Dans une RCT de 2011 (1), la mammographie de dépistage chez les femmes de 40 à 75 ans a entraîné à long terme une diminution de 30% de la mortalité par cancer du sein. Cependant, le bénéfice net de la mammographie de dépistage était difficile à isoler en raison du rôle joué dans cette diminution de mortalité par d’autres éléments comme le traitement et le post-traitement. De plus, ces résultats n’avaient pas permis de déterminer quel groupe de femmes profitait au mieux du dépistage (2). Dans une récente mise à jour d’une synthèse méthodique de la Cochrane Collaboration (3), les auteurs avaient inclus 7 RCTs dont 3 pour lesquelles la randomisation avait été effectuée de manière adéquate. Après un dépistage de 13 ans, ils n’avaient pas pu montrer d’effet significatif sur la mortalité liée au cancer du sein (RR de 0,90 avec IC à 95% de 0,79 à 1,02). Pour les 4 RCTs pour lesquelles la randomisation avait été effectuée de manière sous-optimale, une diminution significative de la mortalité liée au cancer du sein (RR 0,75 avec IC à 95% de 0,67 à 0,83) avait été mise en évidence, mais cette diminution allait de pair avec beaucoup de stress psychologique en cas de résultat faux positif et entraînait 10 interventions inutiles pour éviter qu’une seule femme ne décède des suites d’un cancer du sein (3,4).

En Belgique, il avait été décidé par le passé de ne plus offrir le dépistage par mammographie au-delà de l’âge de 70 ans (5). Le débat sur la prolongation du dépistage jusqu’à 75 ans s’est toutefois poursuivi. Une nouvelle étude d’observation prospective menée aux Pays-Bas a inclus 25 414 femmes âgées de 70 à 75 ans chez qui un cancer du sein avait été diagnostiqué entre 1995 et 2011. L’étude a examiné l’effet sur l’incidence et la stadification du cancer du sein avant et après l’introduction, entre 1998 et 2001, de la mammographie de dépistage pour la tranche d’âge de 70 à 75 ans (6). L’incidence des tumeurs du sein à un stade précoce (I, II ou carcinome canalaire in situ) a fortement augmenté (248,7 cas par

100 000 femmes avant la mise en place du dépistage, contre 362,9 cas par 100 000 femmes après ; taux d’incidence 1,46 avec IC à 95% de 1,40 à 1,52 ; p < 0,001). L’incidence des cancers du sein à un stade plus avancé (III et IV) a cependant à peine diminué (58,6 cas par 100 000 femmes avant la mise en place du dépistage, contre 51,8 cas par 100 000 femmes après ; taux d’incidence 0,88 avec IC à 95% de 0,81 à 0,97 ; p < 0,001). La prolongation du dépistage au-delà de 70 ans jusqu’à 75 ans n’a donc pas entraîné une diminution importante de l’incidence des cancers du sein à un stade avancé, mais elle a entraîné une forte augmentation de l’incidence des cancers du sein à un stade précoce.

La question importante à se poser est : chez combien de ces femmes la tumeur aurait-elle évolué sur le plan clinique ? Certaines tumeurs sont en effet « non progressives » et n’entraîneront jamais ni maladie ni décès. Elles sont responsables du « surdiagnostic ». Dans son rapport de 2014, le Centre fédéral d’expertise (KCE) (7) estime que le surdiagnostic est d’environ 10% en Flandre. Si, pendant 10 ans, le dépistage est effectué chez 1 000 femmes, il y aura, dans la tranche d’âge de 50 à 59 ans, 3 femmes traitées inutilement (38 traitements pour cancer du sein au lieu de 35). Dans la tranche d’âge de 60 à 69 ans, il y aura 4 femmes traitées inutilement pour 1 000 femmes chez qui le dépistage a été effectué (44 traitements pour cancer du sein au lieu de 40). Les résultats de l’étude néerlandaise commentée ici, laissent penser que le surdiagnostic dans le groupe de 70 à 75 ans sera encore plus élevé.

Le Centre fédéral d’expertise ne recommande pas la prolongation du dépistage du cancer du sein jusqu’à 74 ans (8). C’est aussi la position actuelle du groupe de travail flamand sur le dépistage du cancer du sein et celle de Domus Medica. Les résultats de cette nouvelle étude ne justifient pas un changement d’attitude, mais sont bien plutôt des arguments pour le maintien de la situation actuelle et contre la prolongation du dépistage.

 

Conclusion

Cette étude d’observation prospective montre que la prolongation du dépistage du cancer du sein par mammographie au-delà de 70 ans n’entraîne pas de diminution importante du nombre de cancers du sein à un stade avancé. Par contre, les cas de surdiagnostic connaissent probablement une forte augmentation.

 

 

Références 

1. Tabár L, Vitak B, Chen TH, et al. Swedish two-county trial: impact of mammographic screening on breast cancer mortality during 3 decades. Radiology 2011;260:658-63.
2. Garmyn B. Quelle est l’efficacité d’un dépistage du cancer du sein à long terme (29 ans) ? MinervaFR 2012;11(3);30-1.
3. Gøtzsche PC, Jørgensen KJ. Screening for breast cancer with mammography. Cochrane Database Syst Rev 2013, Issue 6.
4. Michiels B. Dépistage du cancer du sein par mammographie. Minerva online 15/03/2014.
5. Garmyn B, Govaerts F, Van de Vyver N, et al. Aanbeveling voor goede medische praktijkvoering: Borstkankerscreening. Huisarts Nu 2008;37:2-27.
6. de Glas NA, de Craen AJ, Bastiaannet E, et al. Effect of implementation of the mass breast cancer screening programme in older women in the Netherlands: population based study. BMJ 2014;349:g5410.
7. Kohn L, Mambourg F, Robays J, et al. Informed choice on breast cancer screening: messages to support informed decision. Good Clinical Practice (GCP) Brussels: Belgian Health Care Knowledge Centre (KCE). 2014. KCE Reports 216. D/2014/10.273/03.
8. Mambourg F, Robays J, Gerkens S. Dépistage du cancre du sein entre 70 et 74 ans. Good Clinical Practice (GCP) Bruxelles: Centre Fédérale d’Expertise des Soins de Santé (KCE) 2012 Report 176B. D/2012/10.273/19.