Revue d'Evidence-Based Medicine
L’effet de la prévention : qu’en pensent les patients ?
Texte sous la responsabilité de la rédaction néerlandophone
La revue Minerva a déjà souvent commenté l’utilité et les effets indésirables des différentes formes de dépistage. Nous avons rapidement signalé que le dépistage du cancer de la prostate était peut-être inutile (1,2). Les preuves actuelles permettent aujourd’hui d’affirmer que le dépistage systématique du cancer de la prostate par la détermination du taux sérique de PSA n’est pas à recommander (3,4). Le test PSA réalisé dans le cadre d’un dépistage n’est donc plus remboursé par l’INAMI depuis le 1er août 2012. Pour le dépistage du cancer du sein, il s’avère également que le gain potentiel soit neutralisé par les effets indésirables (5-8). Minerva, une fois de plus, traite, dans ce numéro, d’une revue Cochrane sur les avantages et les désavantages de la mammographie de dépistage (9). Ces deux exemples démontrent bien que l’on ne peut sous-estimer l’importance d’une recherche continue sur l’effet du dépistage et sur ses effets indésirables. Une plus-value certaine consiste à évaluer un traitement précoce dans la question de recherche sur l’effet du dépistage. Pensons notamment à la plus-value que représente le dépistage précoce et le traitement du diabète sucré (10). Dans le cadre de la violence conjugale contre les femmes, ce numéro de Minerva aborde de manière plus approfondie l’effet du dépistage suivi d’un service de conseil (11). Pour la pratique, il est intéressant d’évaluer si l’effet du dépistage ou d’une action préventive plus large dans le cadre d’une pathologie déterminée est élargi à l’effet d’une succession de bilans de santé dans un même groupe de patients (12).
Malgré une vision toujours plus pragmatique sur la recherche en prévention et bien que les investigateurs, pour mesurer l’effet, utilisent des résultats péjoratifs (mortalité globale et mortalité spécifique à la maladie), nous sommes en droit de nous interroger sur l’évaluation subjective par les patients eux-mêmes de l’effet de tout cet effort de prévention. Il ne faut pas perdre de vue que ce sont les patients qui subissent ces examens et ces traitements de prévention, lesquels leur sont souvent aussi facturés (13). Comme médecins, nous avons beau être convaincus de l’importance de certaines formes de prévention, c’est finalement le patient qui doit pouvoir décider, de manière indépendante, s’il souhaite ou non accepter cette offre. Dans ce cadre, il est donc également indispensable d’évaluer correctement les attentes du patient en ce qui concerne l’effet du dépistage et des traitements préventifs.
Une étude d’observation menée en Nouvelle-Zélande (14) a examiné comment les patients évaluaient l’effet de quatre interventions préventives (dépistage du cancer du sein, dépistage du cancer des intestins, prévention des fractures de hanche et prévention des maladies cardiovasculaires). L’effet du dépistage du cancer du sein et du cancer des intestins sur la mortalité spécifique de la maladie, l’effet de la prévention cardiovasculaire sur la mortalité globale et l’effet de la prévention des fractures de hanche ont été évalués par la plupart des patients à un niveau plus élevé que ce que les études actuelles n’ont démontré. À cet égard, il est également apparu que l’effet prouvé de ces interventions (à l’exclusion de la prévention des maladies cardiovasculaires) était plus faible que le niveau considéré comme acceptable par les patients. Par une analyse par régression logistique, les investigateurs ont constaté qu’un faible niveau de formation est un facteur prédictif important de la surestimation du résultat du dépistage. Dans leur discussion, les auteurs ont tenté d’expliquer cette surestimation par le fait que les patients, lorsqu’ils évaluent l’effet du dépistage sur la mortalité, tiennent également compte d’autres facteurs. Ainsi, il se pourrait, par exemple, qu’ils associent trop précipitamment le diagnostic précoce avec un gain en termes de survie, sans tenir compte de l’effet négatif du surtraitement sur la mortalité. Malheureusement, les auteurs n’ont pas exploré cette piste de réflexion.
Sur la base de leurs résultats, les auteurs plaident pour une information correcte tant sur les avantages que sur les désavantages du dépistage. Les patients ont besoin de ces renseignements pour pouvoir prendre une décision quant à passer ou non le dépistage et suivre ou non un traitement préventif. En plus des informations trompeuses figurant dans les prospectus, ils dénoncent aussi le fait que les médecins, eux aussi, lorsqu’ils donnent des informations, évaluent mal les interventions de prévention (15). Cet élément pourrait corroborer la thèse selon laquelle, en plus d’une recherche scientifique poussée sur l’effet des traitements préventifs, il convient que les médecins, dans la communication quotidienne avec leurs patients, intègrent des informations factuelles concernant l’effet de la prévention. La revue Minerva a pour mission de continuer à suivre cette matière et d’informer les médecins de manière nuancée à partir d’informations récentes et correctes sur le plan méthodologique. Nous ne pouvons qu’espérer que les médecins transmettront correctement ces informations à leurs patients, soutenus en cela par une stratégie de prévention rationnelle des instances gouvernementales.
Références
- Van Poppel H. De waarde van vrij PSA in de diagnostiek van prostaatkanker. Minerva 1999;28(5):206-7.
- Weyler J. Prostaatkanker: kan screening de mortaliteit reduceren? Minerva 2001;30(3):127-31.
- Weyler J. Dépistage du cancer de la prostate. MinervaF 2003;2(8):128-31.
- Spinnewijn B, Van den Bruel A. Cancer de la prostate : à dépister ou non ? MinervaF 2009;8(9):124-5.
- van Driel M, Vermeire E. Is borstkankerscreening verantwoord? Minerva 2001;30(4):170-3.
- Garmyn B. Quelle est l’efficacité d’un dépistage du cancer du sein à long terme (29 ans) ? MinervaF 2012;11(3):30-1.
- Garmyn B. Mammographie bisannuelle : mortalité par cancer du sein réduite ? MinervaF 2011;10(4):41-2.
- La Rédaction Minerva. 30 ans de dépistage du cancer du sein par mammographie aux E-U : au mieux un faible impact sur la mortalité par cancer du sein chez les femmes de plus de 40 ans. Minerva online 28/03/2013.
- Michiels B. Dépistage du cancer du sein par mammographie. Minerva online 15/03/2014.
- Piessens V. Dépistage du diabète chez les personnes à haut risque : pas d’efficacité sur la mortalité à 10 ans. Minerva online 15/12/2013.
- Hillemans K. Dépistage et service de conseil précoce en cas de violence conjugale ? MinervaF 2014;13(2):17-8.
- Baeten R. Bilans de santé préventifs : un bénéfice pour la santé ? MinervaF 2014;13(2):15-6.
- Lemiengre M. Screening: a boulevard of broken dreams? [Editoriaal] Huisarts Nu 2013;42:214-5.
- Hudson B, Zarifeh A, Young L. Patients’ expectations of screening and preventive treatments. Ann Fam Med 2012;10:495-502.
- Sapre N, Mann S, Elley CR. Doctors’ perceptions of the prognostic benefit of statins in patients who have had myocardial infarction. Intern Med J 2009;39:277-82.
Ajoutez un commentaire
Commentaires