Analyse


Sucres ajoutés et mortalité cardiovasculaire


15 10 2014

Professions de santé

Analyse de
Yang Q, Zhang Z, Gregg EW, et al. Added sugar intake and cardiovascular diseases mortality among US adults. JAMA Intern Med 2014;174:516-24.


Conclusion
Cette étude de cohorte, de bonne qualité méthodologique, montre clairement un rapport exponentiel entre la consommation de sucres ajoutés (à l’exception des fruits) et la mortalité cardiovasculaire sur une période de 15 ans. Ce rapport est indépendant des facteurs connus tels que l’âge, le sexe, la race, le niveau de formation, le tabagisme, la consommation d’alcool, l’activité physique, les médicaments pour l’hypertension artérielle, les problèmes cardiovasculaires familiaux, les autres mauvaises habitudes alimentaires, l’IMC, la tension artérielle systolique, le taux sanguin de cholestérol total et l’apport calorique total.


 


 

 

Minerva a déjà publié plusieurs analyses sur l’effet de différents régimes alimentaires pour la prévention et le traitement de l’excès pondéral, du diabète et de la morbidité cardiovasculaire (1-10). Les conclusions n’étaient pas toujours claires, et des controverses demeurent. Doit-on surtout être attentif à réduire les graisses, ou la réduction des glucides est-elle également bonne pour la prévention des affections cardiovasculaires ? Ou encore vaut-il mieux se concentrer sur l’apport calorique total plutôt que sur la composition nutritionnelle ? L’exercice physique est-il plus important que le régime alimentaire ? Les régimes alimentaires méditerranéens paraissent bien être efficaces dans la prévention de la morbidité cardiovasculaire (9,10).

 

La controverse concernant la composition idéale d’un régime alimentaire sain est donc toujours actuelle. Une étude de cohorte américaine (11) publiée en 2013 montre l’effet néfaste des sucres ajoutés (à part les fruits) sur la morbidité cardiovasculaire. Il s’agit de l’étude National Health and Nutrition Examination Survey (NHANES III Linked Mortality Files) qui, de 1988 à 2006, a suivi 11 733 personnes pendant une durée médiane de 14,6 ans. Selon toute vraisemblance, plus de 70% des adultes américains âgés de plus de 20 ans consomment plus de 10% de l’apport calorique quotidien sous forme de sucres ajoutés. La consommation de sucres ajoutés semble associée à une augmentation exponentielle de la mortalité cardiovasculaire : le rapport de hasards (hazard ratio, HR) pour la mortalité cardiovasculaire en cas de consommation de sucres ajoutés supérieure à 21% de l’apport calorique quotidien, versus une consommation inférieure à 10%, est de 2,03 (IC à 95% de 1,26 à 3,27), corrigé pour tenir compte de l’âge, du sexe, de la race, du niveau de formation, du tabagisme, de la consommation d’alcool, de l’activité physique, des médicaments pour l’hypertension artérielle, des problèmes cardiovasculaires familiaux, du score du Healthy Eating Index, de l’IMC, de la tension artérielle systolique, du taux sanguin de cholestérol total et de l’apport calorique total. Le NNH (number needed to harm - nombre nécessaire pour nuire) est alors égal à 22 (IC à 95% de 13 à 66). Un mauvais score se rencontre principalement avec les boissons sucrées : versus une seule boisson rafraîchissante (360 ml) consommée par semaine, une consommation supérieure à 7 boissons sucrées par semaine a déjà une influence négative : HR, corrigé pour la mortalité cardiovasculaire de 1,29 (IC à 95% de 1,04 à 1,60). Ces analyses montrent clairement que l’effet néfaste des sucres ajoutés est indépendant de l’apport calorique total et de l’IMC. L’étude a été menée correctement avec un critère de jugement robuste et différentes analyses de sensibilité, ce qui augmente la robustesse et la fiabilité des résultats. Elle comporte toutefois un point faible : au départ, seule a été prise en compte la consommation de sucre, et il n’a donc pas été possible d’effectuer les corrections pour tenir compte de modifications dans les habitudes alimentaires au cours de la période de suivi. Ceci peut avoir eu une influence positive ou négative sur l’effet observé. Nous devons également signaler qu’il s’agit ici d’une étude américaine et qu’aux États-Unis, le sucre ajouté dans les boissons sucrées est principalement du sirop de maïs contenant 55% de fructose et 42% de glucose, tandis qu’en Europe il s’agit surtout de saccharose (disaccharide constitué de 50% de fructose et de 50% de glucose). Cette différence dans la composition conduit peut-être à un autre effet métabolique. Le choix de la limite inférieure retenue pour définir une catégorie de référence, soit 10% de l’apport calorique quotidien sous forme de sucres ajoutés, est relativement arbitraire. Qu’est-ce qu’une marge de sécurité ? Le graphique montre bien un lien exponentiel entre la consommation de sucres ajoutés et la mortalité cardiovasculaire. L’augmentation du risque de décès cardiovasculaire est plus importante si l’apport calorique par consommation de sucres ajoutés passe de 20% à 30% que s’il passe de 10% à 20%. Par comparaison avec la catégorie de consommation de sucres la plus faible (< 9,6%), le NNH pour la mortalité cardiovasculaire est d’autant plus petit que la consommation de sucres est élevée : il est de 265 lorsque la consommation de sucres se situe entre 9,6 et 13,1% ; de 109 lorsqu’elle se situe entre 13,1 et 16,7% ; de 53 lorsqu’elle se situe entre 16,7 et 21,3% et de 22 lorsqu’elle est supérieure à 21,3%.

Cette étude sur les effets négatifs du sucre n'est pas isolée. Récemment, une synthèse méthodique (12), sur l'influence d'une alimentation riche en sucres sur le poids corporel, a été utilisée par l'OMS pour recommander de réduire la consommation quotidienne de sucres ajoutés de 10% à 5% (13).

 

Conclusion

Cette étude de cohorte, de bonne qualité méthodologique, montre clairement un rapport exponentiel entre la consommation de sucres ajoutés (à l’exception des fruits) et la mortalité cardiovasculaire sur une période de 15 ans. Ce rapport est indépendant des facteurs connus tels que l’âge, le sexe, la race, le niveau de formation, le tabagisme, la consommation d’alcool, l’activité physique, les médicaments pour l’hypertension artérielle, les problèmes cardiovasculaires familiaux, les autres mauvaises habitudes alimentaires, l’IMC, la tension artérielle systolique, le taux sanguin de cholestérol total et l’apport calorique total.

 

 

Références

  1. De Cort P. Régime sans graisses en prévention des maladies cardiovasculaires. MinervaF 2003;2(2):31-2.
  2. Hooper L, Summerbell CD, Higgings JPT, et al. Dietary fat intake and prevention of cardiovascular disease: systematic review. BMJ 2001;322:757-63.
  3. Vandenbroucke M, Poelman T, Bex M, Muls E. Régimes pauvres en hydrates de carbone ou en graisses. MinervaF 2007;6(6):95-6.
  4. Nordmann AJ, Nordmann A, Briel M, et al. Effects of low-carbohydrate vs low-fat diets on weight loss and cardiovascular risk factors. Arch Intern Med 2006;166:285-93.
  5. Poelman T. Bénéfice d’un régime méditerranéen en prévention primaire ? MinervaF 2009;8(5):60-1.
  6. Sofi F, Cesari F, Abbate R, et al. Adherence to Mediterranean diet and health status: meta-analysis. BMJ 2008;337:753-5.
  7. De Cort P. Efficacité à long terme de mesures d’hygiène de vie en cas d’intolérance glucidique. MinervaF 2010;9(3):30-1.
  8. Li G, Zhang P, Wang J, et al. The long-term effect of lifestyle interventions to prevent diabetes in the China Da Qing Diabetes Prevention Study: a 20 year follow-up study. Lancet 2008;371:1783-9
  9. Roberfroid D. Prévention primaire des maladies cardiovasculaires par une alimentation de type méditerranéen. MinervaF 2014;13(1):8-9.
  10. Estruch R, Ros E, Salas-Salvadó J, et al. Primary prevention of cardiovascular disease with a Mediterranean diet. N Engl J Med 2013;368:1279-90.
  11. Yang Q, Zhang Z, Gregg EW, et al. Added sugar intake and cardiovascular diseases mortality among US adults. JAMA Intern Med 2014;174:516-24.
  12. Te Morenga L, Mallard S, Mann J. Dietary sugars and body weight: systematic review and meta-analyses of randomised controlled trials and cohort studies. BMJ 2012;15;346:e7492.
  13. WHO Draft Guideline: Sugars intake for adults and children. Available at: http://www.who.int/nutrition/sugars_public_consultation/en/

 

Sucres ajoutés et mortalité cardiovasculaire

Auteurs

Michiels B.
Vakgroep Eerstelijns- en Interdisciplinaire Zorg, Centrum voor Huisartsgeneeskunde, Universiteit Antwerpen
COI :

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