Revue d'Evidence-Based Medicine



Thérapie comportementale cognitive en cas de trouble panique : 2 ans de suivi



Minerva 2007 Volume 6 Numéro 5 Page 74 - 76

Professions de santé


Analyse de
Addis ME, Hatgis C, Cardemil E, et al. Effectiveness of cognitive-behavioral treatment for panic disorder versus treatment as usual in a managed care setting: 2-year follow-up. J Consult Clin Psychol 2006;74:377-85.


Question clinique
Quelle est l’efficacité d’une thérapie comportementale cognitive (TCC) versus traitement de référence, chez des patients présentant un trouble panique, un et deux ans après la fin du traitement ?


Conclusion
Les auteurs de cette étude concluent qu’une thérapie comportementale cognitive (TCC) en cas de troubles de panique est plus efficace à long terme qu’un traitement de référence. Cette conclusion doit être nuancée. Une modification clinique significative n’est observée que pour un groupe limité de patients et uniquement en ce qui concerne les troubles paniques. En raison de limites méthodologiques et d’un contexte d’étude particulier, les résultats sont difficilement transférables à la pratique belge.


 

Résumé

Contexte

Dans une précédente publication, les mêmes auteurs ont conclu qu’une TCC diminuait significativement mieux un certain nombre de symptômes de panique et améliorait mieux le bien-être général qu’un traitement de référence 1.

Population étudiée

Des personnes présentant un trouble panique avec ou sans agoraphobie sont recrutées via des annonces ou des références. Les critères d’exclusion sont : traitement pour un autre trouble, abus médicamenteux non traité dans les six derniers mois, diagnostic de psychose dans les cinq dernières années, risque suicidaire accru. Finalement, ce sont 80 patients d’un âge moyen d’environ 40 ans (ET 13), dont 70% de femmes, qui sont inclus dans l’étude.

Protocole d’étude

Dix psychothérapeutes peu expérimentés en TCC sont répartis dans deux groupes. Une première moitié bénéficie de 12 à 15 sessions de formation à la TCC (psycho-éducation concernant les troubles paniques, exercices respiratoires, restructuration cognitive et mise en situation). Les patients sont répartis aléatoirement soit dans un groupe TCC (n=38) soit dans un groupe traitement de référence (n=42). Un et deux ans après la fin du traitement, les patients sont interrogés via questionnaires et interviews.

Mesure des résultats

Le critère de jugement primaire est la modification de la sévérité des plaintes de panique et d’agoraphobie. Les critères secondaires sont les changements dans la sévérité de la dépression et du bien-être général. La pertinence clinique de la modification est déterminée en évaluant le pourcentage de patients atteignant un score supérieur à une valeur seuil basée sur un groupe contrôle sain. L’analyse est faite en intention de traiter et par protocole.

Résultats

A l’initiation de l’étude, 80 personnes sont incluses, mais après deux ans, des données ne sont disponibles que pour 32 personnes. L’analyse en intention de traiter ne montre pas de différence significative entre les groupes en termes de modification des plaintes de panique et d’agoraphobie, ni en fin de traitement ni durant le suivi à un ou à deux ans. L’analyse par protocole montre cependant une diminution significativement plus importante pour les plaintes de panique et de phobie après un et deux ans. Une amélioration cliniquement pertinente n’est observée, en analyse en intention de traiter, que pour les plaintes de panique. Aucune différence significative n’est observée dans le recours à des ISRS, à des benzodiazépines ou à des sessions supplémentaires de psychothérapie.

Conclusion des auteurs

Les auteurs de cette étude concluent à l’efficacité à long terme de la TCC en cas de trouble panique, dans un contexte clinique. La TCC est plus efficace qu’un traitement de référence pour les patients qui suivent au moins huit sessions.

Financement

Bourses de recherche du National Institute of Mental Health (E.-U.).

Conflits d’intérêt

Non mentionnés.

 

Discussion

Considérations sur la méthodologie

Un certain nombre de problèmes méthodologiques compliquent l’interprétation de cette étude. Des analyses ont montré que les thérapeutes du groupe TCC utilisaient davantage de techniques comportementales cognitives que ceux du groupe traitement de référence ; parmi ces différents processus et techniques, lesquels contribuent aux résultats ? Les thérapeutes du groupe traitement de référence utilisent des techniques comportementales cognitives tout comme les thérapeutes du groupe TCC utilisent aussi d’autres techniques. Il n’est donc pas possible de dédier les effets thérapeutiques à des facteurs spécifiques ou non, limite à laquelle se heurtent de nombreuses évaluations de thérapies intitulées « formes de psychothérapie empiriques d’aide » 1. Le nombre de sessions par patient est, de plus, peu élevé et, particulièrement dans le groupe TCC visiblement inférieur aux 12 à 15 sessions prévues dans le protocole. Malgré ses problèmes méthodologiques, cette étude est importante, tentant d’évaluer si un traitement basé sur des preuves issues d’études contrôlées peut être transposé dans la pratique clinique quotidienne ainsi que dans le contexte de soins remboursés par la sécurité sociale. Les critères d’exclusion sont limités au minimum, ce qui augmente l’inférence des résultats 1 ; les patients suicidaires en sont cependant exclus.

Interprétation des résultats

Il faut souligner que, malgré le nombre faible de contacts, une durée assez longue de l’amélioration des troubles paniques est obtenue. La poursuite d’une psychothérapie et de médicaments dans la période de suivi ne modifie pas les résultats. Ces résultats contrastent avec ceux d’autres études qui montrent un bénéfice pour la poursuite d’un traitement avec une association psychothérapie plus médicament 2,3. L’analyse des données sur base de leur pertinence clinique montre qu’une psychothérapie de brève durée a sa place dans le traitement des troubles paniques. Le progrès obtenu est franc, surtout chez des patients qui suivent au moins huit sessions de TCC. L’effet est également majoré à long terme par rapport à celui de psychothérapies ou de traitements médicamenteux de courte durée dans d’autres indications psychiatriques courantes telles que la dépression, les troubles alimentaires, et plusieurs autres troubles anxieux (le trouble obsessionnel compulsif et le trouble de stress post-traumatique). Dans ces situations, un taux de réponse de 35 à 40% est observé chez les sujets suivant leur traitement en entier, et de 25 à 30% en analyse en intention de traiter 4,5. Cette conclusion est cependant à nuancer, si nous tenons compte des autres paramètres. Une amélioration des plaintes dépressives et du bien-être général n’est qu’à peine perceptible. La plupart des patients continuent à présenter des troubles subcliniques. En outre, les auteurs signalent qu’un nombre significatif de patients ont recours, dans le suivi, à des interventions psychothérapeutiques et médicamenteuses, probablement en raison d’une insatisfaction pour le résultat atteint 1. L’absence de mention de chiffres précis ne nous permet pas de conclure. Les auteurs ne s’attardent pas sur la proportion importante d’arrêts de traitement. Au départ, 155 patients sont recrutés, dont 38 ne satisfont pas aux critères d’inclusion. Parmi ceux qui restent, deux estiment que le traitement exige un investissement de temps trop important et 29 ne donnent aucun motif de non participation. Une portion importante des sujets est donc déjà éliminée dès le départ pour des raisons imprécises. Il en va de même au niveau des thérapeutes : parmi les 24 contactés, seuls dix se sont déclarés prêts à participer. Une charge de travail importante et un manque de temps furent des raisons de refus.

Une TCC pour qui ?

Une thérapie comportementale cognitive n’est pas à proposer à tous les patients (ni à tous les thérapeutes). D’autres études semblent montrer que pour le traitement de troubles paniques, dans la pratique, une moyenne de 29 séances de TCC est nécessaire, chiffre visiblement plus élevé que celui offert dans cette étude, dans un contexte de remboursement par la sécurité sociale ; ce chiffre s’écarte également des recommandations dans le domaine 3. Il semble également qu’un problème de personnalité (sub)clinique nécessite un nombre plus important de sessions de TCC et influence négativement l’effet de cette thérapie 1,3. Sur base de cette étude et d’autres, semblables 1, une TCC de courte durée semble à recommander pour un sous-groupe de patients chez lesquels les troubles de panique dominent le tableau clinique, qui présentent par ailleurs peu de comorbidité et qui choisissent une approche par TCC. Pour les autres patients, une association d’un traitement médicamenteux (à long terme) et d’une psychothérapie semble préférable 2. Il y a des indications qu’une thérapie psychodynamique de courte durée est efficace chez des patients présentant davantage de comorbidités 5. En Belgique, il n’existe actuellement pas de structure permettant d’offrir une TCC de manière systématique dans le cadre d’un remboursement par la sécurité sociale, si ce n’est par un médecin.

 

Conclusion

Les auteurs de cette étude concluent qu’une thérapie comportementale cognitive (TCC) en cas de troubles de panique est plus efficace à long terme qu’un traitement de référence. Cette conclusion doit être nuancée. Une modification clinique significative n’est observée que pour un groupe limité de patients et uniquement en ce qui concerne les troubles paniques. En raison de limites méthodologiques et d’un contexte d’étude particulier, les résultats sont difficilement transférables à la pratique belge.

 

Références

  1. Westen D, Novotny, CM, Thompson-Brenner H. The empirical status of empirically supported psychotherapies: assumptions, findings and reporting in controlled clinical trials. Psychol Bull 2004;130:631-63.
  2. Furukuwa TA, Watanabe N, Churchill R. Combined psychotherapy plus antidepressants for panic disorder with or without agoraphobia. Cochrane Database Syst Rev 2007, Issue 1.
  3. Morrison KH, Bradley R, Westen D. The external validity of controlled clinical trials of psychotherapy for depression and anxiety: a naturalistic study. Psychol Psychother 2003;76:109-32.
  4. Luyten P, Vliegen N. ‘Lost in translation’: de invloed van de ziektemetafoor op de classificatie en behandeling van psychopathologie. Tijdschr Klin Psychol 2005;4:243-53.
  5. Milrod B, Leon AC, Busch F, et al. A randomized controlled clinical trial of psychoanalytic psychotherapy for panic disorder. Am J Psychiatry 2007;164:265-72.
Thérapie comportementale cognitive en cas de trouble panique : 2 ans de suivi

Auteurs

Luyten P.
Centrum voor Psychoanalyse en Psychodynamische Psychologie, KU Leuven
COI :

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