Revue d'Evidence-Based Medicine



Quel traitement dans la rosacée ?



Minerva 2015 Volume 14 Numéro 10 Page 126 - 127

Professions de santé


Analyse de
van Zuuren EJ, Fedorowicz Z, Carter B, et al. Interventions for rosacea. Cochrane Database Syst Rev 2015, Issue 4.


Question clinique
Quelles sont l’efficacité et la sécurité des différents traitements de la rosacée ?


Conclusion
Cette synthèse méthodique avec méta-analyse, de bonne qualité méthodologique, montre que l’effet à long terme des médicaments pour le traitement de la rosacée, qu’ils soient topiques ou systémiques, n’a pas encore été suffisamment étudié. Pour les traitements topiques que sont la brimonidine, le métronidazole, l’acide azélaïque et l’ivermectine et pour l’utilisation orale de doxycycline, l’effet sur la gravité de la rosacée a été montré. Des RCTs de bonne qualité méthodologique avec des critères de jugement cliniquement pertinents (comme la qualité de vie) sur le long terme doivent être menées pour pouvoir mieux déterminer la place des différents traitements topiques et systémiques.


Contexte

La rosacée est une maladie chronique fréquente de la peau du visage. Environ 10% des adultes de plus de 30 ans y sont confrontés (1). On distingue 4 sous-types en fonction du tableau clinique : la rosacée érythémato-télangiectasique, la rosacée papulo-pustuleuse, le rhinophyma (gonflement irrégulier du nez) et la rosacée oculaire (blépharite). La maladie s’accompagne aussi de symptômes psychologiques, comme l’anxiété et la dépression (2). De nombreuses options thérapeutiques sont disponibles pour les différents sous-types de rosacée, mais leur efficacité et sécurité sur le long terme ne sont pas clairement définies.

 

Résumé

Méthodologie

Synthèse méthodique

 

Sources consultées

  • Cochrane Skin Group Trials Specialised Register, Cochrane Central Register of Controlled Trials , CENTRAL, MEDLINE, EMBASE, la base de données LILACS (Littérature Latino-Américaine et des Caraïbes en sciences de la santé), Science Citation Index, BIOSIS,  www.controlled-trials.com, www.clinicaltrials.com, www.anzctr.org.au, www.who.int/trialsearch, www.nottingham.ac.uk/ongoingskintrials
  • les références des articles identifiés
  • recherche d’articles non publiés via les investigateurs et les firmes pharmaceutiques
  • pas de restriction quant à la langue de publication.

Études sélectionnées

  • 106 études randomisées contrôlées (RCTs), d’une durée de 2 à 3 mois (moyenne : 9,7 semaines) qui ont comparé l’effet d’un traitement topique (comme le métronidazole, l’acide azélaïque, l’ivermectine, la brimonidine) ou un traitement systémique (comme les antibiotiques, l’isotrétinoïne), seul ou en association avec d’autres interventions, à un placebo, à l’absence de traitement ou à un traitement actif.

 

Population étudiée

  • 13631 patients (6 à 1299 par étude) > 19 ans ; âge moyen de 48,6 ans ; environ 2 fois plus de femmes que d’hommes ; diagnostic clinique de rosacée modérée à grave ; la plupart des patients étaient atteints de rosacée papulo-pustuleuse.

Mesure des résultats

  • critères de jugement primaires : modification de la qualité de vie, changement dans la gravité de la rosacée selon l’évaluation effectuée par le patient, pourcentage de patients signalant un effet indésirable
  • critères de jugement secondaires : changement dans la gravité de la rosacée selon le médecin
  • analyse des résultats de la méta-analyse par le modèle d'effets aléatoires.

Résultats

  • critères de jugement primaires :
    • qualité de vie : dans 2 des 11 RCTs qui ont examiné l’effet sur la qualité de vie, différence statistiquement significative entre les 2 groupes d’étude ; après 16 semaines, la rosacée avait moins d’influence délétère sur la qualité de vie avec de l’ivermectine topique qu’avec du métronidazole (n = 962 ; RR de 1,11 avec IC à 95% de 1,01 à 1,21)
    • changement dans la gravité de la rosacée selon le patient (52 RCTs) :
      • après 3 mois, l’acide azélaïque topique (N = 4 ; n = 1,079 ; RR de 1,46 avec IC à 95% de 1,30 à 1,63 après sommation ; I² = 0%) et l’ivermectine topique (N = 2 ; n = 1,371 ; RR de 1,78 avec IC à 95% de 1,50 à 2,11 et RR de 1,92 avec IC à 95% de 1,59 à 2,32)  étaient plus efficaces que le placebo chez les patients souffrant de rosacée papulo-pustuleuse
      • 3 heures après l’application, la brimonidine topique était plus efficace que le placebo pour la diminution de l’érythème (N = 2 ; n = 553 ; RR de 2,21 avec IC à 95% de 1,52 à 3,22 et RR de 2,00 avec IC à 95% de 1,33 à 3,01)
      • aucune différence statistiquement significative observée quant à l’amélioration entre la tétracycline orale et le métronidazole topique (N = 4)
      • après 3 mois, amélioration chez un nombre plus important de patients avec 0,3 mg/kg d’isotrétinoïne orale versus 100 mg de doxycycline orale (N = 1 ; n = 261 ; RR de 1,23 avec IC à 95% de 1,05 à 1,43)
    • incidence des effets indésirables : ils étaient le plus souvent légers et transitoires et sans différence entre le groupe intervention et le groupe témoin, mais en général incorrectement relevés
  • critères de jugement secondaires :
    • selon le médecin : la gravité de la rosacée papulo-pustuleuse a diminué après 2 mois de manière plus importante avec le métronidazole topique versus placebo (N = 3 ; n = 334 ; RR de 1,98 avec IC à 95% de 1,29 à 3,02 ; I² = 44%)
    • après 4 mois, plus de patients guéris (ou presque) (IGA≤ 1) avec la prise quotidienne de 40 mg de doxycycline orale versus placebo (N = 2 ; n = 537 ; RR de 1,59 avec IC à 95% de 1,02 à 2,47 et RR de 2,37 avec IC à 95% de 1,12 à 4,99).

 

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent qu’il existe des preuves de qualité élevée de l’efficacité de l’administration topique d’acide azélaïque, d’ivermectine et de brimonidine, et de l’administration orale de doxycycline et d’isotrétinoïne pour le traitement de la rosacée. Des preuves de qualité moyenne existent pour le métronidazole topique et pour la tétracycline orale. Il existe des preuves de faible qualité pour une faible dose de minocycline, pour le traitement au laser et pour la photothérapie à la lumière pulsée ainsi que pour la ciclosporine en émulsion à usage ophtalmique dans le cas de la rosacée oculaire. Des études sont encore nécessaires pour déterminer le temps nécessaire pour obtenir un effet et connaître la durée de l’effet. La déclaration des effets indésirables doit se faire de manière plus précise. Le traitement de la rosacée oculaire doit encore faire l’objet d’une recherche.

Financement de l’étude

Pas de financement de l’étude mentionné.

Conflits dintérêt des auteurs

Les auteurs ne mentionnent pas de conflits d’intérêt.

 

Discussion

Considérations sur la méthodologie

Cette troisième mise à jour d’une synthèse méthodique de la Cochrane Collaboration de 2005 (3,4) s’appuie sur les directives méthodologiques les plus récentes (5). La sélection des études, la détermination du risque de biais et l’extraction des données de l’étude ont été effectuées par consensus par 2 chercheurs indépendants. Si possible, les données manquantes des études remontant à moins de 10 ans ont été demandées aux chercheurs ou aux promoteurs. Le petit nombre d’études par intervention n’a pas permis de détecter un biais de publication ni d’effectuer d’analyses de sous-groupes ou d’analyses de sensibilité. Lorsque l’hétérogénéité clinique le permettait, les résultats d’au moins 3 études ont été sommés pour une intervention donnée et analysés par le modèle d’effets aléatoires.

Sur 106 RCTs incluses, seules 12 études avaient un faible risque de biais. Le risque de biais était indéterminé pour 57 études et élevé pour 37 études,  les résultats pouvant donc être respectivement partiellement et fortement mis en doute. La randomisation a été effectuée en aveugle dans seulement 33 études, par répartition centrale, par les pharmaciens ou par enveloppe ne laissant pas passer la lumière. La moitié des études a été menée en double aveugle au moyen de tubes, gélules ou comprimés identiques. L’effet a été mesuré en aveugle dans 50 études. Les traitements qui ne sont plus utilisés ou qui avaient fait l’objet d’études avec un risque élevé de biais ne sont pas mentionnés dans les tableaux des résultats.

Interprétation des résultats

Par rapport à la mise à jour de 2011 (4), on constate une augmentation (passant de 2 à 11) du nombre d’études dans lesquelles le principal critère de jugement est le « changement dans la qualité de vie ». Il s’agit d’une évolution positive car les paramètres cliniques objectifs des affections cutanées (comme la rougeur et le nombre de lésions) ne sont souvent que peu déterminants pour la qualité de vie (6). L’influence sur la qualité de vie de la plupart des produits topiques disponibles en Belgique pour la rosacée n’a pas encore été évaluée. Une différence entre l’ivermectine et le métronidazole quant à l’effet sur la qualité de vie est observée, mais la pertinence clinique reste incertaine.

Environ la moitié des 106 RCTs incluses a évalué le changement de la gravité selon le patient. En raison de l’hétérogénéité clinique, il n’a été possible de sommer que quelques critères de jugement des études qui évaluaient l’effet du métronidazole topique et de l’acide azélaïque. Tous 2 semblaient plus efficaces que le placebo lorsque le changement de la gravité était évalué respectivement après 2 mois par le médecin (critère de jugement secondaire) et après 3 mois par le patient (critère de jugement primaire). On ignore dans quelle mesure les 2 produits peuvent conduire à une rémission sur le long terme. Pour 32 des 106 RCTs, la durée de l’étude était inférieure à 8 semaines. Pour une affection chronique comme la rosacée, il faudrait mener des études supplémentaires pour évaluer l’efficacité à long terme.

Dans 2 études, un α-sympathicomimétique local, la brimonidine, s’est avéré plus efficace que le placebo pour réduire l’érythème. Il s’agissait probablement de patients atteints de rosacée érythémato-télangiectasique car les patients présentant plus de 3 lésions inflammatoires ont été exclus.

La plupart des études ont rapporté des effets indésirables, mais les données étaient souvent trop limitées et incomplètes pour permettre de tirer des conclusions utiles. Pour les produits topiques disponibles en Belgique, brimonidine, métronidazole, acide azélaïque et ivermectine, les réactions décrites sont principalement des réactions locales telles que rougeur, démangeaisons, irritation de la peau et réactions allergiques. La brimonidine peut également provoquer des bouffées vasomotrices (7). Aucune étude n’a évalué l’effet des adaptations du régime alimentaire ni les mesures de protection contre le soleil.

 

Conclusion de Minerva

Cette synthèse méthodique avec méta-analyse, de bonne qualité méthodologique, montre que l’effet à long terme des médicaments pour le traitement de la rosacée, qu’ils soient topiques ou systémiques, n’a pas encore été suffisamment étudié. Pour les traitements topiques que sont la brimonidine, le métronidazole, l’acide azélaïque et l’ivermectine et pour l’utilisation orale de doxycycline, l’effet sur la gravité de la rosacée a été montré. Des RCTs de bonne qualité méthodologique avec des critères de jugement cliniquement pertinents (comme la qualité de vie) sur le long terme doivent être menées pour pouvoir mieux déterminer la place des différents traitements topiques et systémiques.

 

Pour la pratique

Pour traiter la rosacée érythémato-télangiectasique, il est recommandé d’appliquer quotidiennement sur le visage un gel de brimonidine, qui est un α-sympathicomimétique à action locale (8). Un effet de ce traitement a été uniquement montré sur le court terme (preuve de grande qualité). Le guide de pratique clinique Duodecim recommande de traiter les cas légers de rosacée papulo-pustuleuse avec du métronidazole topique, de l’acide azélaïque ou de la perméthrine (hors indication !) (9). L’effet du métronidazole topique, de l’acide azélaïque et de l’ivermectine sur la gravité de la rosacée a été montré dans des études de qualité moyenne à élevée. Actuellement, on ignore si ce gain se traduit en une meilleure qualité de vie. Dans les cas graves, le GPC de Duodecim conseille d’ajouter au traitement topique un traitement de 6 à 12 semaines d’antibiotiques par voie systémique (doxycycline, lymécycline, tétracycline, érythromycine ou métronidazole) (9). Des preuves de grande qualité n’existent que pour la doxycycline.

 

 

Références

  1. Berg M, Lidén S. An epidemiological study of rosacea. Acta Derm Venereol 1989;69:419-23.
  2. Abram K, Silm H, Maaroos HI, Oona M. Subjective disease perception and symptoms of depression in relation to healthcare-seeking behaviour in patients with rosacea. Acta Derm Venereol 2009;89:488-91.
  3. van Zuuren EJ, Graber MA, Hollis S, et al. Interventions for rosacea. Cochrane Database Syst Rev 2005, Issue 3.
  4. van Zuuren EJ, Kramer S, Carter B, et al. Interventions for rosacea. Cochrane Database Syst Rev 2011, Issue 3.
  5. Higgins JP, Green S (editors). Cochrane Handbook for Systematic Reviews of Interventions. Version 5.1.0 [updated March 2011]. The Cochrane Collaboration, 2011. Available from www.cochrane-handbook.org.
  6. Nicholson K, Abramova L, Chren MM, et al. A pilot quality-of-life instrument for acne rosacea. J Am Acad Dermatol 2007;57:213-21.
  7. Répertoire commenté des médicaments. Brimonidine. Centre Belge d’Information Pharmaceuthérapeutique, novembre 2015.
  8. Bon à savoir. Aclidinium, exénatide à libération prolongée,  Vitex agnus castus, nalméfène, bosutinib, brimonidine, penfluridol. Centre Belge d’Information Pharmaceuthérapeutique, avril 2014.
  9. Rosacée. Duodecim Medical Publications. Dernière mise à jour: 7.12.2009.

 

Produits

  • Brimonidine, Mirvaso®
  • Métronidazole local, Rosex®, Rosaced®, Nidazea®
  • Acide azélaïque, Skinoren®
  • Ivermectine, Soolantra®

 




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