Analyse
Le test HPV sur auto-prélèvements : quel impact sur la détection des lésions précancéreuses du col de l’utérus et la participation des femmes sous-dépistées ?
Le lien causal entre le papillomavirus (HPV) et la survenue d’un cancer du col de l’utérus est désormais admis (1). Le test HPV, qui consiste à détecter l’ADN du virus sur un prélèvement effectué au niveau du col utérin, s’est fait une place dans l’algorithme de dépistage de ce cancer. Devant une faible participation des femmes en Belgique - la couverture globale est d’environ 60%- la recherche de leviers d’action pour améliorer le taux de participation au dépistage est primordiale (2). En effet, la plupart des cancers surviennent chez des femmes n’ayant jamais été dépistées ou ne participant pas au dépistage de routine (3,4).
Dans cette perspective, Minerva (5) analysait en 2015 une étude d’observation incluant 3 cohortes, qui montrait qu’un auto-prélèvement pour la détection de l’infection du col de l’utérus à HPV associé à un programme éducatif intensif augmentait le taux de participation au dépistage (6). Toutefois, cette participation était principalement augmentée chez les femmes qui consultaient déjà régulièrement pour un frottis du col de l’utérus. Elle n’atteignait pas la cible représentée par les femmes écartées du dépistage. Par ailleurs, l’étude présentait des défaillances importantes sur le plan méthodologique, ne permettant pas de remettre en cause les recommandations alors en vigueur.
Aujourd’hui, il est admis que le taux de réponse pour réaliser le test HPV est supérieur lorsque des kits d’auto-prélèvements sont envoyés au domicile des patientes, plutôt que de solliciter les patientes par une lettre d’invitation ou de rappel classique (7,8). Par ailleurs, on sait que lorsqu’on utilise la technique d’amplification du signal (plutôt qu’une PCR) pour détecter l’ADN viral des HPV à haut risque sur les auto-prélèvements, le test est moins sensible et moins spécifique que s’il est effectué sur un prélèvement obtenu par le clinicien (9). Pour rappel, la méthode d’amplification du signal repose sur l'hybridation en milieu liquide des séquences d’HPV à l’aide de sondes ARN. Les hybrides formés sont alors révélés par des anticorps anti-hybrides couplés à la phosphatase alcaline, ce qu'on appelle l'amplification du signal. La réaction induite est ensuite détectée par chimioluminescence. Les tests fondés sur la PCR consistent en la réplication ciblée d'ADN des HPV in vitro, via des amorces oligonucléotidiques. La « prolifération » de l'ADN ainsi obtenue est là aussi, le plus souvent, détectée par chimioluminescence (10).
L’intérêt de cette nouvelle méta-analyse (11), menée par Marc Arbyn (du Centre du Cancer belge), réside dans l’actualisation des connaissances dans ce domaine. L’objectif est d’évaluer les performances intrinsèques des tests de détection des HPV à haut risque sur les auto-prélèvements, et l’efficacité des stratégies basées sur ces auto-prélèvements pour atteindre les femmes sous-dépistées.
Cette méta-analyse actualisée est composée de 56 études d’évaluation diagnostique et 25 essais contrôlés randomisés. Ces derniers comparent une intervention – envoi de courrier à toutes les femmes, invitation des femmes à demander un kit d’auto-prélèvements, campagnes communautaires ou porte-à-porte - avec un groupe contrôle pour lequel les femmes reçoivent une invitation ou un rappel à effectuer un test de dépistage au moyen d’un prélèvement effectué par un médecin.
Les résultats montrent que les tests HPV basés sur PCR sont aussi sensibles sur les auto-prélèvements que sur les prélèvements réalisés par un clinicien pour détecter des lésions CIN 2 ou CIN 3 : sensibilité relative poolée (pooled relative sensitivity) de 0,99 avec IC à 95% de 0,97 à 1,02. En revanche, lorsqu’ils reposent sur l’amplification du signal, la sensibilité est moins importante pour les auto-prélèvements que pour les prélèvements cliniques : pooled ratio de 0,85 avec IC à 95% de 0,80 à 0,89. Concernant la spécificité de ces mêmes tests pour exclure une lésion de type CIN 2, elle est dans tous les cas inférieure sur les auto-prélèvements : 2% de moins (PCR) ou 4% de moins (amplification du signal) que sur les prélèvements médicaux.
Les actions où les femmes devaient elles-mêmes demander un kit d’auto-prélèvement ne sont statistiquement pas plus efficaces qu’une lettre d’invitation (en intention de traiter, la participation relative est de 1,22 avec IC à 95% de 0,93 à 1,61). En revanche, le fait d’offrir directement aux femmes sous-dépistées un dispositif d’auto-prélèvement génère des taux de participation élevés, supérieurs à 75%. On constate au minimum, en intention de traiter, une participation relative de l’ordre de 2, que ce soit pour les actions d’envoi de courrier à l’ensemble des femmes (participation relative poolée ou pooled relative participation de 2,33 avec IC à 95% de 1,86 à 2,91), les campagnes communautaires (participation relative de 2,58 avec IC à 95% de 1,67 à 3,99) ou le porte-à-porte (participation relative de 2,01 avec à 95% de 0,66 à 6,15). Ces bons résultats sont toutefois assortis d’une forte hétérogénéité inter-études (test d’I² > 95%).
Conclusion
Lorsqu’ils fonctionnent sur la technique de PCR, les tests HPV réalisés sur auto-prélèvements sont aussi sensibles que sur prélèvements cliniques mais légèrement moins spécifiques. Pour atteindre les femmes habituellement sous-dépistées, la stratégie consistant à offrir des kits de prélèvements aux femmes est généralement plus efficace que l’envoi simple d’une invitation. Toutefois, elle est également beaucoup plus chère (12), avec des taux de réponse très variables en fonction de multiples paramètres liés à l’organisation de ces actions et à leur nature. A ce titre, et afin d’évaluer l’adhésion de la population et la transférabilité de telles mesures, des études pilotes devraient être menées avant de promouvoir des stratégies de dépistages sur auto-prélèvements à plus grande échelle.
Pour la pratique
Concernant l’efficacité du test HPV, cette nouvelle étude ne remet pas en question les recommandations du KCE de 2015 indiquant que « le test hrHPV-DNA devrait remplacer le test cytologique (Pap-test) comme premier test de dépistage du cancer du col de l’utérus, étant donné qu’il apporte une meilleure protection que la cytologie contre ce cancer à partir de l’âge de 30 ans. Chez les femmes de moins de 30 ans, le dépistage devrait continuer à se faire par cytologie (Pap-test) suivie d’un triage par test hrHPV, comme c’est actuellement recommandé en Belgique » (2).
- Fondation contre le cancer. HPV et cancer du col de l’utérus. URL : https://www.cancer.be/pr-vention-cancer-se-faire-vacciner-virus-et-cancer/hpv-et-cancer-du-col-de-lut-rus
- Arbyn M, Haelens A, Desomer A, et al. Quel dépistage pour le cancer du col ? – Synthèse.HealthTechnologyAssessment. HealthTechnologyAssessment (HTA). Bruxelles: Centre Fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE). 2015. KCE Reports 238Bs. D/2015/10.273/15.
- IARC. Cervix Cancer Screening. IARC Handbooks of Cancer Prevention, Volume 10, IARC Press, 2005.
- La lutte contre le cancer du col de l’utérus. Guide des pratiques essentielles, deuxième édition. OMS, 2017.
- Baay M, Verhoeven V. Dépistage du cancer du col : recherche du HPV plus efficace que la cytologie conventionnelle ? MinervaF 2011;10(2):21-2.
- Ronco G, Giorgi-Rossi P, Carozzi F, et al. Efficacy of human papillomavirus testing for the detection of invasive cervical cancers and cervical intraepithelial neoplasia: a randomised controlled trial. Lancet Oncol 2010;11:249-57. DOI: 10.1016/S1470-2045(09)70360-2
- Verdoodt F, Jentschke M, Hillemanns P, et al. Reaching women who do not participate in the regular cervical cancer screening programme by offering self-sampling kits: a systematic review and meta-analysis of randomised trials. Eur J Cancer 2015;51:2375-85. DOI: 10.1016/j.ejca.2015.07.006
- Racey CS, Withrow DR, Gesink D. Self-collected HPV testing improves participation in cervical cancer screening: a systematic review and meta-analysis. Can J Public Health 2013;104:e159-66.
- Arbyn M, Verdoodt F, Snijders PJ, et al. Accuracy of human papillomavirus testing on self-collected versus clinician-collected samples: a meta-analysis. Lancet Oncol2014;15:172-83. DOI: 10.1016/S1470-2045(13)70570-9
- Riethmuller D, Ramanah R, Prétet JL, et al. HPV : actualités. Place du génotypage et des ARN messagers. Extrait des mises à jour en Gynécologie Médicale. Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français, 33èmes journées nationales, Paris, 2009.
- Arbyn M, Smith SB, Temin S, et al; Collaboration on Self-Sampling and HPV Testing. Detecting cervical precancer and reaching underscreened women by using HPV testing on self-samples: updated meta-analyses. BMJ 2018;363:k4823. DOI: 10.1136/bmj.k4823
- Rossi GP, Marsili LM, Camilloni L, et al; Self-Sampling Study Working Group. The effect of self-sampled HPV testing on participation to cervical cancer screening in Italy: a randomised controlled trial(ISRCTN96071600). Br J Cancer 2011;104:248-54. DOI: 10.1038/sj.bjc.6606040
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