dont les données étaient incomplètes. Parmi les 2215 publications initiales, deux chercheurs, indépendamment l’un de l’autre, ont sélectionné 63 études randomisées contrôlées. Elles totalisaient 12564 hommes (âge moyen : 55 ans (ET 7 ans)) atteints de dysfonction érectile de diverses causes, qui ont été sous traitement pendant en moyenne 14 semaines (allant de 4 à 104 semaines). Les études avaient un score de Jadad moyen de 3,6 (ET 0,88) pour la qualité méthodologique. Un funnel plot n’a pas montré de biais de publication. Une amélioration faible à modérée de la fonction érectile a été observée dans le bras placebo (g de Hedges [SE] 0,35 [0,03] ; I² = 70,48 ; p < 0,001) contre une nette amélioration avec les inhibiteurs de la PDE5 (g de Hedges [SE] 1,25 [0,07] ; I² = 93,34 ; p < 0,001). Dans une analyse distincte de quatre études portant sur l’effet des inhibiteurs de la PDE5 chez des patients atteints de dysfonction érectile après une chirurgie de la prostate ou une radiothérapie, aucune différence statistiquement significative n’a été trouvée entre le placebo et les inhibiteurs de la PDE5 (p = 0,08). Cela peut être dû au fait que, chez ces patients, le mécanisme d’action des inhibiteurs de la PDE5 n’est pas corrélé à la cause sous-jacente, à savoir les lésions nerveuses péniennes. Une analyse de sous-groupe préalablement planifiée chez des patients atteints de stress post-traumatique a montré que la taille de l’effet placebo était, non pas faible à modérée, mais bien importante (g de Hedges [SE] 0,77 [0,32] ; I² = 76,15 ; p = 0,02) et qu’elle n’était pas fort différente comparée au groupe intervention (g de Hedges [SE] 1,12 [0,39] ; I² = 77,79 ; p = 0,004). Chez de nombreux patients, la dysfonction érectile est multifactorielle, et cette observation pourrait indiquer que des facteurs psychologiques jouent un rôle important dans l’effet placebo. Nous savions déjà qu’en plus de proposer des médicaments à ces patients, il faut accorder une attention suffisante à l’accompagnement psychologique (8). On a également observé une réponse modérée au placebo dans le domaine IIEF de la « satisfaction sur le plan relationnel » (g de Hedges [SE] 0,52 [0,05] ; p < 0,001), qui est davantage liée à des facteurs psychologiques. Outre les facteurs psychologiques, les auteurs citent des facteurs neurologiques pouvant expliquer l’effet placebo, comme l’activation du système dopaminergique associée à l’excitation sexuelle (9). Cependant, en raison de l’absence de groupe non traité dans les études randomisées contrôlées, nous ne pouvons pas exclure que la réponse placebo observée soit davantage associée à des améliorations spontanées de la fonction érectile ou au phénomène de régression vers la moyenne qu’à un véritable effet placebo (10). Dans le futur, l’inclusion d’un groupe témoin n’ayant reçu aucun traitement pourrait conduire à une meilleure estimation de l’effet placebo.

 

Que disent les guides de pratique clinique ?

En cas de dysfonction érectile, l’anamnèse doit prêter attention aux éventuelles maladies sous-jacentes et aux médicaments susceptibles d’être en cause (1). Le diabète et l’hypertension artérielle doivent être traités de manière optimale. Il est recommandé d’arrêter de fumer et d’éviter l’alcool. Les médicaments suspects sont remplacés par d’autres. Un nouveau rendez-vous est pris deux à trois mois plus tard. Si le dysfonctionnement ne s’est pas amélioré (ou si le patient souhaite essayer le médicament immédiatement, sans période de suivi), les examens suivants sont effectués : testostérone sérique ou testostérone libre dans tous les cas, et prolactine sérique si la concentration de testostérone sérique est diminuée et que la dysfonction érectile est associée à une baisse de la libido. Après les premiers examens, les hommes jeunes (moins de 40-50 ans) qui ne présentent pas de maladie systémique sont adressés à un urologue. Chez les hommes plus âgés, un traitement d’essai avec un inhibiteur de la phosphodiestérase-5 peut être envisagé immédiatement.

 

Conclusion

Cette synthèse méthodique avec méta-analyse, qui a été correctement menée d’un point de vue méthodologique, basée sur 63 études randomisées contrôlées dont la qualité méthodologique a été jugée en moyenne modérée, examinant la réponse placebo à des inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 par rapport à un placebo chez des hommes atteints de dysfonction érectile, a pu montrer une réponse placebo faible à modérée. D’après les résultats d’une analyse de sous-groupe, les facteurs psychologiques sont les plus susceptibles d’être à l’origine d’un effet placebo réel. De nouvelles études avec un groupe témoin sans traitement sont toutefois nécessaires pour approfondir cette question.

 

Nom de produit

  • sildénafil : Viagra®

 

 

Références 

  1. Dysfonction érectile (impuissance). Duodecim Medical Publications. Dernière mise à jour: 23/05/2017. Dernière révision contextuelle: 9/06/2018.
  2. Avonts D. Le changement de mode de vie améliore la fonction érectile chez les hommes obèses. MinervaF 2005;4(5):74-6.
  3. Esposito K, Giugliano F, Di Palo C, et al. Effect of lifestyle changes on erectile dysfunction in obese men. A randomized controlled trial. JAMA 2004;291:2978-84. DOI: 10.1001/jama.291.24.2978
  4. Oosterlinck W. Sildenafil (Viagra). Minerva 1999;28(1):30-2.
  5. Goldstein I, Lue TF, Padma-Nathan H, et al. Oral Sildenafil in the treatment of erectile dysfunction. N Engl J Med 1998;338:1397-404. DOI: 10.1056/NEJM199805143382001
  6. Stridh A, Pontén M, Arver S, et al. Placebo responses among men with erectile dysfunction enrolled in phosphodiesterase 5 inhibitor trials: a systematic review and meta-analysis. JAMA Netw Open 2020;3:e201423. DOI: 10.1001/jamanetworkopen.2020.1423
  7. Dagneaux I. Qu’est-ce qu’un placebo ? (première partie) MinervaF 2016;15(5):130-2.
  8. Melnik T, Abdo CH. Psychogenic erectile dysfunction: comparative study of three therapeutic approaches. J Sex Marital Ther 2005;31:243-55. DOI: 10.1080/00926230590513465
  9. Pfaus JG. Pathways of sexual desire. J Sex Med 2009;6:1506-33. DOI: 10.1111/j.1743-6109.2009.01309.x
  10. Dagneaux I. Qu'est-ce qu'un placebo ? (deuxième partie). Hypothèses de modes d'action du placebo et neuromédiateurs et imagerie cérébrale. MinervaF 2016;15(7):184-6.

 

 




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