Analyse


Utilité des sécrétagogues de l’insuline chez des patients à risque élevé de développer un diabète de type 2 ?


15 11 2017

Professions de santé

Médecin généraliste, Pharmacien
Analyse de
Hemmingsen B, Sonne DP, Metzendorf MI, Richter B. Insulin secretagogues for prevention or delay of type 2 diabetes mellitus and its associated complications in persons at increased risk for the development of type 2 diabetes mellitus. Cochrane Database Syst Rev 2016, Issue 10. DOI: 10.1002/14651858.CD012151.pub2


Conclusion
Cette méta-analyse de bonne qualité méthodologique mais basée sur des études de qualité méthodologique faible à modérée, n’a pas permis de mettre en évidence l’efficacité des sécrétagogues de l’insuline dans la prévention du diabète de type 2 chez les individus à risque élevé d’en développer un.


Que disent les guides de pratique clinique ?
Fin 2017, la seule mesure qui ait montré son efficacité chez les patients à risque élevé de développer un diabète de type 2 est une modification du mode de vie. Il est à noter que les politiques de dépistage systématique du diabète latent dans la population n’ont pas encore fait leurs preuves. Enfin, aucune donnée n’est encore disponible concernant l’efficacité des mesures de prévention primaire. Comme le soulignent les auteurs, cette analyse de la littérature montre une fois encore un décalage net entre les critères de jugement utilisés dans les études cliniques (qui sont très souvent sponsorisées), privilégiant des critères biologiques, et les besoins réels des cliniciens et des patients, évalués selon des critères de jugement cliniquement pertinents.



La prévention des complications du diabète de type 2 constitue un enjeu de santé publique majeur. Selon l’International Diabetes Federation (IDF), le nombre de décès attribuables au diabète s’élevait en Belgique à 4269 en 2015 (1). Outre le traitement du diabète lui-même, les mesures de prévention peuvent être classées en deux catégories : la prévention primaire, c’est-à-dire des mesures incitant à privilégier une alimentation saine et de l’exercice physique au sein de la population, et la prévention secondaire : dépistage et traitement des personnes présentant un diabète méconnu et enfin un dépistage des personnes exposées à un risque accru de développer un diabète. Compte tenu de l’ampleur des enjeux, chaque approche doit faire l’objet d’une évaluation méthodique en termes d’efficacité, et d’utilisation de ressources. La prévention du diabète au sein d’un groupe à risque via l’administration systématique de metformine ou la stimulation à l’exercice physique a déjà été commentée par Minerva (2,3). Nous avions conclu que tant les adaptations du mode de vie qu’un traitement par metformine font diminuer de manière significative l’apparition d’un diabète sucré de type 2 sur 15 ans chez les personnes présentant un risque élevé d’en développer un ; que les résultats de l’étude de suivi suggèrent une plus-value des interventions à long terme sur le mode de vie pour la prévention du diabète de type 2 ; et que, chez les femmes, une diminution statistiquement significative des complications microvasculaires a également été observée avec les interventions sur le mode de vie.

 

La synthèse méthodique avec méta-analyse de la Cochrane Collaboration analysée ici (4), évalue la possibilité d’utiliser les médicaments dit « sécrétagogues » (il s’agit de traitements stimulant la sécrétion d’insuline par la cellule bêta), pour prévenir l’apparition du diabète de type 2 et de ses complications chez des personnes à risque élevé. Ces médicaments peuvent se classer en 2 catégories ; les sulfonylurées et les glinides. Les participants étaient des personnes présentant une hyperglycémie à jeun (entre 110 et 126 mg/dl), un test de charge orale en glucose (HGPO) altéré (entre 140 et 200 mg/dl), ou un taux d’HbA1c entre 6 et 6,4%. La méta-analyse a inclus 6 études randomisées contrôlées (RCTs) ayant comparé un sécrétagogue à une autre intervention (placebo ou autre). Les critères de jugement primaires étaient la mortalité totale, la survenue d’un diabète de type 2 (défini comme 2 glycémies à jeun supérieures à 126 mg/dl ou 200 mg/dl lors d’un test de charge en glucose) et le risque d’effets indésirables sérieux. Les auteurs ont également défini un grand nombre de critères de jugement secondaires. Toutes ces RCTs ont été considérées comme à risque indéterminé de biais dans plusieurs domaines. Les traitements étudiés étaient le glimépiride, le glipizide, le gliclazide et le glibenclamide ou un glinide (qui couvre 95% de la population incluse dans la méta-analyse). Le comparateur était presque toujours un placebo. La durée de l’intervention allait de 6 à 60 mois. Les résultats de la méta-analyse montrent qu‘aucun des traitements n’a été associé à une réduction de la mortalité, de l’incidence du diabète de type 2 ou de la mortalité cardiovasculaire. Concernant les autres critères de jugement secondaires, les données ont été jugées insuffisantes. Le risque d’effet indésirable grave n’a pas pu être évalué faute de données. Les auteurs concluent qu’il n’y a pas suffisamment de preuves pour démontrer si les sécrétagogues de l’insuline, versus placebo, réduisent le risque de développer un diabète de type 2 et ses complications chez des personnes à risque élevé de développer un diabète de type 2. De plus, la plupart des études n’ont pas étudié des critères de jugement importants pour les patients.

 

Conclusion

Cette méta-analyse de bonne qualité méthodologique mais basée sur des études de qualité méthodologique faible à modérée, n’a pas permis de mettre en évidence l’efficacité des sécrétagogues de l’insuline dans la prévention du diabète de type 2 chez les individus à risque élevé d’en développer un.

 

Pour la pratique

Fin 2017, la seule mesure qui ait montré son efficacité chez les patients à risque élevé de développer un diabète de type 2 est une modification du mode de vie (1). Il est à noter que les politiques de dépistage systématique du diabète latent dans la population n’ont pas encore fait leurs preuves (5). Enfin, aucune donnée n’est encore disponible concernant l’efficacité des mesures de prévention primaire. Comme le soulignent les auteurs, cette analyse de la littérature montre une fois encore un décalage net entre les critères de jugement utilisés dans les études cliniques (qui sont très souvent sponsorisées), privilégiant des critères biologiques, et les besoins réels des cliniciens et des patients, évalués selon des critères de jugement cliniquement pertinents.

 

 

Références 

  1. International Diabetes Federation. IDF Diabetes Atlas. Seventh edition, 2015. Url : https://www.idf.org/
  2. Wens J. Quelle est l’efficacité de quinze années d’adaptation du mode de vie ou de metformine sur le développement du diabète sucré de type 2 ou de complications microvasculaires ? Minerva bref 18/05/2016.  
  3. Diabetes Prevention Program Research Group. Long-term effects of lifestyle intervention or metformin on diabetes development and microvascular complications over 15-year follow-up: the Diabetes Prevention Program Outcomes Study. Lancet Diabetes Endocrinol 2015;3:866-75. DOI : 10.1016/S2213-8587(15)00291-0
  4. Hemmingsen B, Sonne DP, Metzendorf MI, Richter B. Insulin secretagogues for prevention or delay of type 2 diabetes mellitus and its associated complications in persons at increased risk for the development of type 2 diabetes mellitus. Cochrane Database Syst Rev 2016, Issue 10. DOI: 10.1002/14651858.CD012151.pub2
  5. Barry E, Roberts S, Oke J et al. Efficacy and effectiveness of screen and treat policies in prevention of type 2 diabetes: systematic review and meta-analysis of screening tests and interventions. BMJ 2017;356:i6538. DOI: 10.1136/bmj.i6538

 

 




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