Revue d'Evidence-Based Medicine
Bronchiolite aiguë : sérum hypersalin en nébulisation ?
Contexte
La bronchiolite aiguë virale du nourrisson est l’affection la plus fréquente des voies respiratoires inférieures chez les jeunes enfants, souvent responsable d’hospitalisation. Il n’y a pas de traitement médicamenteux spécifique prouvé efficace. Le sérum hypersalin, en absorbant l’eau de la sous-muqueuse pourrait diminuer l’œdème au niveau des petites voies respiratoires. Seules quatre études, concernant de petites séries de nourrissons avec une nébulisation de sérum hypersalin dans la bronchiolite étaient disponibles. Une méta-analyse était la bienvenue.
Résumé
Méthodologie
Synthèse méthodique et méta-analyse
Sources consultées
- Cochrane Central Register of Controlled Trials (CENTRAL 2007 qui contient le Cochrane Acute Respiratory Infections Group Specialized Register), OLDMEDLINE (1951 à 1965) ; MEDLINE (1966 à novembre 2007) ; EMBASE (1974 à novembre 2007) ; LILACS (novembre 2007).
Etudes sélectionnées
- études contrôlées randomisées ou quasi-randomisées évaluant un traitement comprenant la nébulisation d’un sérum hypersalin seul ou en association avec des bronchodilatateurs
- inclusion de 4 RCTs en double aveugle, sur groupes parallèles : 3 études sont menées dans le même centre, la 4ème est multicentrique ; 1 étude en ambulatoire, les 3 autres avec des nourrissons hospitalisés, dont 1 concernant des nourrissons de moins de 6 mois
- exclusion : patients avec sibilances récurrentes.
Population étudiée
- total de 254 nourrissons (2 ans maximum) atteints d’un premier épisode de bronchiolite aiguë virale ; âge moyen de 2,6 à 12,5 mois ; VRS identifié dans 69 à 87% des cas
- traités par nébulisations de sérum hypersalin (3%) versus sérum physiologique (0,9%) ; bronchodilatateur nébulisé associé dans 3 des 4 études : adrénaline 1,5 mg, ou terbutaline 5 mg ; dans la 4ème étude, 60% des enfants étaient traités par bronchodilatateurs.
Mesure des résultats
- critères de jugement primaire : durée d’hospitalisation pour les 3 études hospitalières, le taux d’hospitalisation pour l’étude ambulatoire
- critère de jugement secondaire : score de sévérité (3 études avec le même score).
Résultats
- 3 études en hospitalisation (n=189) : durée d’hospitalisation significativement réduite pour le groupe traité par sérum hypersalin, par comparaison aux contrôles traités par sérum physiologique ; différence moyenne de –0,94 jours (IC à 95% de -1,48 à -0,40 ; p=0,0006), soit une réduction de 25,9% (3 jours au lieu de 4)
- 1 étude (70 enfants) en ambulatoire : pas de réduction significative du risque d’hospitalisation
- score de sévérité clinique (2 études de patients hospitalisés et 1 étude ambulatoire) : pas de différence significative initiale ; diminution le premier jour (11%), le deuxième jour (20%) en faveur du groupe traité par sérum hypersalin ; pas de différence significative au 3ème jour.
Conclusion des auteurs
Les auteurs concluent que les preuves actuelles suggèrent qu’une nébulisation de sérum hypersalin (3%) peut significativement réduire la durée d’hospitalisation et diminue le score de sévérité chez des nourrissons atteints de bronchiolite aiguë virale.
Financement
Departamento Materno-Infantil, Universidade Federal do Rio Grande, Brazil.
Conflits d’intérêt
Aucun n’est connu.
Discussion
Considérations sur la méthodologie
La définition de bronchiolite sur laquelle se basent les études analysées est celle d’un premier épisode de wheezing aigu survenant chez un enfant de moins de deux ans, précédé par des symptômes d’infection des voies aériennes supérieures (1).
En l’absence de traitement reconnu efficace, on peut comprendre l’empressement à évaluer la nébulisation de sérum hypersalin en termes d’EBM. Il faut toutefois rester prudent. Cette analyse porte sur quatre études, dont trois émanent de mêmes auteurs, et la quatrième ne comporte pas d’évaluation du score de sévérité clinique. Dans le passé, les résultats d’études concernant l’efficacité de la ribavirine dans la bronchiolite du nourrisson, provenant toutes du même centre, n’ont pas été confirmés par des études ultérieures (2).
Mise en perspective des résultats
L’âge moyen des nourrissons étudiés suivant les études va de 2,6 à 12,5 mois, suggérant des différences physiologiques liées à l’âge. La structure des voies aériennes des nourrissons de moins de six mois les prédispose davantage à des complications obstructives dues au stade de développement pulmonaire avec peu de ventilation collatérale possible ; les enfants plus âgés présentent probablement davantage un bronchospasme contemporain de l’infection virale (3).
Les résultats de trois des quatre études analysées indiquent une association entre le traitement par sérum hypersalin et une réduction significative de la durée d’hospitalisation, de l’ordre de 25% de celle-ci. Il s’agit évidemment d’une diminution importante, avec des conséquences en termes de coût lié aux soins, renforcée par le coût minime du traitement étudié. Aucun des traitements étudiés dans la bronchiolite du nourrisson n’avait fait la preuve jusqu’ici d’une efficacité sur ce paramètre.
La quatrième étude ambulatoire ne montre pas de prévention significative de l’hospitalisation par le traitement de sérum hypersalin, mais concerne un petit nombre d’enfants.
Les résultats en termes de score clinique ne reprennent que les trois études du même groupe. Les résultats sommés montrent une amélioration du score clinique dans le groupe traité par sérum hypersalin lors des deux premiers jours de traitement, l’absence de différence significative au troisième jour, suggérant que l’effet est lié à une clairance mucociliaire, par ailleurs observée (3). La concentration de sérum hypersalin est de 3% dans toutes les études. Des différences sont observées pour les autres caractéristiques des nébulisations : mode de nébulisation, fréquence d’administration, cinétique et choix du bronchodilatateur.
Les résultats des études analysées concernent uniquement la phase aiguë de la bronchiolite. Il serait intéressant de connaître l’effet à plus long terme de ce traitement étant donné que la bronchiolite aiguë du nourrisson est souvent suivie d’une pathologie respiratoire chronique durant la petite enfance, et reste associée à un important risque d’asthme à l’âge de 5 ans (3).
Une RCT importante devrait confirmer cette observation et son innocuité.
Effets indésirables
Le nombre de patients traités est trop réduit pour écarter toute possibilité d’effet indésirable, comme l’induction d’un bronchospasme sévère chez un très jeune nourrisson.
Il est important de garder à l’esprit que la nébulisation de sérum hypersalin est utilisée pour mesurer l’hyperréactivité bronchique chez l’enfant (4), au même titre que l’eau distillée ou l’histamine. Or, l’existence de l’hyperréactivité bronchique est démontrée dès la période néonatale ; elle est plus élevée chez les nouveaux-nés de parents fumeurs ou avec une histoire familiale d’asthme (5), et chez les prématurés. Ces patients pourraient présenter un bronchospasme plus sévère après nébulisation de sérum hypersalin. L’association d’un bronchodilatateur peut prévenir le bronchospasme, probablement moins bien chez les patients plus hyperréactifs (6). Le petit nombre de patients étudiés, l’absence d’information quant aux facteurs de risque d’hyperréactivité bronchique ne permettent pas d’être complètement rassurés quant à ce risque. L’ipratropium bromide aurait aussi pu être testé (7), de même que l’administration préalable du bronchodilatateur (8).
Pour la pratique
Le traitement de la bronchiolite aiguë reste symptomatique : le maintien d’une oxygénation correcte, de l’hydratation et de la nutrition, aucun traitement médicamenteux n’ayant prouvé son efficacité. Cette étude montre que le sérum hypersalin en nébulisation peut être utilisé (dans la majorité des cas avec un bronchodilatateur) pour traiter la bronchiolite aiguë virale du nourrisson hospitalisé. Le risque de provoquer une hyperréactivité bronchique et les moyens efficaces de la prévenir restent à évaluer, par exemple l’administration préalable d’ipratropium ou de salbutamol. Ce traitement ne peut (actuellement) pas être appliqué en pratique de médecine générale.
Conclusion
Cette analyse montre un intérêt probable de la nébulisation de sérum hypersalin pour réduire la durée d’hospitalisation des nourrissons présentant une bronchiolite aiguë.
Références
- Kuzik BA, Al-Qadhi SA, Kent S, et al. Nebulized hypertonic saline in the treatment of viral bronchiolitis in infants. J Pediatr 2007;151:266-70.
- Ventre K, Randolph A. Ribavirin for respiratory syncytial virus infection of the lower respiratory tract in infants and young children. Cochrane Database Syst Rev 2006, Issue 4.
- Calogero C, Sly PD. Acute viral bronchiolitis: to treat or not to treat-that is the question. J Pediatr 2007;151:235-7.
- Wojnarowski C, Storm Van's Gravesande K, Riedler J, et al. Comparison of bronchial challenge with ultrasonic nebulized distilled water and hypertonic saline in children with mild-to-moderate asthma. Eur Respir J 1996;9:1896-901.
- Young S, Le Souëf PN, Geelhoed GC, et al. The influence of a family history of asthma and parental smoking on airway responsiveness in early infancy. N Engl J Med 1991;324:1168-73.
- Mannino F, Sposato B, Ricci A, et al. Induction and recovery phases of methacholine-induced bronchoconstriction using FEV1 according to the degree of bronchial hyperresponsiveness. Lung 2001;179:137-45.
- Sposato B, Mariotta S, Ricci A, et al. The influence of ipratropium bromide in the recovery phase of methacholine induced-bronchospasm. Eur Rev Med Pharmacol Sci 2005;9:117-23.
- Hagan JB, Madaan A, Kim CK. Two puffs of 90 microg albuterol prior to 3% saline sputum induction results in less FEV-1 decline than single concentration 25 mg/ml methacholine challenge. Allergy Asthma Proc 2006; 27:397-401.
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