Revue d'Evidence-Based Medicine



Prévention de la rechute d'une dépression



Minerva 2004 Volume 3 Numéro 3 Page 40 - 41

Professions de santé


Analyse de
Geddes J, Carney SM, Davies C, et al. Relapse prevention with antidepressant drug treatment in depressive disorders: a systematic review. Lancet 2003; 361: 653-61.


Question clinique
La poursuite d’un traitement antidépresseur réduit-elle le risque de rechute?


Conclusion
Cette synthèse méthodique montre l’intérêt probable d’un traitement antidépresseur prolongé, éventuellement durant un an, pour des patients à risque de rechute. Cette conclusion ne peut cependant être généralisée à la première ligne, l’étude concernant principalement des patients de deuxième ligne.


 

Résumé

Contexte

Les guides de bonne pratique clinique recommandent de poursuivre un traitement antidépresseur pendant quatre à six mois après un épisode aigu de dépression. Il n’est pas évident qu’une durée de traitement plus longue puisse réduire le risque de rechute. Les auteurs explorent cette question dans une synthèse méthodique et une méta-analyse.

Méthodologie

Synthèse méthodique

Sources consultées

Les auteurs ont effectué des recherches, entre autres, dans la base de données «Cochrane Collaboration depression, anxiety and neurosis group», Medline, Embase et PsycLIT.

Etudes sélectionnées

Le critère d’inclusion des études est: traitement d’un syndrome dépressif réagissant positivement à des antidépresseurs et randomisation consécutive des patients dans un groupe avec poursuite d’un traitement (continu ou discontinu) durant au moins un mois. Après évaluation méthodologique, 37 études satisfont aux critères d’inclusion et 31 de celles-ci sont reprises dans la méta-analyse.

Population étudiée

Les données de 4 410 patients au total sont analysées dans la méta-analyse.

Mesure des résultats

L’odds ratio (OR) de rechute entre les groupes qui continuent à recevoir les antidépresseurs et les groupes placebo est calculé suivant le modèle d’effet fixe.

Résultats

Le risque moyen de rechute est de 41 % dans le groupe placebo et de 18 % dans le groupe poursuivant le traitement, ce qui représente une diminution de risque de rechute de 70 % (IC à 95 % de 62 à 78; p < 0,00001). Le risque est indépendant du risque sousjacent de rechute, de la durée du traitement avant la randomisation, de la durée du traitement après la randomisation. Davantage de patients sous poursuite du traitement antidépresseur arrêtent leur traitement versus groupe placebo: 18 % versus 15 %; OR: 1,30 (IC à 95 % de 1,07 à 1,59).

Conclusions des auteurs

Les auteurs concluent qu’un traitement antidépresseur prolongé peut prévenir le risque de rechute de dépression. D’autres études sont nécessaires pour préciser la durée optimale de traitement, mais aussi pour des patients mal représentés dans les études actuelles, principalement ceux qui présentent un risque moindre de rechute.

Financement

Les sponsors des études ne sont pas nommés, mais les auteurs mentionnent que ceux-ci n’ont eu aucune participation dans l’élaboration de cette étude, la collecte des données, leur analyse, l’interprétation, et la publication de cette étude.

Conflits d’intérêt

Les auteurs n’en mentionnent aucun. Un des auteurs est financé par le Wellcome Trust.

Discussion

Méthodologie: limites fixées

Cette synthèse méthodique est établie par les auteurs du chapitre concernant la dépression dans Clinical Evidence 1. Il faut noter et regretter que le seul critère d’inclusion soit le «syndrome dépressif». Aucune distinction n’est faite entre dépression mineure et majeure. Une occasion manquée, mais peut être pas définitivement, puisque les auteurs prévoient une autre méta-analyse pour évaluer l’efficacité dans des sous-groupes. L’efficacité des antidépresseurs est évaluée sur le risque de récidive (réapparition des symptômes après une période de rémission) ou sur la rechute d’une dépression (nouvel épisode après une période de guérison).

Que nous apporte cette étude?

Les auteurs font remarquer que peu d’interventions dans le domaine psychiatrique se basent sur autant d’études (n=33) et autant de patients (n=4 410). Elles incluent la recommandation de la poursuite d’un traitement pendant un an après un traitement initial de quatre à six mois. Deux remarques à ce sujet. Le type d’étude sur lequel se fonde cette recommandation doit certainement atteindre 18 mois de durée: six mois de traitement dans la phase aiguë et ensuite un an de poursuite du traitement. Seules 13 études, concernant un total de 946 patients, satisfont à ce critère; nous sommes loin des 4 410 sujets du groupe complet. Les principales limites sont mentionnées par les auteurs eux-mêmes. Les études comprennent principalement des patients de la deuxième ligne qui ont un risque de rechute plus élevé. Les auteurs reconnaissent ne pouvoir élargir leurs conclusions aux nombreux patients de la première ligne, qui sont précisément sous-représentés dans ces études, particulièrement les patients présentant une dépression mineure avec faible risque de rechute.

Pas de possibilité apparente donc de généraliser les conclusions prudentes de cette importante étude à la première ligne.

Par rapport à ce que nous savions déjà

Une synthèse méthodique et une RCT complémentaire 1 ont montré l’efficacité d’une thérapie cognitive dans la diminution des rechutes sur une période de 1 à 2 ans en cas de dépression mineure à modérée. Ce sont précisément les patients rencontrés en première ligne. Nous pouvons donc en conclure que la majorité des patients dépressifs peut être traitée en première ligne, par thérapie cognitive 2. Accessoirement, notons que dans cette large étude, aucune différence n’est également démontrée entre les andidépresseurs tricycliques et les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine, ni au point de vue efficacité, ni au point de vue pourcentage de sortie d’étude 4.

 

Conclusion

Cette synthèse méthodique montre l’intérêt probable d’un traitement antidépresseur prolongé, éventuellement durant un an, pour des patients à risque de rechute. Cette conclusion ne peut cependant être généralisée à la première ligne, l’étude concernant principalement des patients de deuxième ligne.

 

Références

  1. Geddes J, Butler R, Hatcher S. Depressive disorders. Clin Evid 2003;10:1121-44.
  2. Rogiers R. Unipolaire depressie: niet-medicamenteuze aanpak door de huisarts. Tijdschr Geneeskunde 2002;58:1426-34.
  3. Barbui C, Hotopf M, Freemantle N, et al. Treatment discontinuation with selective serotonin reuptake inhibitors (SSRIs) versus tricyclic antidepressants (TCAs) (Cochrane Review). In: The Cochrane Library, Issue 1, 2004. Chichester,UK:John Wiley & Sons,Ltd.
  4. Donoghue J. Commentary on: “Review: Continuing antidepressants for 12 months following acute treatment may reduce the risk of relapse in depression.” Evidence Based Mental Health 2003;6: 84. Comment on: Geddes JR, Carney SM, Davies C, et al. Relapse prevention with antidepressant drug treatment in depressive disorders: a systematic review. Lancet 2003;361:653-61.
 
Prévention de la rechute d'une dépression

Auteurs

De Meyere M.
Vakgroep Huisartsgeneeskunde en Eerstelijnsgezondheidszorg, UGent
COI :

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