Revue d'Evidence-Based Medicine



Revalidation versus arthrodèse vertébrale en cas de lombalgies chroniques



Minerva 2006 Volume 5 Numéro 4 Page 50 - 51

Professions de santé


Analyse de
Fairbank J, Frost H, Wilson-MacDonald J et al. Randomised controlled trial to compare surgical stabilisation of the lumbar spine with an intensive rehabilitation programme for patients with chronic low back pain: the MRC spine stabilisation trial. BMJ 2005;330:1233-9.


Question clinique
Quelle est l’efficacité, après deux ans, d’une revalidation intensive versus arthrodèse vertébrale chez des patients présentant des lombalgies chroniques?


Conclusion
Cette étude montre une efficacité semblable d’un programme d’exercices intensifs associé à un accompagnement psychologique par rapport à une arthrodèse vertébrale chez certains patients lombalgiques chroniques. La population d’étude est cependant mal caractérisée, ce qui ne permet pas de déterminer, au vu des résultats de cette étude, quels patients pourraient bénéficier d’une intervention chirurgicale.


 

Résumé

Contexte

Le traitement des lombalgies chroniques par arthrodèse vertébrale est, à l’heure actuelle, l’objet de discussions. Des programmes multidisciplinaires de revalidation sont, dans le même temps, de plus en plus recommandés.

Population étudiée

Des chirurgiens expérimentés ont recruté 349 patients, âgés de 18 à 55 ans, présentant des lombalgies chroniques (>1 an), dans quinze hôpitaux du R.U. Ni les médecins, ni les patients ne savaient avec certitude quel était le meilleur choix (chirurgie ou revalidation). Les critères d’exclusion sont: pathologie infectieuse ou inflammatoire, tumeur, fracture, trouble psychiatrique, grossesse, anamnèse de chirurgie vertébrale. Finalement, 176 patients souffrant de lombalgies depuis 8 (1-35) ans en moyenne sont inclus dans l’étude. Soixante-sept pour cent des patients étaient âgés de 30 à 50 ans.

Protocole d’étude

Cette étude randomisée, contrôlée, répartit ses sujets dans deux groupes. Dans le premier (n=176), les participants subissent une chirurgie vertébrale (fusion ou stabilisation flexible). Dans le deuxième (n=173), un traitement ambulatoire avec un programme de revalidation intensive est appliqué, constitué de trois semaines d’exercices du dos individuellement adaptés et d’exercices généraux d’entretien, au cours de cinq séances par semaine. Les séances se déroulent dans un centre sous la conduite d’un kinésithérapeute. Tous les patients ont été évalués par un psychologue clinique en vue de dépister une angoisse non fondée ou des conceptions erronées concernant les plaintes dorsales, en vue de les traiter en thérapie du comportement. Un suivi est assuré après 6, 12 et 24 mois.

Mesure des résultats

Les deux critères de jugement primaires sont le Oswestry low back pain disability index et le shuttle walking test après 24 mois. Les critères de jugement secondaires sont la qualité de vie (questionnaire SF-36), l’angoisse, la dépression et les complications. L’analyse est faite en intention de traiter.

Résultats

Des données sont disponibles pour environ 81% des patients deux ans après la randomisation. Dans le groupe revalidation, une chirurgie vertébrale est quand même entreprise pour 28% des patients. Après deux ans, l’Oswestry index est mieux amélioré dans le groupe chirurgie (de 46,5 (ET 14,6) à 34,0 (ET 21,1)) versus groupe revalidation (de 44,8 (ET 14,8) à 36,1 (ET 20,6)). La différence moyenne est de -4,1% (IC à 95% de -8,1 à -0,1; p=0,045) à l’avantage du groupe chirurgie. Il n’y a pas de différence statistiquement significative pour le shuttle walking test ni pour les autres critères. Des complications opératoires sont observées chez 19 patients (entre autres saignements, déchirure de la dure-mère, problème d’implant) et une réintervention est nécessaire dans les deux ans chez 11 patients. Aucune complication n’est décrite dans le groupe revalidation.

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que, après deux ans, dans les deux groupes, l’invalidité est moindre, peut-être indépendamment du traitement. La différence statistique atteint de justesse le seuil de la pertinence clinique et les risques et coûts de la chirurgie doivent être placés en balance. Il n’y a donc pas de preuve qu’une fusion vertébrale primaire soit supérieure à une revalidation intensive associée à une thérapie comportementale.

Financement

Medical Research Council (R.U.), NHS et caisses d’assurance privées.

Conflits d’intérêt

Deux auteurs ont reçu de Synthes un financement pour un médecin-assistant en chirurgie vertébrale.

Discussion

Considérations sur la méthodologie

Cette étude comporte un biais important: les patients sont sélectionnés en cas d’incertitude sur l’indication préférentielle de la revalidation ou de la chirurgie de stabilisation pour leur propre cas, incertitude de leur part ou de la part du chirurgien. Ce critère d’inclusion est très vague. Les patients qui, a priori, pourraient bénéficier au mieux de la chirurgie sont exclus, tout comme les patients présentant d’importantes limites physiques. Les scores Oswestry initialement relativement faibles en sont le reflet. C’est une des raisons de refus de participation d’un certain nombre de centres et de chirurgiens. Dix-neuf pour cent des patients étaient sortis d’étude après 24 mois, ce qui réduit la validité des conclusions. Dans le groupe revalidation, 28% des patients sont quand même opérés, et 4% des patients initialement opérés mutent aussi vers des traitements par exercices. En analyse en intention de traiter, les résultats sont attribués au traitement initialement prévu et non en fonction de celui qui est réellement prodigué. L’interprétation de ces résultats doit en tenir compte.

La thérapie de revalidation est intensive dans cette étude et conduite par un psychologue comportemental, ce qui est différent d’une kinésithérapie classique. Cette association d’une thérapie par exercices et d’une thérapie du comportement n’est pas disponible en routine mais cette étude comme d’autres indiquent que ce devrait être le cas1. Il eût été intéressant d’inclure un groupe contrôle, sans traitement spécifique, permettant ainsi d’observer l’évolution naturelle des lombalgies.

Quels patients?

Une fusion vertébrale lombaire a été réalisée non seulement chez des patients lombalgiques «purs», mais aussi en cas de sciatique et/ou de troubles neurologiques des membres inférieurs. Lombalgies et symptômes dans les membres inférieurs sont deux entités cliniques différentes. Cette étude aborde les lombalgies mais ne différencie pas les résultats en fonction de la cause (spondylolyse, spondylolisthésis, antérolisthésis dégénératif, lombalgie post-discectomie, pathologie discale dégénérative, etc.), ni en fonction de la technique chirurgicale utilisée. Les auteurs justifient ce choix par l’absence de différence mise en évidence dans une étude suédoise comparant trois techniques d’arthrodèse chirurgicale lombaire 2. Un remplacement discal par une prothèse n’a pas été évalué dans cette étude-ci.

Autres études

Cette étude est une des rares recherches randomisées comparant programme d’exercices et chirurgie en cas de lombalgies chroniques. La synthèse Cochrane 3 inclut trois études. Dans l’étude de Möller et coll, 77 patients atteints de spondylolyse isthmique sont opérés pour 34 traités selon un programme d’exercices. Après deux ans, le gain sur le score Oswestry est plus important dans le groupe opéré 2. Dans l’étude suédoise de Fritzell et coll, incluant 294 patients, le gain pour le score Oswestry est plus important dans le groupe intervention chirurgicale versus kinésithérapie conventionnelle 4. Après deux ans, la kinésithérapie apporte peu ou pas d’effet, mais probablement, partiellement, en raison de l’intensité (limitée) du traitement.

Le NHG-Standaard Lombalgies 5 insiste sur le soutien psychologique, la prise en compte des plaintes, une acceptation du statu quo et non sur la disparition de la douleur. Il mentionne la revalidation physique et ne fait pas de recommandation précise pour le choix de la chirurgie. Le guide de pratique européen 6 propose de n’envisager la chirurgie que chez des patients soigneusement sélectionnés, après avoir utilisé durant deux ans toutes les méthodes thérapeutiques conservatrices, et chez les patients présentant une forte douleur avec atteinte limitée à deux espaces.

 

Conclusion

Cette étude montre une efficacité semblable d’un programme d’exercices intensifs associé à un accompagnement psychologique par rapport à une arthrodèse vertébrale chez certains patients lombalgiques chroniques. La population d’étude est cependant mal caractérisée, ce qui ne permet pas de déterminer, au vu des résultats de cette étude, quels patients pourraient bénéficier d’une intervention chirurgicale.

 

Références

  1. Lindstrom I, Ohlund C, Eek C et al. The effect of graded activity on patients with subacute low back pain: a randomized prospective clinical study with an operant-conditioning behavioral approach. Phys Ther 1992;72:279-90.
  2. Fritzell P, Hagg O, Wessberg P, Nordwall A; Swedish Lumbar Spine Study Group. Chronic low back pain and fusion: a comparison of three surgical techniques: a prospective multicenter randomized study from the Swedish lumbar spine study group. Spine 2002;27:1131-41.
  3. Gibson JN, Waddell G. Surgery for degenerative lumbar spondylosis. Cochrane Database Syst Rev 2005, Issue 4.
  4. Möller H, Hedlund R. Surgery versus conservative management in adult isthmic spondylolisthesis - a prospective randomized study: part 1. Spine 2000;25:1711-5.
  5. Chavannes AW, Mens JMA, Koes BW et al. NHG-Standaard Aspecifieke lage rugpijn. Eerste herziening. Huisarts Wet 2005;48:113-23.
  6. Airaksinen O, Brox JL, Cedrasch C et al. European Guidelines for the management of chronic non-specific low back pain. On behalf of the COST B13 Working Group on guidelines for chronic low back pain. November 2004.
Revalidation versus arthrodèse vertébrale en cas de lombalgies chroniques

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