Revue d'Evidence-Based Medicine
Acupuncture pour les lombalgies
Minerva 2006 Volume 5 Numéro 4 Page 54 - 55
Professions de santé
Résumé
Contexte
Les lombalgies sont la principale cause d’une limitation des activités des personnes de moins de 45 ans. De nombreux patients sont à la recherche de traitements alternatifs. La chiropraxie et les massages sont les plus courus. L’acupuncture l’est un peu moins, mais 20% des patients quand même avouent y avoir recours 1. Les précédentes études évaluant l’efficacité de l’acupuncture montraient des résultats contradictoires.
Méthodologie
Synthèse méthodique et méta-analyse.
Sources consultées
MEDLINE, Cochrane Library, EMBASE, AMED (Allied and Complementary Medicine Database), CINAHL (Cumulative Index to Nursing and Allied Health Literature) jusqu’en août 2004. Les auteurs ont également exploré deux banques de données de la littérature grise, contacté des experts et consulté des listes de références des études précitées.
Sélection des études
Toutes les études randomisées, contrôlées (RCTs) évaluant l’efficacité de l’acupuncture chez des patients lombalgiques. La notion d’acupuncture reprend toute intervention consistant à piquer des aiguilles dans la peau sans injection de produit. Finalement, 33 études sont sélectionnées.
Population étudiée
Patients présentant une lombalgie aiguë ou chronique. Huit études concernent des patients présentant des symptômes plus sévères (entre autres des douleurs irradiées dans le membre inférieur).
Mesure des résultats
Le critère de jugement primaire est l’efficacité de l’acupuncture sur la douleur à court terme (< 6 semaines). Les critères de jugement secondaires sont les capacités fonctionnelles, l’amélioration générale, la reprise du travail et le recours à des analgésiques à court et long (> 6 semaines) termes. Le modèle d’effet aléatoire est utilisé pour la sommation.
Résultats
Les lombalgies chroniques sont mieux soulagées à court terme par l’acupuncture versus placebo (différence moyenne standardisée de 0,54; IC à 95% de 0,35 à 0,73; 7 études) ou versus aucun traitement (différence moyenne standardisée de 0,69; IC à 95% de 0,40 à 0,98; 8 études). Pour les patients présentant des lombalgies aiguës, aucune conclusion ne peut être tirée. Une différence d’efficacité de l’acupuncture versus autres traitements actifs ne peut également être montrée.
Conclusion des auteurs
Les auteurs concluent que l’acupuncture diminue la douleur en cas de lombalgies chroniques mais qu’il n’existe pas de preuve d’une efficacité supérieure vis-à-vis d’autres traitements actifs.
Financement
National Center for Complementary and Alternative Medicine, Back Care et British Medical Acupuncture Society.
Conflits d’intérêt
AW était engagé par la British Medical Acupuncture Society et a reçu des fonds de Back Care. BB a reçu des fonds du National Institute of Health (E.U.).
Discussion
Considérations sur la méthodologie
La question de recherche de cette méta-analyse est quelque peu générale: patients présentant des lombalgies aiguës ou chroniques et traités par acupuncture versus autre traitement (placebo ou non). Le contexte dans lequel l’étude est effectuée n’est pas toujours clair. Les interventions effectuées (de contrôle également) et les résultats obtenus sont cependant clairement différenciés. La recherche dans la littérature est large et adéquate. Toutes les bases de données pertinentes sont explorées, de même que quelques bases de données de la littérature dite grise avec des termes de recherche identifiables. Enfin, des experts sont consultés et les références des articles isolés sont elles-mêmes consultées. Les auteurs décrivent bien les critères d’inclusion et d’exclusion ce qui permet, malgré le flou de la question de recherche, de mieux cerner les études. Les sélections sont opérées par deux auteurs, indépendamment l’un de l’autre. La durée du traitement par acupuncture et le nombre de séances sont bien mentionnés. La méta-analyse n’évalue que l’acupuncture chinoise dont la définition est: «placement des aiguilles aux points des méridiens traditionnels, dans le but principal d’agir sur le flux énergétique de ces méridiens». Les auteurs ne font, c’est logique, aucune restriction de langue. L’évaluation qualitative est également réalisée selon les règles de l’art, et même de deux façons. Un score de Jadad légèrement modifié2 est tout d’abord utilisé, accordant la priorité à la randomisation, au caractère aveugle et aux sorties d’étude. Ensuite, un deuxième score est attribué sur base de dix critères proposés par le Cochrane Back Review Group 3. Selon l’usage, un certain nombre de sous-groupes est initialement définis. La douleur aiguë (<3 mois) et chronique (>3 mois), le type d’acupuncture (chinoise, japonaise, occidentale) et le traitement dans le groupe contrôle déterminent correctement la répartition dans les groupes.
Résultats dans cette étude
Parmi les 561 études pertinentes, 33 sont finalement incluses dans la synthèse. Seules dix d’entre elles sont reprises dans de précédentes synthèses. En raison d’une hétérogénéité trop importante (lombalgies lors d’une grossesse, comparaison avec différents groupes contrôles dans la même étude), onze ne sont pas reprises dans la méta-analyse finale. La qualité des autres études est modérée (moyenne de 3/5 au score de Jadad et de 4/10 pour les critères du Cochrane Back Review Group). Le nombre de patients n’est également pas fort élevé et de 15 à 94 sujets migrent vers le groupe acupuncture. Le nombre de séances varie de 3 à 60 (en majorité une dizaine de sessions) et elles sont hebdomadaires (sauf dans une étude comprenant 60 séances au rythme de cinq par semaine). Les résultats sont exprimés par une différence moyenne standardisée (SMD), analysés selon un modèle d’effets aléatoires permettant ainsi une comparaison entre des résultats donnés sur des échelles différentes. Comparée aux traitements contrôles des lombalgies chroniques, l’acupuncture a une efficacité nettement plus grande sur la douleur: OR 0,58 (IC à 95% de 0,36 à 0,80) comparée à une acupuncture placebo, OR 0,42 (IC à 95% de 0,05 à 0,79) comparée à un TENS placebo et OR 0,69 (IC à 95% de 0,40 à 0,98) versus aucun traitement. Par rapport à d’autres traitements actifs, il n’y a cependant pas de différence d’efficacité et la manipulation score nettement mieux que l’acupuncture (OR -1,32; IC à 95% de -1,87 à -0,77). Les mêmes résultats sont observés à long terme quant à la douleur et à l’amélioration des capacités fonctionnelles. En ce qui concerne la reprise du travail, aucune conclusion franche n’est possible.
Autres études
De précédentes synthèses avaient montré des résultats pareillement positifs. Une première ne montrait pas d’efficacité 4 et une autre une efficacité minime 5. Une synthèse Cochrane récente 5 confirme un effet positif versus placebo, mais il s’agit toujours d’une différence relativement petite versus placebo ou absence de traitement. Cette observation motive l’intitulé «efficacité inconnue» dans le chapitre de Clinical Evidence quand il qualifie ce traitement 6. Van Tulder y ajoute que quelques effets indésirables rares mais relativement sérieux peuvent être provoqués par ce traitement (surtout des infections).
Conclusion
Cette méta-analyse conclut que l’acupuncture est plus efficace, à court terme (<6 semaines) qu’un traitement placebo ou qu’une absence de traitement sur la douleur ressentie par des patients présentant des lombalgies chroniques (plus de trois mois de durée). Aucune efficacité n’est montrée sur les capacités fonctionnelles. L’acupuncture n’est pas plus efficace que les autres traitements actifs (médicaments, massages, manipulation vertébrale ou TENS) ni à court terme ni à long terme.
Références
- Sherman KJ, Cherkin DC, Connelly MT et al. Complementary and alternative medical therapies for chronic low back pain: What treatments are patients willing to try? BMC Complement Altern Med 2004;4:9.
- Jadad AR, Moore RA, Carroll D et al. Assessing the quality of reports of randomized clinical trials: is blinding necessary? Control Clin Trials 1996;17:1-12.
- van Tulder MW, Assendelft WJ, Koes BW, Bouter LM. Method guidelines for systematic reviews in the Cochrane Collaboration Back Review Group for Spinal Disorders. Spine 1997;22:2323-30.
- Ernst E, White AR. Acupuncture for back pain: a meta-analysis of randomized controlled trials. Arch Intern Med 1998;158:2235-41.
- Furlan AD, van Tulder MW, Cherkin DC et al. Acupuncture and dry-needling for low back pain. Cochrane Database Syst Rev 2005, Issue 1.
- van Tulder M, Koes B. Low back pain (chronic). Clin Evid 2005;14:1458-77.
Auteurs
Aertgeerts B.
Academisch Centrum voor Huisartsgeneeskunde, KU Leuven,CEBAM
COI :
Glossaire
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