Revue d'Evidence-Based Medicine
Intérêt de la vitamine D chez les patients prédiabétiques en prévention du diabète ?
Minerva 2024 Volume 23 Numéro 7 Page 161 - 163
Professions de santé
Diététicien, Infirmier, Médecin généralisteContexte
Minerva a déjà analysé de façon précise les stratégies de prévention du diabète de type 2 et ce à partir de 3 analyses bien distinctes : agir au niveau du mode de vie (2016) (1,2), utiliser des sécrétagogues (2017) (3,4) ou encore dépister et traiter le prédiabète (« screen and treat ») (2018) (5,6). Les cliniciens connaissent bien la vitamine D (en Belgique, la forme disponible en pharmacie est le cholécalciférol ou vitamine D3) utilisée pour la prévention ou le traitement des maladies liées au métabolisme phosphocalcique (rachitisme, ostéomalacie, ostéoporose) (7). De plus, il y a un intérêt certain pour les effets extra-squelettiques de la vitamine D, le récepteur de la forme active de la vitamine D et les enzymes nécessaires à sa fabrication étant très représentés dans de multiples organes (8). Enfin, la vitamine D est associée à l’insulino-résistance, l’obésité, le diabète de type 2 et le syndrome métabolique (9), mais 3 essais randomisés construits spécifiquement pour tester l’hypothèse d’une action de la vitamine D pour la prévention du diabète ont montré des résultats non significatifs (10-12).
Résumé
Méthodologie
Synthèse méthodique avec méta-analyse sur données individuelles (13).
Sources consultées
- Embase et ClinicalTrials.gov.
Études sélectionnées
- essais randomisés en double aveugle
- intervention : vitamine D (vitamine D orale toute formulation ou eldécalcitol - analogue synthétique du calcitriol)
- comparateur : placébo
- durée de 2 ans minimum
- au total, sélection de 3 études (sur 4105 citations).
Population étudiée
- adultes de plus de 18 ans présentant un prédiabète (définitions standard)
- exclusion des femmes enceintes, patients hospitalisés ou en insuffisance rénale
- au total, les études incluses regroupent 4190 participants, dont 2097 ont reçu de la vitamine D ; 44% sont des femmes ; 51% sont caucasiens, 33% asiatiques et 15% de peau noire ; à l’enrôlement, l’âge moyen est de 61 ans, le BMI moyen est de 30 kg/m², le taux sérique moyen de vitamine D3 est 25 ng/ml.
Mesure des résultats
- le critère de jugement primaire est le moment d’apparition d’un diabète (défini selon les critères internationaux)
- le critère de jugement secondaire est la régression de l’intolérance glucidique, mesurée à l’issue du suivi
- les effets indésirables étudiés sont les calculs rénaux, l’hypercalcémie et l’hypercalciurie ; les unités de mesure des données individuelles sont harmonisées
- analyses en intention de traiter
- analyses en sous-groupes selon critères prédéfinis.
Résultats
- après un suivi médian de 3 ans, le HR de l’incidence du diabète de type 2 (critère de jugement primaire) du groupe vitamine D versus placebo est de 0,85 (avec IC à 95% de 0,75 à 0,96), après ajustement pour âge, sexe, BMI, origine ethnique, HbA1c ; le nombre de patients à traiter est calculé à 30
- la régression de l’intolérance glucidique (critère de jugement secondaire), mesurée à la dernière visite, est de 271/1881 participants dans le groupe vitamine D, contre 209/1889 dans le groupe placebo (RR de 1,30 avec IC à 95% de 1,16 à 1,41)
- la fréquence des événements secondaires préspécifiés est faible et il n’y a pas de différence significative entre les deux groupes.
Conclusion des auteurs
Les auteurs concluent que chez des adultes avec un prédiabète, la vitamine D diminue l’incidence du diabète.
Financement de l’étude
Il n’y a pas de financement direct pour cette méta-analyse.
Conflits d’intérêts des auteurs
Plusieurs auteurs (dont les premiers auteurs des essais inclus dans la MA) ont bénéficié de divers financements : fonds publics, industrie, mécénat ou fonds privés.
Discussion
Évaluation de la méthodologie
Cette synthèse méthodique avec méta-analyse a été enregistrée prospectivement dans la base de données PROSPERO, et suivant les instructions PRISMA-IPD (Preferred Reporting Items for Systematic Reviews and Meta-analyses for Individual Participant Data). Les critères utilisés pour définir un prédiabète et un diabète de type 2 suivent les recommandations internationales. Cette synthèse méthodique est d’excellente qualité méthodologique : deux auteurs ont réalisé indépendamment la sélection des études et ils ont inclut 3 excellents essais, l’analyse est faite au départ de la totalité des données individuelles. Le risque de biais a été estimé par 2 chercheurs indépendants avec consensus recherché par un troisième chercheur en cas de désaccord. Les chercheurs ont utilisé l’outil Cochrane et les risques de biais ont été jugé faibles.
Les auteurs notent, pour les deux études administrant du cholécalciférol, une interaction entre le critère de jugement primaire et le BMI inférieur à la médiane, ce qui n’est pas observé pour l’eldécalcitol. Pour les participants ayant reçu du cholécalciférol, le HR du critère de jugement primaire est d’autant plus faible que les patients atteignent un taux sérique élevé de 25-OH-vitamine D. Ces arguments plaident pour un haut niveau de preuve des résultats observés.
Évaluation des résultats
Les populations étudiées diffèrent par leur ethnicité (une des cohortes est japonaise) et par le BMI, mais les HR observés sont remarquablement comparables. La classification des participants est parfaite, les doses de vitamine D utilisées sont habituelles (l’eldécalcitol n’est pas disponible en Belgique).
À noter cependant que l’action de la vitamine D n’a pas été comparée à des interventions connues comme très efficaces dans la prévention du diabète de type 2 (3-7,14). Ces interventions n’ont pas été explicitement activées dans les 3 études sélectionnées.
De plus, l’amplitude de l’effet observé est potentiellement très faible : la limite inférieure de l’IC de la réduction absolue de risque étant de 0,6%, le NNT pourrait être de 167, ce qui est très différent de 30, et cela dans le contexte le plus favorable à la mise en évidence de l’effet de la vitamine D. Notons que les résultats ne s’appliquent qu’aux patients prédiabétiques et ne peuvent pas être généralisés à la population générale.
Que disent les guides de pratique clinique ?
Ni NICE , ni l’American Diabetes Association , ni la Haute Autorité de la Santé n’ont publié de recommandation pour la vitamine D et la prévention du diabète de type 2 chez les patients prédiabétiques.
Conclusion de Minerva
Cette synthèse méthodique avec méta-analyses de bonne qualité montre que l’incidence du diabète de type 2 chez des patients prédiabétiques est diminuée par l’ajout de vitamine D.
Cependant, l'ampleur réelle de l'effet reste incertaine et les conditions cliniques des patients étudiés ne sont pas encore suffisamment claires.
- Wens J. Quelle est l’efficacité de quinze années d’adaptation du mode de vie ou de metformine sur le développement du diabète sucré de type 2 ou de complications microvasculaires ? Minerva Analyse 18/05/2016.
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- Richard T. Utilité des sécrétagogues de l’insuline chez des patients à risque élevé de développer un diabète de type 2 ? Minerva Analyse 15/11/2017.
- Hemmingsen B, Sonne DP, Metzendorf MI, Richter B. Insulin secretagogues for prevention or delay of type 2 diabetes mellitus and its associated complications in persons at increased risk for the development of type 2 diabetes mellitus. Cochrane Database Syst Rev 2016, Issue 10. DOI: 10.1002/14651858.CD012151.pub2
- Vanhaeverbeek M. Dépister et traiter le prédiabète est-il efficace pour prévenir le diabète de type 2 ? Minerva Analyse 1/04/2018.
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Auteurs
Vanhaeverbeek M.
Laboratoire de Médecine Factuelle, Faculté de Médecine, ULB
COI : Absence de conflits d’intérêt avec le sujet.
Glossaire
Code
E11, E55
T90, T91
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