Revue d'Evidence-Based Medicine



Debriefing unique après un traumatisme psychologique



Minerva 2003 Volume 2 Numéro 10 Page 169 - 171

Professions de santé


Analyse de
Van Emmerink AAP, Kamphuis J, Hulsbosch AM, Emmelpamp PMG. Single session debriefing after psychological trauma: a meta-analysis. Lancet 2002;360:766-71.


Question clinique
Un débriefing unique après une expérience traumatique peut-il prévenir l’état de stress post traumatique ?


Conclusion
Cette méta analyse ne montre pas l’intérêt d’un débriefing unique dans la prévention d’un état de stress post-traumatique ou d’autres troubles psychiatriques (anxiété, dépression) après un traumatisme psychologique.


 

Résumé

Contexte

En cas de catastrophe, un débriefing unique fait partie des soins recommandés. Les victimes ou secouristes de ces catastrophes sont encouragés à exprimer leurs émotions, soit individuellement, soit en groupe, lors de cet entretien. Le but de ces sessions uniques de débriefing est principalement préventif : on espère, par cette intervention, réduire le risque de survenue d’un état de stress post-traumatique (PTSD) et dépister précocement les patients qui potentiellement pourraient présenter ce syndrome.

Protocole d’étude

Les auteurs de cette méta-analyse ont consulté Medline Advanced, PsychINFO, Pubmed et le « Journal of Traumatic Stress » à la recherche d’études répondant aux critères suivants : 1) le débriefing a lieu dans le mois après le traumatisme ; 2) une mesure des symptômes est réalisée avant et après l’intervention ; 3) à l’aide d’échelles cliniques pertinentes. Études sélectionnées Les sept études sélectionnées comportent huit interventions dont cinq suivant le « Critical Incident Stress Debriefing model » (CISD) et trois suivant un autre modèle (non CISD).

Dans six des sept études, le groupe contrôle ne bénéficie d’aucune intervention. Le debriefing est généralement individuel ; une seule étude examine une intervention de groupe. Les traumatismes à la base de ces études étaient principalement : accidents de voiture, incendies, fausse couche, actes de violence et exposition à des situations de guerre. Une étude incluait des soldats israéliens après un combat.

Mesure des résultats

Dans le cadre d’un état de stress post traumatique, l’efficacité d’un débriefing est étudié au moyen de différentes échelles : impact of event scale (IES), clinician- administered post traumatic stress disorder scale (CAPS) et post-traumatic stress disorder symptom scale (PTSD). L’impact du debriefing sur d’autres troubles psychiatriques (principalement l’anxiété et les troubles affectifs) est également exploré au moyen de l’hopital anxiety and depression scale, du brief symptom inventory et du corrélation entre les deux existe. Par exemple, une personne qui souffre d’un manque de confiance en soi (score élevé pour le « Trait-anxiety ») réagira avec davantage d’anxiété (score élevé pour « State-anxiety ») lorsqu’elle sera mise dans une situation exigeant la prise de responsabilités.">statetrait anxiety inventory. Pour chaque type d’intervention, un effet moyen pondéré est calculé avec un IC à 95 % comparant la sévérité des symptômes de stress post-traumatique ou psychiatriques avant et après l’intervention.

Résultats

Les interventions CISD ne diminuent pas de manière significative les symptômes de stress post traumatique ni les autres symptômes psychiatriques. Dans les groupes ayant bénéficié d’interventions non CISD ou d’aucune intervention, une amélioration significative des symptômes de stress post traumatique est observée (voir tableau 1). Aucune différence significative d’efficacité n’est observée entre les différentes interventions.

Tableau 1 : Effet moyen pondéré (IC 95 %) des différentes interventions.

 

Intervention

Nombre d’études

Symptômes PTSD

Autres Symptômes

CISD

5

0,13 (IC à 95 %:

-0,29 à 0,55)

0,12 (IC à 95 %:

-0,22 à 0,47)

Non CISD

3

0,65 (IC à 95 %:

0,14 à 1, 16)

0,36 (IC à 95 %:

non-calculé)

Pas d’intervention

6

0,47 (IC à 95 %:

0,28 à 0,66)

0,13 (IC à 95 %:

-0,02 à 0,28)

 

Conclusions des auteurs

Les auteurs concluent qu’un débriefing unique ne contribue pas au rétablissement après un traumatisme psychologique.

Financement

Cette publication fait partie d’un projet financé par la « Nederlandse Vereniging » voor Gezondhuidsresearch en Ontwikkeling (ZON)».

Conflits d’intérêt

Aucun déclaré par les auteurs. Le sponsor n’a pas exercé d’influence sur l’élaboration de l’étude, la récolte des données, l’analyse des résultats et l’interprétation de ceux-ci, ni sur la publication.

 

Discussion

Dans la liste des traumatismes psychologiques inclus dans cette méta-analyse, la catégorie « fausse couche » est une situation particulière. L’importance des sorties d’étude est également à noter dans la majorité des recherches, variant de 18 à 46 %. La plupart des études calculent l’efficacité de l’intervention pour les personnes ayant suivi l’intervention et les évaluations après celle-ci. L’efficacité n’est donc pas établie pour la population en intention de traiter.

Critical Incident Stress Debriefing

Le Critical Incident Stress Debriefing Model (CISD) a été développé en 1983 par Jeffrey Mitchell. Cette intervention doit de préférence avoir lieu dans les 2 à 3 jours après la catastrophe et nécessite environ 2 heures. Durant ce laps de temps, le participant est accompagné tout au long de sept phases. En résumé, ces phases comportent une explication d’un ensemble de règles du jeu, une reconstruction des événements, puis une prise en considération des réflexions et émotions à propos de ceux-ci. Dans une cinquième phase, la présence ou l’absence de symptômes chez le participant est explorée, suivie d’une psychoéducation (explications et apprentissage de stratégies de coping nécessaires). Dans la phase finale, les possibilités de suivi sont abordées. Les interventions non CISD reprises dans la méta-analyse consistaient en 30 minutes de counselling ou en psycho-éducation.

Les auteurs concluent à l’absence de bénéfice évident du CISD, par rapport aux interventions non CISD ou à l’absence d’interventions, sur les symptômes de l’état de stress post-traumatique. Au contraire, le CISD semble même avoir un effet plus néfaste que les deux autres propositions. Il ne présente également pas d’effet positif sur la prévention d’autres psycho-pathologies. Nous pouvons résumer les explications des chercheurs sur ces résultats étonnants de la manière suivante. Le CISD pourrait interférer avec un ensemble de processus d’assimilation naturels de l’individu. Le propre tempo du patient et le décours naturel de l’assimilation d’expériences traumatiques seraient donc à prendre en considération. Entre autres l’alternance entre les pensées et réminiscences qui sans cesse perturbent le bien être (intrusion) d’une part et leur négation d’autre part, est importante, tout comme l’accès aux sources d’aide naturelles du système. Une autre intervention avec débriefing se déroulant sur trois sessions, ne montrait également pas d’efficacité pour endiguer et prévenir la symptomatologie 1. Des constatations semblables avaient déjà été rapportées dans la littérature. Schril, au contraire, déclare que les victimes exprimaient en général leur satisfaction de la prise en charge 1.

Implications pour le médecin généraliste

Le médecin généraliste doit rester attentif au suivi de victimes de traumatismes 2 . Il est cependant essentiel, en première approche, de ne pas cibler les interventions sur les dysfonctionnements. Il est plus sensé de cadrer ces réactions de stress comme des réactions normales à de situations anormales 3 et, dans cette voie, de faire confiance aux possibilités d’assimilation naturelles du patient. En effet, seule une minorité (la littérature cite des chiffres de 10 à 20 %) des personnes ayant subi un traumatisme développe effectivement un état de stress post traumatique 4. Dans cette optique, le respect du tempo du patient est essentiel et on a tout intérêt à lui laisser la possibilité de retravailler son expérience traumatique. Stimuler l’utilisation des ressources naturelles d’aide est également une stratégie sensée. En tenant compte de ces considérations, il n’est également pas indiqué, d’un point de vue préventif, de proposer une intervention psychopharmacologique trop précoce. Si le patient présente un PTSS, un traitement effectif avec certaines formes de psychothérapie est possible 3. L’état actuel des recherches ne permet pas de se prononcer sur l’opportunité d’associer des traitements non-médicamenteux et médicamenteux pour le traitement d’un état de stress post-traumatique. Une réduction des symptômes peut-être obtenue grâce à un traitement par sertraline ou par paroxétine dans les 3 à 7 mois. Les preuves sont plus limitées pour la fluoxétine 5. Une prescription, limitée dans le temps, d’un hypnotique peut contribuer à rétablir les mécanismes naturels de récupération (sommeil). Il s’agit d’une intervention peut être justifiée sur le plan clinique mais ne reposant sur aucune base scientifique.

 

Recommandations pour la pratique

Cette méta analyse ne montre pas l’intérêt d’un débriefing unique dans la prévention d’un état de stress post-traumatique ou d’autres troubles psychiatriques (anxiété, dépression) après un traumatisme psychologique.

La rédaction

 

Références

  1. Carlier IVE, Gersons BPR. Debriefing : interventies na acute traumatisering. In: Gersons BPR, Carlier IVE (red.) Behandelingsstrategieën bij posttraumatische stress-stoornissen. Bohn Stafleu Van Loghum, Houten/Diegem, 1998.
  2. Brewin CR, Andrews B, Valentine JD. Meta-analysis of risk factors for posttraumatic stress disorder in trauma-exposed adults. J Consult Clin Psychol 2000;68:748-66.
  3. Rogiers R. De Posttraumatische Stress-stoornis. Niet-medicamenteuze aanpak door de huisarts. Huisarts Nu 2001;8:364-9.
  4. Gersons BPR, Carlier IVE. Diagnose van posttraumatische stress-stoornis. In : Gersons BPR, Carlier IVE (red.) Behandelingsstrategieën bij posttraumatische stress-stoornissen. Bohn Stafleu Van Loghum, Houten/Diegem, 1998.
  5. Bisson J. Post-traumatic stress disorder. Clin Evid 2003;9:1091-102.
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