Revue d'Evidence-Based Medicine



Traitement prolongé avec du bupropion après arrêt du tabagisme?



Minerva 2002 Volume 1 Numéro 9 Page 26 - 27

Professions de santé


Analyse de
Hays JT, Hurt RD, Rigotti NA, et al. Sustained-Release Bupropion for pharmacologic relapse prevention after smoking cessation. A randomized controlled trial. Ann Intern Med 2001:135:423-433.


Conclusion
Bien que cette étude montre que la reprise du tabagisme soit différée, nous devons conclure que la prolongation d’un traitement avec du bupropion pendant 1 an n’aide pas à prévenir une rechute. Arrêter de fumer est et reste très difficile. Dans ce groupe de personnes motivées, après deux ans, moins de 30 % des personnes n’ont pas recommencé à fumer. C’est un défi permanent pour le médecin généraliste de chercher d’autres stratégies pour motiver ses patients à arrêter de fumer.


Minerva « en bref » vous propose de brefs commentaires sur des publications sélectionnées par le comité de rédaction de Minerva. Des études intéressantes et pertinentes pour les médecins généralistes qui ne doivent pas ou ne peuvent pas être discutées dans un cadre plus large trouvent leur place dans cette rubrique. Chaque sélection est brièvement résumée et accompagnée de quelques commentaires faits par un référent. La rédaction de Minerva vous en souhaite une agréable lecture.

Résumé

Dans une étude placebo en double aveugle, randomisée, contrôlée, on a étudié la possibilité de prévenir la rechute, après arrêt de tabagisme, en prolongeant jusqu’à 12 mois la thérapie au bupropion. La population observée était constituée d’un groupe de personnes qui avaient arrêté de fumer et suivi une cure de 7 semaines de bupropion. Les critères inclusifs étaient : la déclaration de ne pas avoir fumé au cours de la dernière semaine de cette cure (donc la semaine précédant l’inclusion), déclaration confirmé par la détermination biochimique du taux d’Oxyde de Carbone (CO). 429 personnes furent incluses dans l’étude. L’intervention consistait en la prise de bupropion 300 mg/jour ou d’un placebo. Les participants ont été suivis pendant les 12 mois de l’étude, mais aussi l’année suivante. Lors de chaque contrôle (19 au total), ils recevaient 10 à 15 minutes de counselling.

Un an et demi après le début de l’étude (donc jusqu’à 6 mois après la fin de l’intervention), il y avait moins de fumeurs dans le groupe avec bupropion comparé au groupe avec placebo, lors des contrôles mensuels. Un « non-fumeur » se définissait lui-même comme n’ayant pas fumé la dernière semaine et devait avoir un test CO négatif. À la fin de l’étude (après 24 mois), cette différence avait disparu. Lors du dernier contrôle, on comptait 41,6 % de non-fumeurs dans le groupe avec bupropion et 40 % dans le groupe avec placebo. Ce sont des prévalences ponctuelles qui n’expriment que la prévalence du tabagisme durant la semaine précédant le contrôle. Quand on examine la durée moyenne d’abstinence, c’est-à-dire la période avant que les ex-fumeurs ne se remettent à fumer, il y a alors une différence significative : 156 jours dans le groupe avec bupropion et 65 jours dans le groupe avec placebo. Mais des rechutes ont quand même été observées : à la fin de l’intervention (c’est-à-dire après 12 mois), 64,5 % des participants avec bupropion et 67,9 % avec placebo refumaient, et à la fin de l’étude (c’est-à-dire après 24 mois), ces proportions s’élevaient respectivement à 71 % et 74 %. Ces différences ne sont pas statistiquement significatives. Un avantage de l’utilisation de bupropion est que la prise de poids est limitée. Mais ici aussi, avec le temps, la différence s’amenuise. Les participants qui, durant la première année de l’étude (la période d’intervention), n’avaient pas fumé, avaient pris en moyenne 7,9 kg dans le groupe placebo et 4,7 kg dans le groupe avec bupropion, (p < 0,001). Pour les participants qui n’ont pas recommencé à fumer pendant les deux années entières, la différence n’était plus que de 1,7 kg entre les deux groupes (respectivement 8,6 kg et 6,9 kg; p = 0,012).

Les auteurs concluent qu’avec un traitement de bupropion pendant 12 mois, la reprise du tabagisme est différée et la prise de poids est plus faible.

Discussion

Aujourd’hui, tout le monde reconnaît l’efficacité des médicaments pour arrêter de fumer. Globalement, il existe 3 produits actifs : les substituts nicotiniques, le bupropion et la nortryptiline 1,2. Leur efficacité est comparable : tous les trois multiplient par deux environ la chance que quelqu’un maintienne son arrêt du tabagisme à un an de traitement comparé à un placebo. Il est dommage de constater que malgré cette multiplication par 2, seuls 30 % des fumeurs persévèrent dans leur abstinence. Le but de cette étude, qui était de trouver un moyen de limiter les rechutes était donc sensé. Peu de remarques au point de vue méthodologique : la répartition dans les groupes était faite au hasard et laveugle si les personnes concernées ou les personnes évaluant l’effet ignorent les traitements administrés. Ce processus est, entre autres, utilisé dans des études d’interventions (RCTs) pour éviter une influence sur les résultats de l’étude.">aveugle respecté. Il y a eu un grand nombre de sorties d’étude, mais on pouvait s’y attendre dans ce type d’observation : les individus perdent leur motivation, ne signalent pas leur rechute, ne viennent pas au rendez-vous et estiment inutile de signaler leur rechute. À la fin de l’étude, après 2 ans, des données ont été collectées pour environ trois-quarts des patients. Les analyses se sont déroulées enintention de traiter doit être complétée par une imputation de ces résultats manquants dans les différents bras d’étude."> intention de traiter : ceux qui rataient deux rendez-vous consécutifs étaient considérés comme ayant recommencé à fumer et analysés dans le groupe auquel ils appartenaient.

Le nombre d’ex-fumeurs qui ont fait une rechute n’est pas significativement plus faible avec le bupropion qu’avec un placebo. Le délai plus long avant la rechute ne peut pas être considéré comme cliniquement pertinent : c’est le fait d’arrêter de fumer qui diminue les dommages à long terme. La faible différence dans la prise de poids ne pèse pas lourd face à la prise de médicaments pendant 12 mois. Les résultats de cette recherche sont du même ordre que le taux de rechute au cours d’une thérapie comportementale 3 . Pour les autres médications utilisées pour l’arrêt de tabagisme, ce type d’étude n’a pas encore été effectué.

 

Conclusion

Bien que cette étude montre que la reprise du tabagisme soit différée, nous devons conclure que la prolongation d’un traitement avec du bupropion pendant 1 an n’aide pas à prévenir une rechute. Arrêter de fumer est et reste très difficile. Dans ce groupe de personnes motivées, après deux ans, moins de 30 % des personnes n’ont pas recommencé à fumer. C’est un défi permanent pour le médecin généraliste de chercher d’autres stratégies pour motiver ses patients à arrêter de fumer.

 

Conflits d’intérêt/financement

Cette étude a été financée entre autres par la firme Glaxo Wellcome.

 

Références

  1. Silagy C, Lancaster T, Stead L, et al. Nicotine replacement therapy for smoking cessation (Cochrane Review). In : The Cochrane Library, Issue1, 2002. Oxford : Update Software.
  2. Hughes JR, Stead LF, Lancaster T. Antidepressants for smoking cessation (Cochrane Review). In : The Cochrane Library, Issue 2, 2002. Oxford : Update Software.
  3. Irvin JE, Bowers CA, Dunn ME, Wang MC. Efficacy of relapse prevention : a meta-analytic review. J Consult Clin Psychol 1999;67:563-70.
Traitement prolongé avec du bupropion après arrêt du tabagisme?

Auteurs

De Sutter A.
Vakgroep Volksgezondheid en Eerstelijnszorg, UGent
COI :

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