Revue d'Evidence-Based Medicine



Prévention d'une OMA chez un enfant à risque présentant une infection des voies respiratoires supérieures



Minerva 2003 Volume 2 Numéro 6 Page 95 - 96

Professions de santé


Analyse de
Autret-Leca E, Giraudeau B, Ployet M-J, Jonville-Béra A-P. Amoxicillin/Clavulanic acid is ineffective at preventing otitis media in children with presumed viral upper respiratory infection: a randomized, doubleblind equivalence, placebo-controlled trial. Br J Clin Pharmacol 2002;54:652-6.


Conclusion
Dans cette étude, chez des enfants à risque présentant une infection aiguë des voies respiratoires, la prescription d’amoxiclavulanate en prévention d’une OMA n’est pas efficace. La prescription d’un anti-biotique en prévention de l’OMA n’est pas justifiée.


 

Minerva « en bref » vous propose de brefs commentaires sur des publications sélectionnées par le comité de rédaction de Minerva. Des études intéressantes et pertinentes pour les médecins généralistes qui ne doivent pas ou ne peuvent pas être discutées dans un cadre plus large trouvent leur place dans cette rubrique. Chaque sélection est brièvement résumée et accompagnée de quelques commentaires faits par un référent. La rédaction de Minerva vous en souhaite une agréable lecture.

 

Résumé

L’otite moyenne aiguë (OMA) est une affection fréquente chez les jeunes enfants : plus de 50 % des enfants de moins d’un an et 83 % des enfants de moins de trois ans ont présenté une OMA 1 . Certains enfants en font de manière récidivante (otitis prone children), dans la majorité des cas comme complication d’une infection des voies respiratoires supérieures (upper respiratory tract infection URI). Ces URI sont très fréquentes chez les enfants et il n’existe pas de moyen efficace de les prévenir. Trouver un médicament susceptible d’empêcher la survenue d’une OMA lors d’une URI, particulièrement chez un enfant plus à risque d’OMA, est donc intéressant et utile.

Le but de cette étude d’équivalence, multicentrique, randomisée, en double aveugle, versus placebo, est de juger de l’équivalence d’efficacité de l’amoxiclavulanate et du placebo dans la prévention de l’OMA chez des enfants à haut risque d’OMA et qui présentent une infection des voies respiratoires supérieures. Sont inclus, 203 enfants âgés de 3 mois à 3 ans, ayant présenté des OMA récidivantes et atteints d’une infection des voies respiratoires supérieures. Une otite récidivante est définie comme au moins 2 épisodes dans les 6 mois précédents pour les enfants de moins d’un an, et au moins 3 épisodes dans les 12 mois précédents pour les enfants de plus d’un an. Ils sont suivis en consultation pédiatrique privée (30 pédiatres) en France. Ils reçoivent soit de l’amoxiclavulanate 75 mgr/kg/j en 3 x (n = 104), soit un placebo (n = 99) en siropn pendant 5 jours.

Le critère de jugement est la survenue d’une OMA dans les 8 à 12 jours après le début du traitement. Les critères diagnostiques d’OMA sont ceux de Paradise : tympan bombé, myringite diffuse ou localisée ou otorrhée spontanée. L’analyse des résultats se fait enintention de traiter doit être complétée par une imputation de ces résultats manquants dans les différents bras d’étude."> intention de traiter, mais les chiffres sont également donnés en analyse par protocole.

L’incidence d’OMA est de 16,2 % des enfants recevant un placebo (16/99) et de 9,6 % des enfants recevant l’amoxiclavulanate (10/104) soit une différence absolue de risque de 6,6 % (IC à 95 % one-sided 14,3 %; p = 0,288 ) donc statistiquement et cliniquement non significative.

Il n’y a pas de différence, statistiquement significative, observée entre les deux groupes pour la consommation de paracétamol ou les effets indésirables (manifestations gastro-intestinales dans 24,2 % et 23,1 % des cas ; éruptions cutanées dans 6,1 % et 3,9 % des cas).

Les auteurs calculent qu’il faut traiter 94 enfants (à risque) par antibiotique pour éviter 6 cas d’OMA et en concluent que, vu le risque de développer des germes résistants lors d’expositions répétées à des antibiotiques, leur prescription doit être réduite dans les infections respiratoires supérieures même chez les enfants à haut risque d’OMA.

 

Discussion

La méthodologie de l’étude est correcte, y compris la randomisation. Les critères d’inclusion et d’exclusion sont bien décrits. Sont, entre autres, exclus, les enfants présentant d’emblée une OMA. Les caractéristiques précises des deux groupes sont mentionnées et équivalentes.

Cette étude ne parvient donc pas à démontrer un avantage statistiquement et cliniquement pertinent de donner de l’amoxiclavulanate en prévention de l’OMA lors d’une URI chez des enfants présentant des OMA récidivantes, donc plus à risque d’en refaire une. Quelques biais possibles sont à noter. La sélection de la population de l’étude, une patientèle pédiatrique privée, représente peut être un biais de sélection socio-économique : les conclusions sont-elles valides pour des enfants en milieu moins favorisé au point de vue hygiène ? Les critères de diagnostic d’OMA ne sont pas suffisamment précisés par rapport à des recommandations récentes 1, 2 , certains cas sont peut être des OME (otite moyenne avec effusion). Un groupe d’enfants de 3 mois à 3 ans est relativement hétérogène quant à l’évolution naturelle mais surtout quant au risque de complications et donc de l’attitude thérapeutique qui en découle 1, 3 .

Pour le traitement d’une OMA avérée, un antibiotique est rarement indiqué, avec l’amoxicilline comme premier choix 1, 3 . Pourquoi les auteurs de cette étude ont-ils choisi l’association amoxiclavulanate ? Cette question reste cependant académique, un effet préventif de cet antibiotique à large spectre n’étant pas démontré chez des enfants à haut risque d’OMA.

Conflits d’intérêt/financement

L’étude est financée par l’Agence Française du Médicament. Aucun conflit d’intérêt n’est mentionné.

 

Conclusion

Dans cette étude, chez des enfants à risque présentant une infection aiguë des voies respiratoires, la prescription d’amoxiclavulanate en prévention d’une OMA n’est pas efficace. La prescription d’un anti-biotique en prévention de l’OMA n’est pas justifiée.

 

Références

  1. Chevalier P, Janssens S, Van Lierde S. Acute middenoorontsteking. Aanbeveling voor een goed gebruik van antibiotica. WVVH-BAPCOC-SSMG, 2001.
  2. Paradise J. On classifying otitis media as suppurative or nonsuppurative, with a suggested clinical schema. J Pediatr 1987;111:948-51.
  3. L’Otite moyenne aiguë chez l’enfant. Histoire Naturelle. Rev Prescr 2003;23(237):194-208.
  4. L’Otite moyenne aiguë de l’enfant. Arrêter l’escalade antibiotique. Rev Prescr 2003;23(238):270-86.
 



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