Revue d'Evidence-Based Medicine
Bénéfice d’un régime méditerranéen en prévention primaire ?
Contexte
L’étude “des sept pays” a été la première à montrer un lien entre des habitudes alimentaires régionales et la mortalité cardiovasculaire (1). Plusieurs études ont ensuite montré que le suivi de certaines composantes du régime méditerranéen permettait de diminuer l’incidence de pathologies cardiovasculaires (2). De récentes études d’observation ont évalué le lien entre l’observance d’un régime méditerranéen et l’état de santé de la population.
Résumé
Méthodologie
Synthèse méthodique et méta-analyse
Sources consultées
- les bases de données PubMed, EMBASE, Web of Science et Cochrane Central Register of Controlled Trials, jusqu’au 30 juin 2008
- références des articles et synthèses isolés.
Etudes sélectionnées
- études de cohortes prospectives évaluant le lien entre un score d’observance pré-établi (de 0 à 7-9) d’un régime méditerranéen et des critères cliniques
- exclusion : études transversales et cas-témoins, type de régime non spécifique ou directives autres qu’un régime méditerranéen, anamnèse d’événement cardiovasculaire, correction de facteurs confondants éventuels non possible
- 62 publications isolées, 12 correspondant aux critères d’inclusion.
Population étudiée
- total de 1 574 299 sujets (161 à 214 284 par étude)
- âge : de 30-49 ans à 70-90 ans
- 6 études avec des populations méditerranéennes, 1 en Suède, 4 aux E.-U., 1 sur une population européenne en Australie
- autres caractéristiques non décrites.
Mesure des résultats
- lien entre le score d’observance du régime méditerranéen et la mortalité globale, la mortalité cardiovasculaire, l’incidence de cancer ou de mortalité par cancer, de maladies de Parkinson et d’Alzheimer
- analyse en modèle d’effets aléatoires
- tests de Chi² et I² pour l’hétérogénéité
- analyses de sensibilité pour la mortalité.
Résultats
- suivi sur 3 à 18 ans
- diminution significative de la mortalité globale, cardiovasculaire, par cancer, de l’incidence des maladies de Parkinson et d’Alzheimer en cas de score d’observance supérieur de 2 points (voir tableau)
- efficacité sur la mortalité globale non influencée par le pays d’étude, le sexe, la durée de suivi, la qualité d’étude
- pas de biais de publication mis en évidence.
Tableau. Risque de décès, de décès cardiovasculaire ou par cancer, de maladie de Parkinson ou d’Alzheimer, en cas d’augmentation du score d’observance de 2 points.
Critère |
Nombre d’études |
RR (IC à 95% ; valeur p) |
I² |
Mortalité globale |
8 |
0,92 (0,91 à 0,94 ; < 0,0001) |
18,3% * |
Mortalité cardiovasculaire |
4 |
0,91 (0,87 à 0,95 ; < 0,0001) |
32,6% * |
Mortalité par cancer |
6 |
0,94 (0,92 à 0,96 ; < 0,0001) |
0% ** |
Maladie de Parkinson ou d’Alzheimer |
3 |
0,87 (0,80 à 0,96 ; < 0,004) |
0% ** |
*hétérogénéité faible **pas d’hétérogénéité
Conclusion des auteurs
Les auteurs concluent que la santé des personnes suivant un régime méditerranéen est améliorée : mortalité globale diminuée de 9%, cardiovasculaire de 9%, par cancer de 6%, incidence des maladies de Parkinson et d’Alzheimer diminuée de 13%. Ces résultats semblent pertinents au point de vue santé publique. Un régime de type méditerranéen peut être recommandé en prévention primaire de maladies chroniques majeures.
Financement
Aucun n’est mentionné.
Conflits d’intérêt
Aucun n’est mentionné.
Discussion
Considérations sur la méthodologie
Les auteurs ont effectué une recherche systématique dans la littérature, sans restriction de langue. Ils ont exclu, grâce à un test approprié, un biais de publication. Pour évaluer la qualité des études (faible versus élevée), ils n’ont pas eu recours à des échelles classiques validées (tels les scores de Downs et Black ou de Deeks) mais se sont contentés de 3 critères arbitrairement choisis : le nombre de participants, la durée du suivi et une correction pour des facteurs confondants possibles (démographiques, anthropométriques, facteurs de risque cardiovasculaires). Les études sans correction pour ces facteurs confondants ont été exclues. Toutes les études ont effectué les corrections pour l’âge des sujets évalués mais elles divergent fortement pour une correction pour les autres facteurs confondants. Cette hétérogénéité aurait, selon une étude de sensibilité, peu influencé les résultats. Seuls les résultats les mieux corrigés ont été repris dans la méta-analyse.
Pour exprimer l’adhérence à un régime méditerranéen, les différentes études utilisent un score d’observance. Selon que différentes composantes du régime méditerranéen sont davantage (=1) ou moins (=0) suivies par rapport à la médiane de la tranche d’âge spécifique, le score varie de 0 à 7-9. Il n’y a pas de définition détaillée d’un régime méditerranéen, ce qui peut faire fortement varier le contenu du score d’une étude à l’autre (3). Cette hétérogénéité peut influencer la répartition dans certaines catégories d’alimentation, comme l’importance accordée à la consommation de viande et d’alcool. En outre, un tel score est fortement subjectif et la rigueur de sa détermination peut fortement varier selon le contexte de la recherche.
Interprétation des résultats
Le nombre important de participants renforce la validité externe de cette étude. En tenant compte des limites méthodologiques soulignées pour le score d’observance, un bénéfice significatif de 9% est observé pour des critères de jugement forts, tels que la mortalité globale ou cardiovasculaire, quand le score d’observance du régime méditerranéen est de 2 points supérieur. Une analyse de sensibilité montre que ce résultat semble indépendant de la région dans laquelle l’étude est effectuée ; par exemple, un bénéfice significatif est observé dans les études américaines et australiennes chez les sujets qui observent fidèlement un régime méditerranéen. Cette observation représente un argument important pour pouvoir affirmer que ce type de régime apporte un bénéfice en termes de santé indépendamment des caractéristiques spécifiques de la population.
Autres études
La méta-analyse de Sofi se limite à l’évaluation du bénéfice d’un régime méditerranéen dans une population saine (prévention primaire). Une autre récente étude de cohorte de 13 380 étudiants universitaires en bonne santé montre également un intérêt en prévention du diabète. Sur un suivi moyen de 4,4 ans, l’incidence de diabète est significativement moindre pour les groupes avec un score d’observance d’un régime méditerranéen de 3-6 et de 7-9 versus < 3 : incidence respective de 0,23%, 0,13% et 0,40% (4).
Plusieurs études ont également été effectuées avec un régime méditerranéen en prévention secondaire. La Lyon Diet Heart Study a suivi, durant 4 ans, 600 patients ayant présenté un infarctus du myocarde et suivant soit un régime méditerranéen, soit une alimentation habituelle. Sur les 4 ans, sous régime méditerranéen, 14 personnes sont décédées ou ont refait un infarctus myocardique versus 44 (p=0,0001 pour la différence) sous alimentation habituelle (2). Une autre RCT incluant 1 000 patients à haut risque montre qu’un régime riche en céréales complètes, fruits, légumes, noix et amandes diminue de moitié l’incidence d’événements cardiovasculaires versus groupe de contrôle : 39 événements versus 76 ; p<0,001 pour la différence (5).
Pour la pratique
La promotion d’un régime méditerranéen en prévention primaire bénéfique en termes de mortalité cardiovasculaire figure déjà dans plusieurs guides de pratique. Les recommandations alimentaires sont simples, familières au médecin généraliste : davantage de pain complet, de pâtes, de légumes, de fruits, de noix, noisettes et amandes, d’huile mono-insaturée, de poisson, moins de viande et de produits laitiers. Un guide de pratique récent pour la prévention primaire montre que le suivi d’un régime méditerranéen, sur 5 ans, permet de sauver 0,9 vie sur 100, pour 0 à 0,7 avec les statines, 1,3 avec les antihypertenseurs, 3,3 par la pratique d’activités physiques et 8 par l’arrêt du tabac (6).
Conclusion
Cette étude montre que le suivi d’un régime de type méditerranéen apporte, en prévention primaire, un bénéfice important en termes de mortalité globale et cardiovasculaire, de cancer, de maladies d’Alzheimer et de Parkinson. Outre les recommandations aux patients de faire plus d’exercices et d’arrêter de fumer, celles concernant leur alimentation ont un rôle prépondérant en prévention primaire de maladies chroniques.
- Keys A. Seven countries: a multivariate analysis of death and coronary heart disease. Harvard University Press, 1980.
- De Lorgeril M, Salen P, Martin J, et al. Mediterranean diet, traditional risk factors, and the rate of cardiovascular complications after myocardial infarction: final report of the Lyon Diet Heart Study. Circulation 1999;99:799-85.
- Bach A, Serra-Majem L, Carrasco JL, et al. The use of indexes evaluating the adherence to the Mediterranean diet in epidemiological studies: a review. Public Health Nutr 2006;9:132-46.
- Martinez-Gonzales MA, de la Fuente-Arrillaga C, Nunez-Cordoba JM, et al. Adherence to Mediterranean diet and risk of developing diabetes: prospective cohort study. BMJ 2008;336:1348-51.
- Singh RB, Dubnov G, Niaz MA, et al. Effect of an Indo-Mediterranean diet on progression of coronary artery disease in high risk patients (Indo-Mediterranean Diet Heart Study): a randomised single-blind trial. Lancet 2002;360:1455-61.
- Guidelines and Protocol Advisory Committee. Cardiovascular Disease – Primary Prevention.
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