Analyse


Cytisine pour arrêter de fumer ?


28 04 2012

Professions de santé

Analyse de
West R, Zatonski W, Cedzynska M, et al. Placebo-controlled trial of cytisine for smoking cessation. N Engl J Med 2011;365:1193-200.


Conclusion
Cette RCT contrôlée versus placebo montre que la cytisine peut contribuer à l’arrêt du tabagisme. Son efficacité doit cependant encore être prouvée dans des études à plus long terme incluant des sujets recevant une aide psychologique en sus du médicament. Les substituts nicotiniques restent à l’heure actuelle le premier choix pour une aide médicamenteuse à l’arrêt du tabac.



 

 

La cytisine, extraite des graines de Cytisus laburnum (Cytise à grappes) est, comme la varénicline, un agoniste partiel au niveau de certains récepteurs nicotiniques neuronaux à l'acétylcholine au niveau du système nerveux central. Cet extrait est utilisé depuis plus de 40 ans dans les pays d’Europe de l’Est comme médicament pour l’arrêt du tabac : en Bulgarie depuis 1964, ensuite en Pologne et en Russie. Ce fait est en contradiction avec l’insuffisance des recherches scientifiques concernant la cytisine et l’absence de RCTs correctement menées. Une méta-analyse effectuée en 2006 (1) ne montrait pas d’efficacité de la cytisine pour l’arrêt du tabagisme. Elle incluait dix études dont seules 4 étaient contrôlées tout en étant aussi de piètre qualité méthodologique. La méta-analyse de Cahill (2) qui évaluait l’efficacité de la varénicline et de la cytisine a été analysée dans Minerva (3). Une seule étude concernant la cytisine avait été retenue par les auteurs, ce qui ne leur a pas permis de conclure concernant l’efficacité de cette substance.

Une étude concernant la cytisine a été récemment publiée, étude en double aveugle, contrôlée versus placebo, effectuée en Pologne mais financée par l’University College in London (4). Les 740 participants, hommes et femmes à quasi égalité, âgés en moyenne de 48 ans, avec en moyenne 28 années-paquets, étaient tous motivés pour arrêter de fumer. 82% d’entre eux avaient déjà tenté au moins une fois d’arrêter. Après la randomisation dans l’étude, 2 contacts téléphoniques (l’un à la date d’arrêt et l’autre une semaine après) et une consultation (4 semaines après l’arrêt) étaient programmés. Le traitement était limité à 25 jours mais un suivi assuré avec des contrôles à 6 et 12 mois. Le critère primaire d’étude est l’arrêt du tabagisme à 12 mois, confirmé par un contrôle de l’expiration de CO.

A 12 mois, le nombre de sujets ayant arrêté de fumer est de 8,4% dans le groupe intervention, versus 2,4% dans le groupe placebo. Pour le critère de jugement secondaire, l’arrêt du tabagisme à 6 mois, les chiffres sont respectivement de 10,0% et de 3,5%. Une comparaison (indirecte) de ces résultats avec ceux obtenus sous substituts nicotiniques (en moyenne 16,9% d’arrêt après un an) ou sous varénicline (en moyenne 21,4% d’arrêt à 1 an) montre donc de moins bons résultats sous cytisine. Cette différence peut être liée à une durée de traitement plus courte : 4 semaines sous cytisine, 8 semaines sous substituts nicotiniques, 3 mois sous varénicline. Une autre explication est l’absence de toute forme de thérapie comportementale dans l’étude avec la cytisine, contrairement aux études avec les autres médicaments, ce qu’illustre aussi le faible taux d’arrêt sous placebo de la cytisine. Les utilisateurs de cytisine se plaignent davantage de sécheresse de bouche (2,2%) versus placebo (0,5%). Aucune différence significative n’est observée pour les autres effets indésirables ou arrêts d’étude pour ce motif. Notons que 200 sujets ont été éliminés avant la randomisation en raison de « troubles psychiatriques ».

La cytisine ne peut donc être considérée comme prouvée plus efficace que les substituts nicotiniques. En cas de précédente mauvaise expérience avec ces substituts nicotiniques, les sujets concernés pourraient se tourner vers cette alternative qu’est la cytisine, d’autant plus si nous considérons qu’un arrêt du tabagisme effectif ne se produit généralement qu’après plusieurs tentatives (5). Attendre que cette substance bon marché fasse son apparition sur le marché belge ?

 

Conclusion

Cette RCT contrôlée versus placebo montre que la cytisine peut contribuer à l’arrêt du tabagisme. Son efficacité doit cependant encore être prouvée dans des études à plus long terme incluant des sujets recevant une aide psychologique en sus du médicament. Les substituts nicotiniques restent à l’heure actuelle le premier choix pour une aide médicamenteuse à l’arrêt du tabac (6). 

 

Références

  1. Etter JF. Cytisine for smoking cessation: a literature review and meta-analysis. Arch Intern Med 2006;166:1553-9.
  2. Cahill K, Stead LF, Lancaster T. Nicotinereceptor partial agonists for smoking cessation. Cochrane Database Syst Rev 2007, Issue 1.
  3. De Sutter A. Varénicline et cytisine pour arrêter de fumer. MinervaF 2007;6(8):120-1.
  4. West R, Zatonski W, Cedzynska M, et al. Placebo-controlled trial of cytisine for smoking cessation. N Engl J Med 2011;365:1193-200.
  5. Van den Bruel A., Cleemput I., Van Linden A., et al. Efficacité et rentabilité des thérapies de sevrage tabagique. Bruxelles: Centre Fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE) ; 2004 Juillet. KCE Reports vol. 1B. Ref. PF04-26.02B.
  6. Gailly J. Arrêt de fumer. Recommandations de Bonne Pratique. SSMG 2005.
 
Cytisine pour arrêter de fumer ?

Auteurs

De Cort P.
em. Huisartsgeneeskunde, KU Leuven
COI :

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