La prise en charge du syndrome du côlon irritable (SCI) chez l’adulte a déjà été abordée dans Minerva (1,2) et montrait l’efficacité d’un traitement antispasmodique ou antidépresseur, sans preuve pour les laxatifs de lest. D’autres pistes ont été analysées : une étude (3) réalisée en première ligne de soins, de qualité méthodologique moyenne, de durée limitée pour une pathologie chronique, a montré une possible efficacité des fibres solubles tel le psyllium pour les douleurs abdominales de patients souffrant de SCI (4). Une méta-analyse (6) apportait quelques arguments en faveur de l’efficacité des antidépresseurs tricycliques et ISRS dans la prise en charge des symptômes du syndrome du côlon irritable et confirmaient ainsi les recommandations en cours de les envisager en deuxième ligne de traitement, avec davantage de preuves pour les imipraminiques. Pour les psychothérapies (5), le niveau de preuve d’efficacité était beaucoup plus faible et la pertinence clinique du bénéfice observé discutable, mais nous ne disposions pas d’études de bonne qualité dans cette indication (6). La problématique de la constipation chronique idiopathique (CCI) avait été abordée dans Minerva (7) suite à la publication en 2010 d’une RCT (8) qui, sur une durée de 4 semaines, avait montré un intérêt du picosulfate sodique dans une population majoritairement féminine fortement sélectionnée. Aucune comparaison avec d’autres laxatifs, particulièrement ceux qui sont actuellement recommandés, n’était cependant disponible.

En 2014, une nouvelle synthèse méthodique avec méta-analyses (9), de bonne qualité méthodologique, s’est penchée sur le rôle des probiotiques, des prébiotiques et des synbiotiques dans le SCI et la CCI. Elle a retenu 43 RCTs dont 38 évaluaient l’efficacité des probiotiques versus placebo (n=3 452 patients) dans le SCI et seulement 3 dans la CCI, 4 RCTs concernaient les synbiotiques (2 dans le SCI et 2 dans la CCI) et 1 seule les prébiotiques, dans la CCI. Ces études n’ont inclus que des patients de plus de 16 ans, pour une thérapie d’au moins 7 jours. Le diagnostic était posé soit par avis du clinicien ou selon des critères spécifiques (Manning, Kruis score, ROME I, II ou III). Après l’arrêt du traitement, les probiotiques présentent un effet bénéfique sur les scores du SCI (douleurs abdominales, flatulence et ballonnement) avec un RR de 0,79 (avec IC à 95% de 0,7 à 0,89 et un NNT = 7 avec IC à 95% de 4 à 12,5). Il faut cependant souligner que 15 des 35 RCTs avec probiotiques n’avaient pas mentionné leur méthode de randomisation, et qu’une hétérogénéité importante a été calculée (I2 = 72%). Quand les auteurs restreignent leurs analyses aux 12 RCTs présentant le plus faible risque de biais, le résultat reste cependant statistiquement significatif (RR de 0,82 avec IC à 95% de 0,69 à 0,98).

Dans le cadre de la CCI, les RCTs incluses présentent de nombreuses limites méthodologiques qui ne permettent pas de tirer de conclusion clinique valide, tant pour les probiotiques que pour les prébiotiques et les synbiotiques.

Dans la littérature médicale, le rôle des bactéries intestinales est régulièrement discuté (10). L’utilisation des probiotiques est mentionnée et même recommandée par des associations scientifiques. Cependant, les préparations sont très variables (différentes souches seules ou combinaisons de souches) rendant l’évaluation globale de leur efficacité plus difficile. Il n’existe à ce jour pas de consensus pour savoir quelles souches de probiotiques ou combinaisons de souches sont à prescrire.

Le guide clinique de Duodecim cite les probiotiques comme pouvant apporter une aide symptomatique dans le cadre du syndrome du côlon irritable (niveau de preuve C) (11).

Conclusion de Minerva

Cette synthèse méthodique avec méta-analyses de bonne qualité méthodologique, mais basée sur des RCTs hétérogènes, montre des résultats statistiquement significatifs des probiotiques sur les plaintes abdominales dans le cadre du syndrome du côlon irritable (SCI). Aucune conclusion clinique ne peut être émise pour les probiotiques dans le cadre de la constipation chronique idiopathique (CCI). D’autres études sont nécessaires pour évaluer une éventuelle efficacité des prébiotiques et synbiotiques.

Références 

1. Chevalier P, Vanwelde A. Syndrome du côlon irritable : fibres, antispasmodique ou antidépresseur ? MinervaF 2012;11(2):156.
2. Ruepert L, Quartero AO, de Wit NJ, et al. Bulking agents, antispasmodics and antidepressants for the treatment of irritable bowel syndrome. Cochrane Database Syst Rev 2011, Issue 8.
3. Bijkerk CJ, de Wit NJ, Muris JW, et al. Soluble or insoluble fibre in irritable bowel syndrome in primary care? Randomised placebo controlled trial. BMJ 2009;339:b3154.
4. De Jonghe M. Psyllium ou son de blé pour le côlon irritable ? MinervaF 2010;9(7):84-5.
5. Ford AC, Talley NJ, Schoenfeld PS, et al. Efficacy of antidepressants and psychological therapies in irritable bowel syndrome: systematic review and meta-analysis. Gut 2009;58:367-78.
6. Bouüaert C. Côlon irritable : antidépresseurs ou psychothérapie ? MinervaF 2010;9(2):22-3.
7. Chevalier P, De Cort P. Le picosulfate pour la constipation chronique ? MinervaF 2011;10(2);17-8.
8. Mueller-Lissner S, Kamm MA, Wald A, et al. Multicenter, 4-week, double-blind, randomized, placebo-controlled trial of sodium picosulfate in patients with chronic constipation. Am J Gastroenterol 2010;105:897-903.
9. Ford AC, Quigley EM, Lacy BF, et al. Efficacy of prebiotics, probiotics, and synbiotics in irritable bowel syndrome and chronic idiopathic constipation: systematic review and meta-analysis. Am J Gastroenterol 2014;109:1547-61.
10. de Moreno de LeBlanc A, LeBlanc JG. Effect of probiotic administration on the intestinal microbiota, current knowledge and potential applications. World J Gastroenterol 2014;20:16518-28.
11. Troubles fonctionnels intestinaux et le syndrome du côlon irritable (SCI). Duodecim Medical Publications. https://www.ebmpracticenet.be//fr/Pages/default.aspx?ebmid=ebm00184&sn=38df8045-613d-4b16-a4ed-683e9d22b5f0/dabd0c3c-5f41-4662-8d98-f1859c315978