Analyse


Chez le patient avec insuffisance cardiaque à FEVG conservée, ni l'entraînement par intervalles à haute intensité ni l'entraînement continu modéré n’apporte de bénéfice par rapport à l'activité physique basée sur les recommandations usuelles


15 11 2021

Professions de santé

Kinésithérapeute, Médecin généraliste
Analyse de
Mueller S, Winzer EB, Duvinage A, et al. Effect of high-intensity interval training, moderate continuous training, or guideline-based physical activity advice on peak oxygen consumption in patients with heart failure with preserved ejection fraction: a randomized clinical trial. JAMA 2021;325(6):542-51. DOI: 10.1001/jama.2020.26812


Conclusion
Chez les patients avec une insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée, il n'y a pas de différence de variation du pic de VO2 à 3 mois ni à 12 mois entre ceux assignés à un entraînement par intervalles à haute intensité par rapport à un entraînement continu modéré, et aucun des deux groupes n'atteint la différence cliniquement importante minimale prédéfinie par rapport au groupe contrôle pris en charge selon les GPC en cours. Ces résultats ne soutiennent ni l'entraînement par intervalles à haute intensité ni l'entraînement continu modéré par rapport à l'activité physique basée sur ces GPC.



Selon les recommandations de prise en charge de l’insuffisance cardiaque émises en 2016 par la Société européenne de cardiologie (1), trois classes d’insuffisance cardiaque sont à distinguer selon le niveau de fraction d’éjection du ventricule gauche (FEVG) : l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection altérée avec une FEVG < 40%, l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection modérément altérée avec une FEVG comprise entre 40 et 50% et l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée (ICFp) avec une FEVG supérieure à 50% (c-à-d dans les limites de la normale). Pour cette dernière, comme rapporté dans une synthèse méthodique avec méta-analyses analysée par Minerva (2,3), il n’y a pas d’élément réellement probant en faveur des différents médicaments proposés pour le traitement, sauf, avec un niveau de preuve limité, pour les bêta-bloquants après infarctus myocardique avec FEVG d’au moins 40%. Une revue systématique Cochrane, également rapportée dans Minerva (4,5), a montré que la réadaptation cardiaque entraînait une amélioration clinique de la qualité de vie liée à la santé et réduisait le risque d'hospitalisation, et que ces avantages semblaient être cohérents pour toutes les caractéristiques du programme de réhabilitation (y compris à domicile et dans un centre dédicacé). Cette analyse confortait les recommandations internationales en vigueur. À noter que seuls 6 des 44 essais analysés comprenaient des malades en ICFp mais en faible proportion, ce qui n’a pas permis d’analyse de sous-groupe (5).

Une étude randomisée publiée en 2021 (6) a évalué l’intérêt de l’activité physique chez l’insuffisant cardiaque à FEVG conservée.

Cette étude, appelée “ OptimEx-Clin ” (Optimizing Exercise Training in Prevention and Treatment of Diastolic Heart Failure) a été conduite par l’European OptimEx Consortium dans le cadre de programme-cadre 7 de l’UE. Elle a porté sur des patients sédentaires présentant des signes et symptômes d'ICFp (dyspnée d'effort New York Heart Association classe II-III), une FEVG de 50% ou plus et une pression de remplissage VG estimée élevée. Un total de 180 patients (60 par groupe) ont été randomisés entre un entraînement par intervalles de haute intensité (3 × 38 minutes/semaine), à un entraînement continu modéré (5 × 40 minutes/semaine) ou un contrôle par prise en charge selon les recommandations de pratique clinique actuelles (avec une séance de conseil sur l'activité physique à avoir en début). La durée de l’étude a été de 12 mois (3 mois en clinique suivis de 9 mois d'exercice à domicile supervisé par télémédecine). Le critère d'évaluation principal était le changement du pic de consommation d’oxygène (VO2) après 3 mois, la différence minimale cliniquement importante étant fixée à 2,5 ml/kg/min. Les critères d'évaluation secondaires comprenaient des changements dans les paramètres de la condition cardiorespiratoire, de la fonction diastolique, des peptides natriurétiques, de la qualité de vie avec le questionnaire KCCQ (Kansas City Cardiomyopathy Questionnaire) après 3 et 12 mois.

 

Sur les 180 patients randomisés (âge moyen de 70 ans ; 120 femmes ; BMI moyen de 30,0), 166 (92%) et 154 (86%) ont pu être évalués à 3 et 12 mois. La variation du pic de VO2 sur 3 mois a été :

  • pour l'entraînement intensif par rapport au contrôle, de 1,1 versus -0,6 ml/kg/min (différence de 1,5 [avec IC à 95% de 0,4 à 2,7]),
  • pour l’entraînement continu modéré par rapport au contrôle, de 1,6 versus -0,6 ml/kg/min (différence de 2,0 [avec IC à 95% de 0,9 à 3,1]),
  • pour l'entraînement intensif par rapport à l’entraînement continu modéré de 1,1 versus 1,6 ml/kg/min (différence de -0,4 [avec IC à 95% de -1,4 à 0,6]).

Aucune comparaison n'était statistiquement significative après 12 mois.

Il n'y a eu aucun changement significatif dans la fonction diastolique ou les peptides natriurétiques. Les changements dans le domaine de la qualité de vie du KCCQ ne différaient pas significativement entre les groupes après 3 mois. Cependant, après 12 mois, le changement était significativement plus élevé avec l'entraînement continu modéré par rapport au groupe contrôle. A noter que la qualité de vie s'est améliorée, de la ligne de base à 3 et 12 mois, de plus de 5 points dans tous les groupes, y compris le contrôle, ce qui peut être interprété comme cliniquement pertinent (7). L’adhérence des patients au protocole n’ayant pas été excellente, une analyse per protocole a été réalisée et a obtenu les mêmes résultats que l’analyse en intention de traitement. Un syndrome coronarien aigu a été enregistré chez 4 patients en entraînement par intervalles de haute intensité (7%), 3 patients en entraînement continu modéré (5%) et 5 patients du groupe contrôle (8%).

 

Que disent les guides de pratique clinique ?

Les recommandations américaines de 2013 (8) mises à jour en 2017 (9), européennes de 2016 (1) et britanniques de 2018 (10) proposent la pratique régulière de l’exercice physique pour tout insuffisant cardiaque. Cet exercice régulier doit être suffisant pour provoquer un essoufflement léger ou modéré. L’intensité du programme d’exercices doit être adaptée aux capacités individuelles, aux objectifs et aux souhaits du patient. Les recommandations européennes sont les seules à mentionner l’existence de preuves que chez les patients atteints d'ICFp l'entraînement physique présente plusieurs avantages, notamment des améliorations de la capacité d'exercice, mesurées objectivement à l'aide de la consommation maximale d'oxygène, de la qualité de vie et de la fonction diastolique évaluée par échocardiographie.

 

Conclusion

Chez les patients avec une insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée, il n'y a pas de différence de variation du pic de VO2 à 3 mois ni à 12 mois entre ceux assignés à un entraînement par intervalles à haute intensité par rapport à un entraînement continu modéré, et aucun des deux groupes n'atteint la différence cliniquement importante minimale prédéfinie par rapport au groupe contrôle pris en charge selon les GPC en cours. Ces résultats ne soutiennent ni l'entraînement par intervalles à haute intensité ni l'entraînement continu modéré par rapport à l'activité physique basée sur ces GPC.

 

 

Références 

  1. Ponikowski P, Voors AA, Anker SD, et al. 2016 ESC Guidelines for the diagnosis and treatment of acute and chronic heart failure: The Task Force for the diagnosis and treatment of acute and chronic heart failure of the European Society of Cardiology (ESC). Developed with the special contribution of the Heart Failure Association (HFA) of the ESC. Eur J Heart Fail 2016;18(8):891-975. DOI: 10.1002/ejhf.592
  2. Chevalier P. Quels médicaments efficaces en cas d’insuffisance cardiaque avec fraction d’éjection préservée ? MinervaF 2019;18(1):7-10.
  3. Zheng SL, Chan FT, Nabeebaccus AA, et al. Drug treatment effects on outcomes in heart failure with preserved ejection fraction: a systematic review and meta-analysis. Heart 2018;104:407-15. DOI: 10.1136/heartjnl-2017-311652
  4. Sculier J-P. La réadaptation cardiaque fondée sur l’exercice est bénéfique pour le patient en insuffisance cardiaque stable. Minerva bref 1/11/2019.
  5. Long L, Mordi IR, Bridges C, et al. Exercise-based cardiac rehabilitation for adults with heart failure. Cochrane Database Syst Rev 2019, Issue 1. DOI: 10.1002/14651858.CD003331.pub5
  6. Mueller S, Winzer EB, Duvinage A, et al. Effect of high-intensity interval training, moderate continuous training, or guideline-based physical activity advice on peak oxygen consumption in patients with heart failure with preserved ejection fraction: a randomized clinical trial. JAMA 2021;325(6):542-51. DOI: 10.1001/jama.2020.26812
  7. Spertus J, Peterson E, Conard MW, et al; Cardiovascular Outcomes Research Consortium. Monitoring clinical changes in patients with heart failure: a comparison of methods. Am Heart J. 2005;150:707-15. DOI: 10.1016/j.ahj.2004.12.010
  8. Writing Committee Members; Yancy CW, Jessup M, Bozkurt B, et al. 2013 ACCF/AHA guideline for the management of heart failure: a report of the American College of Cardiology Foundation/American Heart Association Task Force on practice guidelines. Circulation 2013;128:e240-327. DOI: 10.1161/CIR.0b013e31829e8776
  9. Yancy CW, Jessup M, Bozkurt B, et al. 2017 ACC/AHA/HFSA focused update of the 2013 ACCF/AHA guideline for the management of heart failure: a report of the American College of Cardiology/American Heart Association Task Force on Clinical Practice Guidelines and the Heart Failure Society of America. J Am Coll Cardiol 2017;70:776-803. DOI: 10.1016/j.jacc.2017.04.025
  10. National Institute for Health and Care Excellence. Chronic heart failure in adults: diagnosis and management. NICE guideline [NG106]. Published: 12 September 2018. Available from: https://www.nice.org.uk/guidance/ng106

 




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