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Minerva étant une revue d'Evidence-Based Medicine promeut la diffusion d'une information scientifique indépendante et apporte une analyse critique des publications pertinentes dans la littérature internationale.


Sommaire février 2025


Intervention multimodale en soins primaires visant à réduire les prescriptions d'antibiotiques de seconde ligne pour les infections urinaires chez les femmes

Page 2 - page 5 

Abid Y.  

Cette RCT très bien menée d’un point de vue méthodologique, montre qu’une intervention multimodale comprenant la fourniture de directives issues de guides de pratiques, d’informations sur les données de résistance régionales et de retours personnalisés sur les proportions de prescriptions d’antibiotiques a permis d’augmenter l’adhésion des médecins généralistes aux recommandations de bonne pratique, en diminuant de 40% la prescription d’antibiotiques de deuxième intention chez la femme non enceinte atteinte d’une infection des voies urinaires non compliquée. Il faut noter l’utilisation inédite des données sur les taux de résistance régionaux en tant que composante de l'intervention.


Associer précocement la thrombolyse intraveineuse à la thrombectomie mécanique en cas d’AVC antérieur

Page 6 - page 9 

Sculier J.P.  

Cette étude de synthèse avec méta-analyses sur données individuelles montre que chez les patients victimes d’un accident vasculaire cérébral ischémique aigu dans le territoire antérieur se présentant dans des centres neurovasculaires capables de réaliser une thrombectomie, le bénéfice associé à la thrombolyse intraveineuse (TIV) plus thrombectomie vs thrombectomie seule est dépendant du délai et statistiquement significatif uniquement si le temps entre le début des symptômes à l'administration prévue de la TIV est court. Ces résultats permettent de mieux préciser les analyses publiées il y a plus de dix ans dans Minerva qui ne voyait pas encore la place de la thrombectomie mécanique et recommandait la TIV dans un délai court. Cette attitude peut être revue en regard des nouvelles études randomisées et des progrès techniques.


Planification anticipée des soins et vie à domicile : exploration des expériences des patients cancéreux en fin de vie

Page 10 - page 14 

Tock R.  

Cette étude qualitative exploratoire révèle que, pour les patients atteints de cancer avancé avec une durée de survie estimée à moins de trois mois, la préservation de la normalité à domicile dépend de leur bien-être physique, du soutien des aidants et d’une communication compatissante avec les professionnels de santé, essentielle pour maintenir leur autonomie et aborder les défis liés à la qualité de vie. Toutefois, les limites méthodologiques de cette étude limitent la portée des conclusions, ne rendant pas possible une interprétation valable des résultats et leur généralisation à des contextes similaires. Ainsi, bien que les impressions recueillies puissent être pertinentes à titre exploratoire, ils ne permettent pas une compréhension approfondie des nuances ou une identification fiable de toutes les thématiques émergentes possibles.


Efficacité des interventions physiques pour prévenir les douleurs cervicales

Page 15 - page 18 

Jacqmin J.  

Cette synthèse méthodique avec méta-analyses présente une méthodologie correcte et montre des résultats qui appuient les interventions d’exercice physique visant à réduire le risque d’épisode de cervicalgie au cours des 12 prochains mois chez des employés de bureau (niveau de confiance modéré). Le peu d'essais cliniques randomisés (RCTs) disponibles sont plus critiquables, ce qui peut modifier notablement les résultats selon l'hypothèse choisie des valeurs manquantes. Si bien que la signification clinique de cet effet n’est cependant pas claire.


Comparaison de l’efficacité de quatre traitements pour la fasciapathie plantaire (ondes de chocs, exercices, placebo, conseils et orthèses)

Page 19 - page 23 

Jacqmin J.  

Cette RCT randomisée en 4 groupes parallèles, de bonne qualité méthodologique, conclut que chez les patients atteints de fasciapathie plantaire, ni la thérapie par ondes de choc extracorporelles radiales (rESWT), ni la thérapie par ondes de choc fictives, ni un programme d’exercices standardisés n’offrent de bénéfices supplémentaires par rapport aux conseils et orthèses sur mesure seuls dans la gestion de la fasciapathie plantaire pour soulager la douleur au talon, que ce soit en activité ou au repos. Les résultats contrastent avec certaines études antérieures, potentiellement en raison d’effets placebo puissants associés au rESWT. Bien que les orthèses sur mesure aient montré leur utilité, leur rôle optimal reste à préciser. Les exercices, malgré une supervision attentive, n’ont pas apporté d’amélioration notable. Ces résultats soulignent l’importance d’optimiser les soins de base, comme l’éducation et la gestion de la charge, avant d’envisager des interventions coûteuses ou complexes.


La surveillance active pour les cancers de la prostate à risque favorable compromet-elle la fenêtre d’opportunité de traitement en cas de reclassification du grade de la maladie ?


29 11 2024 

Tock R.  

Cette étude de cohorte prospective multicentrique avec les limites méthodologiques habituelles montre que dix ans après le diagnostic, 49% des patients n'avaient pas montré de signes de progression ni nécessité de traitement. Moins de 2% ont développé des métastases, et moins de 1% sont décédés en raison de leur cancer. La progression de la maladie et les traitements administrés pendant la surveillance n'ont pas été liés à des résultats moins favorables. Ces données indiquent que la surveillance active constitue une approche efficace pour gérer le cancer de la prostate à faible risque. Cette étude, de bonne qualité méthodologique, apporte des preuves solides qui devraient rassurer les praticiens belges lors de la proposition de la surveillance active à leurs patients. Elle montre que cette stratégie de gestion n'entraîne pas la perte de la fenêtre d'opportunité de traitement, même en cas de progression de la maladie.


Incidence et déterminants de la normalisation spontanée de l'hypothyroïdie infraclinique chez l’adulte âgé.


29 11 2024 

Rodriguez-Vina Polanco B.  

Cette étude présentant des forces et des faiblesses méthodologiques, basées sur des populations issues de 2 RCTs, montre que dans l’hypothyroïdie infraclinique, la normalisation spontanée de la TSH peut avoir lieu après des intervalles longs de 1 an et 2 ans. Une faible augmentation de la TSH, le sexe féminin, un niveau de T4l plus élevé, l’absence d’anti TP0 et une deuxième mesure de la TSH plus de 12 mois après la première sont corrélés à une normalisation spontanée.


Quelles interventions précoces chez les enfants avec un trouble du spectre de l’autisme faut-il préconiser ?


29 11 2024 

Morsa M., Léonard F., Durieux N.  

Cette actualisation d’une revue systématique avec méta-analyses, présentant certaines limites sur le plan méthodologique, montre que, malgré l’augmentation considérable des études évaluant l’efficacité des interventions auprès des enfants de moins de 8 ans avec trouble du spectre de l’autisme (TSA) les données probantes restent rares ou de faible qualité. Actuellement, il n’est pas possible pour les professionnels de santé de recommander l’une ou l’autre intervention sur base de ce seul critère, bien que des effets positifs soient observés. L'une des conclusions prometteuses de l’étude est l'augmentation de la fréquence de la description des procédures de suivi des événements indésirables.


Quels sont les facteurs prédictifs influençant les résultats des thérapies psychologiques chez les personnes âgées souffrant de troubles mentaux courants ?


29 11 2024 

Tock R., De Jonghe M.  

Cette revue systématique met en évidence plusieurs prédicteurs clés des résultats des traitements psychologiques chez les personnes âgées souffrant de troubles mentaux courants. La gravité des symptômes de départ, l'accomplissement des devoirs thérapeutiques et l'alliance thérapeutique se sont révélés être des prédicteurs constants des résultats positifs, tandis que des facteurs comme la fonction cognitive ont montré des résultats plus mitigés. Ces résultats soulignent l'importance de personnaliser les traitements pour les personnes âgées, en tenant compte de ces prédicteurs pour optimiser les chances de succès thérapeutique. Cette étude présente de nombreux biais méthodologiques qui en limitent la robustesse. Néanmoins, l’importance du sujet justifie pleinement la réalisation de recherches supplémentaires afin d’obtenir des résultats plus fiables et généralisable via l’application de critères uniformisés pour les méthodes d'évaluation des résultats, ce qui faciliterait la synthèse des données et améliorerait la fiabilité des recommandations cliniques.


Efficacité des interventions préventives en soins primaires chez les personnes âgées ?


29 11 2024 

Piron C.  

Cette synthèse méthodique d’essai contrôlé randomisés avec méta-analyse est de qualité méthodologique suffisante bien que basée sur des études originales présentant une certaine hétérogénéité du fait de la population complexe étudiée et de la multitude des interventions possibles. Elle examine l’efficacité des interventions préventives en soins de santé primaires, chez les patients de minimum 65 ans, en termes de diminution des admissions à l’hôpital, de l’amélioration des capacités fonctionnelles et de la qualité de vie. Les interventions de préventions basées sur un changement de cadre favorisant les visites à domicile et les contacts téléphoniques et basées sur l’éducation des patients et des professionnels de la santé, comparées aux soins usuels, apportent un bénéfice en termes d’état de santé perçu et de capacités fonctionnelles mais pas en termes d’admission à l’hôpital ou en soins résidentiels.



Intervention multimodale en soins primaires visant à réduire les prescriptions d'antibiotiques de seconde ligne pour les infections urinaires chez les femmes

Contexte

Minerva a déjà abordé le problème de l’infection urinaires basse non compliquée chez la femme non enceinte sous différents angles : gestion de la douleur sans antibiotiques (1,2), choix des antibiotiques (3,4), options thérapeutiques en cas de prescription d’antibiotiques (5,6), prévention des récidives (7,8). Les infections des voies urinaires non compliquées chez les femmes sont une raison fréquente de consultations en première ligne (9). La cystite chez la femme non enceinte est souvent autolimitante sur une période de 1 à 2 semaines (10). WOREL recommande un traitement symptomatique ainsi qu’une prescription différée d'antibiotiques pour les femmes présentant des symptômes légers à modérés afin d’accélérer la disparition des symptômes et le risque de réapparition des symptômes, de même que pour les femmes qui souhaitent éviter les antibiotiques (GRADE 2B) (10). En cas de prescription d’un antibiotique, les recommandations sont explicites : il faut prescrire un antibiotique reconnu comme étant de première intention (11). Cependant, l’étude REWIND réalisée en 2020 et étudiant le comportement de prescription des médecins dans le traitement des infections urinaires non compliquées montre que les fluoroquinolones restent fréquemment prescrites en première intention en Belgique (17,8%, n = 1373) (12) et encore plus fréquemment en Allemagne (entre 38% et 54%) (13). Diverses stratégies ont été explorées en première ligne afin d’améliorer les prescriptions d'antibiotiques et une revue systématique de la Cochrane réalisée en 2005 a montré que les interventions multidimensionnelles combinant une formation des médecins, des patients et du public dans plusieurs environnements et sous différentes formes étaient les plus efficaces pour réduire les prescriptions d'antibiotiques non indiquées (14). 

 

 

Résumé 

 

Population étudiée 

  • la population cible principale était constituée de médecins généralistes des régions du sud et de l'est de l'Allemagne : Bade-Wurtemberg, Bavière, Berlin, Brandebourg et Thuringe 
  • étaient exclus les cabinets privés pour raison de financement de l’étude
  • au total, 128 cabinets de médecine générale des régions du sud et de l'est de l'Allemagne : Bade-Wurtemberg, Bavière, Berlin, Brandebourg et Thuringe, comprenant 1 à 9 médecins, ont été randomisés entre septembre 2019 et décembre 2022 ; les caractéristiques des cabinets et des participantes étaient similaires dans les deux groupes, avec une petite différence dans la région de pratique, mais aucune différence dans le nombre de patients, le sexe, la tranche d’âge, l’expérience professionnelle individuelle du médecin ou le type d’emploi.

 

Protocole d’étude

Essai randomisé en grappes réalisé en parallèle (15).

  • les cabinets de médecine générale étaient l'unité principale de randomisation et d'analyse ; les procédures de l'étude ont été ajustées aux conditions réelles lors d'une phase pilote de six mois dans cinq cabinets n’intervenant pas dans l’étude et dans une région ne participant pas à l’étude, avant d'être déployées à grande échelle ; leur acceptation et leur faisabilité ont été évaluées qualitativement dans deux autres études ; les cabinets de médecine générale ont été répartis de manière aléatoire en blocs (1:1), avec une taille de bloc de quatre, dans le groupe d'intervention ou le groupe témoin ; la randomisation était centralisée et était stratifiée par région
  • les patientes présentant une infection urinaire non compliquée documentée ont été identifiées via le code CIM 10 allemand modifié-2020 ; le diagnostic clinique d’infection urinaire du médecin généraliste a été accepté conformément à la nature pragmatique de l’essai
  • les cas d’infection urinaire compliquée (c’est-à-dire les patients présentant des douleurs au flanc, de la fièvre ou une immunosuppression) ont été exclus
  • l’intervention multimodale consiste en des recommandations pour les médecins généralistes et les patients, la fourniture de données régionales sur la résistance aux antibiotiques, et un retour d'information (feedback) trimestriel concernant les proportions individuelles de prescription d'antibiotiques de première et de deuxième ligne et des conseils téléphoniques pour répondre aux différentes questions des cliniciens ; une analyse comparative avec les pratiques régionales ou suprarégionales, et un suivi téléphonique sont également proposés 
  • les participants du groupe témoin n'ont reçu aucune information sur l'intervention.

 

Mesure des résultats

  • critère de jugement primaire :
    • proportion d'antibiotiques de deuxième ligne (tout antibiotique autre que triméthoprime, pivmécillinam, nitrofurantoïne, fosfomycine ou nitroxoline, considérés comme la première ligne) prescrits par rapport à l'ensemble des antibiotiques prescrits pour les infections urinaires non compliquées après un an
    • calculée comme la différence absolue de la moyenne des proportions des prescriptions entre le groupe témoin et le groupe intervention
  • critère de jugement secondaire : 
    • proportion de tous les antibiotiques prescrits pour le traitement des infections urinaires après 12 mois
    • calculée comme la différence absolue de la moyenne des proportions de tous les antibiotiques prescrits entre le groupe intervention et le groupe témoin
  • critères de jugement exploratoires : proportion de prescripteurs importants et faibles, évolution du comportement de prescription dans le temps et les facteurs associés à de faibles performances (définies comme >10% de prescriptions d'antibiotiques de deuxième intention).

 

Résultats

  • au total, 10323 cas d'infections urinaires ont été identifiés sur cinq trimestres (soit 15 mois) dans 110 cabinets médicaux inclus
  • critère de jugement primaire : 
    • dans les analyses finales les proportions moyennes de prescription pré-intervention d'antibiotiques de deuxième ligne par rapport à tous les antibiotiques pour le traitement des infections urinaires étaient de 0,27 (écart-type de 0,29) dans le groupe intervention et de 0,31 (ET 0,25) dans le groupe contrôle 
    • les proportions moyennes de prescriptions d'antibiotiques de deuxième ligne après 12 mois étaient de 0,19 (écart-type de 0,20) dans le groupe intervention et de 0,35 (0,25) dans le groupe contrôle
    • après ajustement pour les proportions pré-intervention, la différence moyenne était de -0,13 avec IC à 95% de -0,21 à -0,06 ; p < 0,001, correspondant à une réduction relative de 40% (RR de 0,6 avec IC à 95% de 0,31 à 0,89)
  • critère de jugement secondaire : 
    • la proportion moyenne de toutes les prescriptions d'antibiotiques pour les infections urinaires par rapport à tous les cas d'infections urinaires après 12 mois était de 0,74 (écart-type de 0,22) dans le groupe intervention et de 0,80 (0,15) dans le groupe contrôle, avec une différence moyenne de -0,08 avec IC à 95% de -0,15 à -0,02 ; p < 0,029
    • le rapport des moyennes ajustées pour le groupe traitement et le groupe contrôle était de 0,90 avec IC à 95% de 0,81 à 0,98, correspondant à une réduction relative de 10%
  • en termes de complications, aucune différence n’a été notée entre le groupe contrôle, et le groupe intervention.

 

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que l’intervention multimodale, comprenant la fourniture de directives issues de guides de pratique, d’informations sur les données de résistance régionales et de retours personnalisés sur les proportions de prescriptions d’antibiotiques, a augmenté l’adhésion des médecins généralistes aux directives et réduit la prescription d’antibiotiques de 2ème ligne chez les femmes atteintes d’infection urinaire non compliquée dans les cabinets médicaux allemands. Si l’intervention multimodale est mise en œuvre à plus grande échelle, les résultats sont susceptibles d’avoir un impact positif durable sur les programmes d’antibiorésistance pour les infections urinaires non compliquées en soins primaires.

 

Financement de l’étude

Financé par le Fonds d'innovation coordonné par le Comité d'innovation du Comité fédéral conjoint en Allemagne. Les bailleurs de fonds n'ont joué aucun rôle dans la conception de l'étude, ni dans la collecte, l'analyse et l'interprétation des données, la rédaction du rapport et la décision de soumettre l'article pour publication.

 

Conflit d’intérêts des auteurs

Pas de conflit d’intérêt déclaré.

 

 

Discussion 

 

Évaluation de la méthodologie

Il s’agit d’une étude randomisée en grappe, qui a examiné l’efficacité de la fourniture des recommandations pour les médecins généralistes et les patients, la présentation de données régionales sur la résistance aux antibiotiques, et un retour d'information trimestriel concernant les proportions individuelles de prescription d'antibiotiques de première et de deuxièmes lignes. 
Des équipes d'étude dédiées ont recruté les cabinets participants en utilisant des registres de cabinets affiliés, des réseaux de médecins généralistes et des contacts régionaux.
Plusieurs points positifs sont à relever : phase pilote pragmatique, étude d’acceptation et de faisabilité des procédures interventionnelles évaluées dans deux études qualitatives préliminaires, randomisation centralisée, randomisation en grappe au niveau des cabinets, ce qui permet une homogénéité de prise en charge au sein d’une pratique. Les feedbacks en rapport avec les résistances aux antibiotiques sont basés sur des prélèvements d’urine pour la même raison médicale dans 136 cabinets de la région mais ne participant pas à l’étude, soit 2553 échantillons d’urine. Ni les équipes de pratique ni les équipes de recherche (un chercheur et une infirmière de recherche dans chaque région) n’étaient informées de l’intervention. Aucune autre information sur l'étude n'a été publiée avant l’extraction finale des données afin de minimiser le biais de contamination. Toutes les données ont été collectées au niveau du cabinet et transférées sous forme agrégée chaque trimestre au site d’étude coordonnateur. Les logiciels médicaux étant divers et non standardisés, plusieurs procédures de qualité, correctement décrites, ont été mises en place afin de s’assurer de la qualité des données récoltées. 
Il faut noter que le manque d’insu a pu affecter la validité des résultats, et un certain nombre d’éléments ont pu biaiser ceux-ci. On peut s’attendre à ce que les médecins généralistes soucieux d’améliorer leur pratique de prescriptions soient les plus nombreux à se porter candidats à cette étude. Cela peut avoir entraîné un biais de sélection. Un biais de déclaration et un biais de contamination ont également été signalé par les auteurs, car les pratiques d'intervention et de contrôle étaient situées dans la même région. Une des forces de cette étude, est l’utilisation des données sur les taux de résistance régionaux en tant que composante de l'intervention multimodale, une approche inédite dans les études d'intervention visant à améliorer les schémas de prescription pour les infections urinaires. Il faut noter que l'intervention s'est avérée plus efficace dans les cabinets médicaux présentant des proportions élevées de prescriptions d’antibiotique de deuxième ligne. Des analyses de sensibilité ont été menées et elles soutiennent la robustesse des résultats primaires. Signalons également une puissance forte de l’étude à 86%, calculée initialement à 90% mais liée à l'abandon de 10 pratiques de médecine générale suite à la charge du travail au moment de la pandémie à SARS-COV2. 

 

Évaluation des résultats

Sensibiliser la première ligne à une prescription rationnelle d’antibiotiques représente un enjeu important en Belgique, mais également au niveau Européen. En 2023, le Comité pour l’évaluation des risques en matière de pharmacovigilance (Pharmacovigilance Risk Assessment Committee - PRAC) de l’Agence européenne des médicaments, appelle à réduire la prescription des fluoroquinolones (16). Les résultats de cette étude semblent pertinents à une échelle plus large en Europe, où les taux de prescription de quinolones dans le cadre d'une infection urinaire varient de 3% en Suède à 22% en Belgique (17), bien que la Belgique ait signalé une importante réduction de la prescription de quinolones en raison de modifications des critères de remboursement ayant eu lieu en 2021 (18). En Europe, les indicateurs de qualités spécifiques aux maladies recommandent un taux de prescription inférieur à 5% (19) pour les fluoroquinolones chez les patientes adultes souffrant d’une infection des voies urinaires. Ce seuil a presque été atteint dans le groupe intervention de cette étude (6%).
Cependant, pour y arriver, on remarque que l’intervention multimodale mise en place ici est complexe, nécessitant la collaboration de nombreux acteurs (chercheurs seniors qualifiés disponibles par téléphone pour répondre aux questions des médecins généralistes, chercheurs, infirmières, un assistant de cabinet spécifiquement formé dans chaque cabinet) et un matériel conséquent (brochures pour patients en 5 langues, fiches explicatives des recommandations courtes – pour être disponibles en poche - et longues, site régulièrement actualisé). La participation des laboratoires régionaux a aussi été importante. Ce qui est encourageant est de voir qu’un suivi « personnalisé » et bienveillant (feedback explicatif avec suggestions de changements des habitudes de prescription) a eu des résultats positifs. Cela dit, dans le cadre de la lutte contre l’antibiorésistance, on pourrait aussi comprendre que de fortes limitations soient mises en place dès la mise sur le marché d’un nouvel antibiotique plutôt que de tenter de récupérer les mauvaises habitudes prises par les cliniciens. 
Un rapport du KCE publié en 2019 (20), fait de nombreuses propositions pour une utilisation plus efficace des antibiotiques en Belgique. On y retrouve entre autre: le déploiement des équipes locales de gestion de l’antibiothérapie dans le secteur ambulatoire, une amélioration de la formation professionnelle en matière de prescription et d’usage prudent des antibiotiques et le développement des interventions ciblant les facteurs psychologiques, sociaux et institutionnels du changement comportemental, l’amélioration de l’observance des guides de pratique clinique en matière de prescription, l’adoption de mesures structurelles pour améliorer la prescription et l’usage rationnels des antibiotiques et l’utilisation de l’ application d’e-prescription obligatoire pour améliorer la prescription prudente d’antibiotiques.

 

Que disent les guides de pratique clinique ?

Selon le guide de pratique du groupe WOREL (10), un antibiotique prescrit dans le cadre d’une infection urinaire non compliquée chez la femme accélérera la disparition des symptômes et réduira le risque de réapparition des symptômes (GRADE 1B). Dans le cas de symptômes légers à modérés, il peut être décidé, en concertation avec la patiente et après explication approfondie, d’attendre de voir si la prescription d’un antibiotique est nécessaire ou pas ou d’avoir recours à une prescription différée (GRADE 2B) (11). Le premier choix reste la nitrofurantoïne oral 300 mg par jour en 3 prises pendant 5 jours, avec en alternative la fosfomycine oral 3 g en une seule prise (10).

 

 

Conclusion de Minerva

Cette RCT très bien menée d’un point de vue méthodologique, montre qu’une intervention multimodale comprenant la fourniture de directives issues de guides de pratiques, d’informations sur les données de résistance régionales et de retours personnalisés sur les proportions de prescriptions d’antibiotiques a permis d’augmenter l’adhésion des médecins généralistes aux recommandations de bonne pratique, en diminuant de 40% la prescription d’antibiotiques de deuxième intention chez la femme non enceinte atteinte d’une infection des voies urinaires non compliquée. Il faut noter l’utilisation inédite des données sur les taux de résistance régionaux en tant que composante de l'intervention. 

 

 


Références 

  1. Heytens S, Christiaens T. L’ibuprofène comme alternative aux antibiotiques en cas d’infection urinaire non compliquée ? MinervaF 2016;15(10):258-61.
  2. Gágyor I, Bleidorn J, Kochen MM, et al. Ibuprofen versus fosfomycin for uncomplicated urinary tract infection in women: randomised controlled trial. BMJ 2015;351:h6544. DOI: 10.1136/bmj.h6544
  3. Heytens S, Christiaens T. Quel antibiotique choisir pour traiter la cystite aiguë ? Minerva Analyse 15/05/2015.
  4. Knottnerus BJ, Grigoryan L, Geerlings SE, et al. Comparative effectiveness of antibiotics for uncomplicated urinary tract infections: network meta-analysis of randomized trials. Fam Pract 2012;92:659-70. DOI: 10.1093/fampra/cms029
  5. Laekeman G. Les lactobacilles en prévention des infections récidivantes des voies urinaires ? Minerva Analyse 28/04/2013
  6. Beerepoot MA, ter Riet G, Nys S, et al. Lactobacilli vs antibiotics to prevent urinary tract infections. Arch Intern Med 2012;172:704-12. DOI: 10.1001/archinternmed.2012.777
  7. Christiaens T , Heytens S. Infections urinaires chez la femme : cinq options thérapeutiques. MinervaF 2010;9(11);132-3.
  8. Little P, Moore MV, Turner S, et al. Effectiveness of five different approaches in management of urinary tract infection: randomised controlled trial. BMJ 2010;340:c199. DOI: 10.1136/bmj.c199
  9. Butler CC, Hawking MK, Quigley A, McNulty CA. Incidence, severity, help seeking, and management of uncomplicated urinary tract infection: a population-based survey. Br J Gen Pract 2015;65:e702-e707. DOI: 10.3399/bjgp15X686965
  10. Heytens S, Delvaux N, Christiaens T, De Sutter A. Cystite chez la femme. WOREL 1/10/2016.
  11. BAPCOC. Guide belge des traitements anti-infectieux en pratique ambulatoire. 2022 (mise à jour partielle octobre 2024. (Disponible par le site web du CBIP). 
  12. Cai T, Palagin I, Brunelli R, et al. Office-based approach to urinary tract infections in 50 000 patients: results from the REWIND study. Int J Antimicrob Agents 2020;56:105966. DOI: 10.1016/j.ijantimicag.2020.105966
  13. Gágyor I, Strube-Plaschke S, Rentzsch K, Himmel W. Management of urinary tract infections: what do doctors recommend and patients do? An observational study in German primary care. BMC Infect Dis 2020;20:813. DOI: 10.1186/s12879-020-05377-w
  14. Arnold SR, Straus SE. Interventions to improve antibiotic prescribing practices in ambulatory care. Cochrane Database Syst Rev 2005, Issue 4. DOI: 10.1002/14651858.CD003539.pub2
  15. Schmiemann G, Greser A, Maun A, et al. Effects of a multimodal intervention in primary care to reduce second line antibiotic prescriptions for urinary tract infections in women: parallel, cluster randomised, controlled trial. BMJ 2023;383:e076305. DOI: 10.1136/bmj-2023-076305
  16. Restrictions en matière d’utilisation des fluoroquinolones et nouvelles informations relatives à la sécurité concernant les fluoroquinolones et Gavreto. PRAC mai 2023. Site AFMPS, 31/05/2023.
  17. Tyrstrup M, van der Velden A, Engstrom S, et al. Antibiotic prescribing in relation to diagnoses and consultation rates in Belgium, the Netherlands and Sweden: use of European quality indicators. Scand J Prim Health Care 2017;35:10-8. DOI: 10.1080/02813432.2017.1288680
  18. Vermeulen H, Coenen S, Hens N, Bruyndonckx R. Impact of changing reimbursement criteria on the use of fluoroquinolones in Belgium. J Antimicrob Chemother 2021;76:2725-32. DOI: 10.1093/jac/dkab255
  19. Adriaenssens N, Coenen S, Tonkin-Crine S, et al. European Surveillance of Antimicrobial Consumption (ESAC): disease-specific quality indicators for outpatient antibiotic prescribing. BMJ Qual Saf 2011;20:764-72. DOI: 10.1136/bmjqs.2010.049049 
  20. Leroy R, Christiaens W, Maertens de Noordhout C, Hanquet G. Propositions pour une politique antibiotique plus efficace en Belgique - Synthèse. Health Services Research. Centre Fédéral d’Expertise des Soins de Santé 2019. KCE Report 311Bs. D/2019/10.273/24.


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Dernière mise à jour du site : 1/02/2024