Analyse


Maladie d’Alzheimer : donépézil + mémantine ?


28 09 2012

Professions de santé

Analyse de
Howard R, McShane R, Lindesay J, et al. Donepezil and memantine for moderate-to-severe Alzheimer's disease. N Engl J Med 2012;366:893-903.


Conclusion
Les résultats de cette étude ne sont pas beaucoup plus convaincants que l’ensemble de la littérature à propos des médicaments contre la maladie d’Alzheimer. Chez de précédents répondeurs au donépézil, l’ajout de mémantine au donépézil ne se montre pas plus efficace à 52 semaines que la poursuite du donépézil seul en cas de dégradation au score MMSE.



Texte publié sous la responsabilité de la rédaction francophone

 

Nous avons commenté dans la revue Minerva de nombreuses études concernant les médicaments contre la maladie d’Alzheimer, notamment la méta-analyse de Raina (1,2) qui montrait que le donépézil, la galantamine, la rivastigmine et la mémantine n’ont pas d’efficacité clinique globale pertinente sur les capacités cognitives et ont une efficacité limitée sur le fonctionnement global chez un certain pourcentage de patients présentant des formes diverses de démence.

Pour l’efficacité de l’association de la mémantine avec un inhibiteur des cholinestérases, nous avons commenté l’étude de TARIOT (3,4) qui montrait un ralentissement de la progression à court terme, de pertinence clinique cependant faible. Une deuxième RCT (5) ne montrait aucun bénéfice de l’association versus inhibiteur seul. Nous avions enfin commenté l’étude d’observation de LOPEZ (6,7) qui montrait une efficacité de l’association et des inhibiteurs seuls, en contradiction avec les 2 RCTs précédentes.

Une RCT récente apporte un complément d’information utile surtout pour l’évaluation de l’ajout de la mémantine à du donépézil quand celui-ci n’empêche plus une détérioration au score MMSE. L’étude DOMINO (8) évalue, sur une période de 12 mois, l’intérêt de poursuivre le donépézil et/ou d’y ajouter de la mémantine chez 295 patients non institutionnalisés, tous sous donépézil depuis au moins 3 mois, à dose de 10 mg depuis au moins 6 semaines. Ces patients évoluent vers une forme modérée à sévère de maladie d’Alzheimer : score de 5 à 13 au MMSE standardisé, score moyen de 9 au début de cette étude. Nous ignorons leur score au moment de l’instauration du traitement avec du donépézil. En fait, 73% d’entre eux prennent le donépézil depuis 12 à 60 mois. Il s’agit donc de « répondeurs » à ce médicament, mais qui évoluent vers une aggravation de leur maladie. Chez de tels patients, 4 traitements sont évalués : l’arrêt de tout médicament anti-Alzheimer, la poursuite du donépézil, le remplacement du donépézil par de la mémantine, l’ajout de mémantine au donépézil, toujours avec placebo correspondant (protocole factoriel 2 x 2).

Les deux critères primaires de jugement sont l’évolution au score MMSE standardisé (avec un seuil de modification d’importance clinique minimale fixé à 1,4 point) et l’évolution au score Bristol Activities of Daily Living Scale (BADLS) (avec seuil de pertinence fixé à 3,5 points). Ces seuils d’importance clinique minimale sont choisis par les auteurs en fonction des résultats initiaux des 127 premiers participants avec un ET de 0,4 et non sur des valeurs par ailleurs validées. Dans cette étude, seule la poursuite du donépézil permet, versus placebo, d’empêcher une dégradation du MMSE ou une aggravation du BADLS (= score plus élevé) statistiquement significative (p<0,001). Si le résultat semble pertinent pour les seuils fixés, les intervalles de confiance contiennent eux des valeurs non cliniquement pertinentes. Il n’y a clairement pas d’efficacité pertinente pour la mémantine seule versus placebo. Pas de bénéfice non plus d’associer de la mémantine au donépézil par rapport au donépézil seul. Notons cependant une moindre détérioration temporaire (à 30 semaines) du MMSE sous association versus donépézil seul, mais non à 52 semaines. Les arrêts de traitement sont plus fréquents dans le groupe mémantine seule que dans les autres groupes (20 %).

Pour le critère secondaire score au Neuropsychiatric Inventory, l’association des 2 médicaments est statistiquement plus efficace que les monothérapies.

 

Conclusion

Les résultats de cette étude ne sont pas beaucoup plus convaincants que l’ensemble de la littérature à propos des médicaments contre la maladie d’Alzheimer. Chez de précédents répondeurs au donépézil, l’ajout de mémantine au donépézil ne se montre pas plus efficace à 52 semaines que la poursuite du donépézil seul en cas de dégradation au score MMSE.

 

Références

  1. Raina P, Santaguida P, Ismaila A, et al. Effectiveness of cholinesterase inhibitors and memantine for treating dementia: evidence review for a clinical practice guideline. Ann Intern Med 2008;148:379-97.
  2. Michiels B. Traitement médicamenteux de la démence. MinervaF 2008;7(10):146-7.
  3. Tariot PN, Farlow MR, Grossberg G, et al; Memantine Study Group. Memantine treatment in patients with moderate to severe Alzheimer disease already receiving donepezil. JAMA 2004;291:317-24.
  4. Michiels B; Vermeire E. La mémantine ajoutée au donépézil dans le traitement de la maladie d'Alzheimer. MinervaF 2004;3(9);147-9.
  5. Porsteinsson AP, Grossberg GT, Mintzer J, et al; Memantine MEM-MD-12 Study Group. Memantine treatment in patients with mild to moderate Alzheimer's disease already receiving a cholinesterase inhibitor: a randomized, double-blind, placebo-controlled trial. Curr Alzheimer Res 2008;5:83-9.
  6. Lopez OL, Becker JT, Wahed AS, et al. Long-term effects of the concomitant use of memantine with cholinesterase inhibition in Alzheimer disease. J Neurol Neurosurg Psychiatry 2009;80:600-7.
  7. Michiels B. Mémantine + inhibiteur des cholinestérases pour la maladie d’Alzheimer ? MinervaF 2010;9(5):64.
  8. Howard R, McShane R, Lindesay J, et al. Donepezil and memantine for moderate-to-severe Alzheimer's disease. N Engl J Med 2012;366:893-903.
Maladie d’Alzheimer : donépézil + mémantine ?

Auteurs

Chevalier P.
médecin généraliste
COI :

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