Revue d'Evidence-Based Medicine



Asthme chronique : en ajout aux corticostéroïdes inhalés, LABA ou anti-leucotriènes ?



Minerva 2007 Volume 6 Numéro 8 Page 114 - 115

Professions de santé


Analyse de
Ducharme FM, Lasserson TJ, Cates CJ. Long-acting beta2-agonists versus anti-leukotrienes as add-on therapy to inhaled corticosteroids for chronic asthma. Cochrane Database of Syst Rev 2006, Issue 4.


Question clinique
En cas d’insuffisance du contrôle de l’asthme par un traitement par corticostéroïdes inhalés, est-il plus efficace et sûr d’y ajouter des antagonistes des récepteurs des leucotriènes ou des bèta-2-mimétiques à longue durée d’action ?


Conclusion
Cette méta-analyse montre que, en cas d’asthme modéré non suffisamment contrôlé par corticostéroïdes inhalés chez un adulte, l’ajout d’un bèta-2-mimétique à longue durée d’action est plus efficace que l’ajout d’un antagoniste des récepteurs des leucotriènes. La stratégie thérapeutique proposée dans différents guidelines correspond à cette observation : les antagonistes des récepteurs des leucotriènes sont une deuxième option pour l’ajout d’un traitement aux corticostéroïdes inhalés, comme les théophyllines ou le doublement des doses de corticostéroïdes inhalés, sans études comparatives entre ces trois options.


 

Résumé

Contexte

Les corticostéroïdes inhalés (ICS) constituent la base du traitement chronique de l’asthme (1). S’ils sont insuffisants pour contrôler l’asthme de manière satisfaisante, en complément, un bèta-2-mimétique à longue durée d’action (LABA) est généralement recommandé. Une alternative est l’ajout d’un antagoniste des récepteurs des leucotriènes (LTRA). Dans les RCTs comparant ces 2 traitements : soit les LABA sont supérieurs (1 étude (2)), soit il n’y a pas de différence significative (4 études, dont une précédemment analysée dans Minerva (3)).  

Méthodologie

Synthèse méthodique et méta-analyse

 

Sources consultées

  • MEDLINE, EMBASE, CINAHL et Cochrane Airways Group Specialised Register (CENTRAL)
  • revues dans le domaine respiratoire, références dans les publications, résumés de congrès
  • consultation des auteurs des publications et des firmes concernées.

Etudes sélectionnées

  • études randomisées, contrôlées, d’une durée minimale de 28 jours
  • avec évaluation de l’ajout d’un bèta-2-mimétique à longue durée d’action (salmétérol, 9 études, ou formotérol, 2 études) ou d’un antagoniste des récepteurs des leucotriènes (montélukast, 9 études ou zafirlukast, 2 études) à des corticostéroïdes inhalés
  • dans l’asthme chronique chez l’adulte ; absence d’étude chez l’enfant
  • toutes les études autorisent le recours à des bèta-2-mimétiques à courte durée d’action ou à des corticostéroïdes oraux en cas de besoin, ainsi qu’à tout autre traitement (stable) de l’asthme
  • pas de biais de publication au funnel plot.

Population concernée

  • total de 15 RCTs ; 11 (6 030 patients, dont seulement 80 enfants, âge moyen 35-44 ans) fournissent des données suffisantes pour une sommation
  • patients inclus : valeurs de VEMS à 66-76% des valeurs prédictives.

Mesure des résultats

  • critère de jugement primaire : nombre de patients présentant une exacerbation d’asthme nécessitant une courte cure de corticostéroïdes systémiques (résultats dans 6 études)
  • critères secondaires : autres mesures de la sévérité des exacerbations (hospitalisations p. ex.), contrôle de l’asthme (tests respiratoires, score symptomatique, jours et/ou nuits asymptomatiques, qualité de vie, recours à des bèta-2-mimétiques, mesures de l’inflammation (éosinophilie par ex), effets indésirables
  • analyse de sensibilité en fonction de la qualité des études
  • analyse en intention de traiter.

 

Résultats

  • durée des études : de 4 à 48 semaines
  • réduction des exacerbations : 11% sous LABA ; 9% sous LTRA
  • différents critères secondaires : résultats généralement en faveur des LABA versus LTRA (voir tableau)
  • pas de différence significative pour : arrêts en raison d’effets indésirables ou de mauvais contrôle de l’asthme, hospitalisation, ostéopénie/ostéoporose, effets indésirables sévères ou total des effets indésirables, céphalées ou événements cardio-vasculaires.

 

Tableau : résultats statistiquement significatifs en faveur de l’ajout de LABA plutôt que de LTRA, avec mesure de la différence utilisée pour chaque critère : risque relatif, NST, différence moyenne standardisée (SMD), différence moyenne pondérée, pourcentage, rapport de risque.

Critère

Unité de mesure pour la différence

Différence

Exacerbations avec corticostéroïdes systémiques

RR, (IC à 95%)

0,83 (0,71 à 0,97)

Eviter une exacerbation/48 sem

NST (IC à 95%)

38 (23 à 247)

PEFR matinal

L/min (IC à 95 %)

16 (13 à 18)

PEFR vespéral

L/min (IC à 95 %)

12 (9 à 15)

VEMs

ml (IC à 95%)

80 (60 à 100)

Jours asymptomatiques

% de jours (IC à 95%)

6 (2 à 11)

Recours à des beta-2- mimétiques

Puffs/jour (IC à 95%)

-0,5 (-0,2 à -1)

Qualité de vie

Global Asthma QoL

0,1 (0,05 à 0,2)

Score des symptômes

SMD

- 0,2 (-0,1 à -0,3)

Réveils nocturnes

Nombre/sem (IC à 95%)

- 0,1 (-0,06 à -0,2)

Satisfaction du patient

RR (IC à 95%)

1,12 (1,07 à 1,16)

Arrêts de traitement

Risk Ratio (IC à 95%)

0,83 (0,73 à 0,95)

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que, chez les patients présentant un asthme insuffisamment contrôlé par de faibles doses de corticostéroïdes inhalés, l’ajout d’un LABA est supérieur à celui d’un LTRA en termes de prévention d’exacerbations nécessitant de recourir à des corticostéroïdes systémiques, d’amélioration de la fonction pulmonaire et des symptômes ainsi que pour le recours à des bèta-2-mimétiques.

Financement

Nederlands Astma Fonds, NHS Research and Development UK et l’auteur principale.

Conflits d’intérêt

F. Ducharme mentionne avoir reçu des fonds pour diverses collaborations ou consultances de la part de plusieurs firmes commercialisant les médicaments évalués dans cette méta-analyse.

 

Discussion

Considérations sur la méthodologie

Cette méta-analyse suit une méthodologie rigoureuse et bénéficie également de la bonne valeur méthodologique de la plupart des études incluses (8 études avec un score de Jadad de 5/5). Il n’y a cependant pas d’évaluation de l’adhérence thérapeutique au cours des études. Les auteurs indiquent dans leur analyse en sous-groupes et dans la conclusion de leur discussion, qu’une association fixe de bèta-2-mimétiques à longue durée d’action (LABA) et de corticostéroïdes inhalés (ICS) diminue mieux le risque d’exacerbations qu’une association libre. Ils mentionnent cependant eux-mêmes qu’il s’agit, dans ce cas, d’une comparaison indirecte et que le risque initial n’est pas identique dans les deux sous-groupes. Leur conclusion semble donc bien abusive dans le cadre d’une analyse en evidence-based medicine, d’autant plus qu’il s’agit d’une synthèse méthodique de la Cochrane Collaboration. Faut-il mettre cette « erreur » en relation avec les conflits d’intérêt déclarés ?

Résultats en perspective

La pertinence clinique des différences statistiquement significatives observées nous semble limitée. Les résultats ne permettent pas de conclusions pour les enfants. Les LTRA sont moins efficaces que les corticostéroïdes inhalés dans le traitement de l’asthme (4), mais ils peuvent être un deuxième choix en cas d’intolérance aux ICS (1). Leur ajout aux corticostéroïdes inhalés apporte un bénéfice modeste dans l’amélioration de la fonction respiratoire, et leur rôle épargnant pour la dose de corticostéroïdes à utiliser est mal établie mais apparaît également limité (5). Dans cette méta-analyse, Les LABA sont plus performants que les LTRA en ajout aux ICS. Les résultats pourraient cependant être influencés, selon les auteurs, par l’âge des patients, la réversibilité du spasme, le tabagisme, la sévérité initiale de l’asthme, le type d’asthme (éosinophilique ou non), les facteurs déclenchants (rhinite allergique), l’observance, etc. Cette méta-analyse ne permet pas de situer les LTRA vis-à-vis d’autres alternatives de deuxième choix en ajout thérapeutique aux ICS après les LABA : doublement des doses de corticostéroïdes (6), théophyllines. Les guidelines internationaux (1) reconnaissent cette supériorité d’efficacité des LABA sur les LTRA en ajout aux ICS dans l’asthme, tout en n’étant pas suffisamment précis, dans leur tableau résumé, sur la stratégie progressive de choix à respecter. Les guidelines belges néerlandophones (7), plus anciens, n’accordent pas de place aux antagonistes des récepteurs des leucotriènes.

Effets indésirables

Les effets indésirables du montélukast et du zafirlukast sont rares, céphalées principalement, ou vascularite peut-être (très rare et lien  mal établi) (8). Une autre source (9) y ajoute les risques de réaction allergique (urticaire, angioedème, réaction anaphylactique), œdème, agitation et, pour le zafirlukast des risques d’hépatotoxicité parfois sévère. Pour les LABA dans l’asthme, nous avons récemment discuté dans Minerva de leurs avantages et risques potentiels d’augmentation d’exacerbations sévères et même de décès versus placebo (10).

Conclusion

Cette méta-analyse montre que, en cas d’asthme modéré non suffisamment contrôlé par corticostéroïdes inhalés chez un adulte, l’ajout d’un bèta-2-mimétique à longue durée d’action est plus efficace que l’ajout d’un antagoniste des récepteurs des leucotriènes. La stratégie thérapeutique proposée dans différents guidelines correspond à cette observation : les antagonistes des récepteurs des leucotriènes sont une deuxième option pour l’ajout d’un traitement aux corticostéroïdes inhalés, comme les théophyllines ou le doublement des doses de corticostéroïdes inhalés, sans études comparatives entre ces trois options.

 

Références

  1. Global Strategy for Asthma Management and Prevention.  www.ginasthma.org
  2. Ringdal N, Eliraz A, Pruzinec R, et al. The salmeterol/fluticasone combination is more effective than fluticasone plus oral montelukast in asthma. Respir Med 2003;97:234-41.
  3. Kegels E. Montélukast versus salmétérol en ajout au fluticasone dans l’asthme modéré persistant. MinervaF 2005;4(1):2-4.
  4. Ducharme FM, Di Salvio F. Anti-leukotriene agents compared to inhaled corticosteroids in the management of recurrent and/or chronic asthma in adults and children. Cochrane Database Syst Rev 2004, Issue 1.
  5. Ducharme F, Schwartz Z, Kakuma R. Addition of anti-leukotriene agents to inhaled corticosteroids for chronic asthma. Cochrane Database Syst Rev 2004, Issue 1.
  6. Sturtewagen JP. Intérêt de doubler la dose des corticostéroïdes en cas d’échec du traitement de l’asthme? MinervaF 2005;4(1):8-10.
  7. Kegels E, De Sutter A, Michels J, Van Peer W. Astma bij volwassenen. Huisarts Nu 2003;32:275-300.
  8. Montelukast: aucune place actuellement dans l’asthme. Rev Prescr 1999;19:323-7.
  9. Martindale. The complete drug reference. 35th edition 2007.
  10. Chevalier P. Asthme et ß2-mimétiques à longue durée d’action. MinervaF 2007;6(6):87-9.
Asthme chronique : en ajout aux corticostéroïdes inhalés, LABA ou anti-leucotriènes ?



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