Texte sous la responsabilité de la rédaction néerlandophone

Les conclusions de Minerva concernant la mammographie de dépistage ont évolué en deux ans, passant d’un effet favorable (1,2) à un effet limité sur la mortalité due au cancer du sein (3). Minerva avait émis une réserve quant à la part réelle du dépistage systématique dans la diminution de la mortalité observée (1,2) et signalé que la mammographie de dépistage n’avait certainement aucune influence sur la mortalité liée au cancer du sein à un stade avancé. Dans l’analyse de Bleyer, nous avions relevé un nombre important de surdiagnostics (de l’ordre de 30 %) et le risque de cancer associé à des mammographies répétées (3).

Les auteurs d’une mise à jour récente de la synthèse méthodique de la Cochrane Collaboration (4) (N = 7 ; n = 600 000 femmes âgées de 39 à 74 ans) ont conclu que pour les trois études contrôlées randomisées avec randomisation adéquate, portant sur une durée de 13 ans, aucun effet significatif sur la mortalité liée au cancer du sein n’est démontré (RR 0,90 avec IC à 95 % de 0,79 à 1,02). Par contre, pour les quatre autres études contrôlées randomisées avec randomisation sous-optimale, une diminution significative de la mortalité liée au cancer du sein (RR 0,75 avec IC à 95 % de 0,67 à 0,83) est cependant démontrée.

Les auteurs estiment que la mortalité par cancer du sein n’est pas un critère de jugement fiable en raison principalement d’une erreur de classification de la cause de décès. Une fausse image au bénéfice du dépistage en résulte. Les études avec randomisation adéquate n’ont pas montré d’effet sur la mortalité totale par cancer (y compris par cancer du sein) ni après 10 ans (RR 1,02 avec IC à 95 % de 0,95 à 1,10), ni après 13 ans (RR 0,99 avec IC à 95 % de 0,95 à 1,03). La somme des tumorectomies et des mastectomies était significativement plus important dans le groupe dans lequel un dépistage a été effectué (RR 1,31 avec IC à 95 % de 1,22 à 1,42), tout comme le nombre total de mastectomies seules (RR 1,20 avec IC à 95 % de 1,08 à 1,32). , Il n’y avait pas de différence significative quant à l’augmentation de l’utilisation de la radiothérapie et de la chimiothérapie.

Les auteurs de cette synthèse méthodique concluent que, dans le meilleur des cas, la mortalité par cancer du sein diminue de 15 % moyennant 30 % de surdiagnostics et de surtraitements. Concrètement, cela signifie que pour 2 000 femmes chez qui un dépistage est effectué sur une période de dix ans, une femme ne mourra pas de cancer du sein, alors que 10 femmes en bonne santé seront traitées inutilement. En outre, 200 femmes seront soumises à un stress psychologique (anxiété et incertitude) pendant des années suite à un résultat faussement positif. De même, une récente étude d’observation montre que le dépistage du cancer du sein par mammographie entraîne une augmentation de surdiagnostics et qu’il ne conduit pas ou que peu à une diminution de l’incidence des cancers avancés (1,5). Les progrès techniques de la mammographie permettraient de découvrir de plus petites anomalies, ce qui pourrait expliquer l’augmentation des surdiagnostics (6). Par ailleurs, l’amélioration des traitements curatifs des cancers du sein favorise une meilleure issue, même en cas de cancer du sein à un stade avancé. Seules les tumeurs agressives à croissance rapide demeurent un défi thérapeutique, d’autant plus qu’elles sont souvent découvertes dans l’intervalle entre deux mammographies de dépistage. Tous ces arguments ont une grande importance pour soutenir l’idée d’abandonner le dépistage systématique du cancer du sein par mammographie.  

Les recommandations belges actuelles dans le cadre du dépistage du cancer du sein par mammographie tous les deux ans chez les femmes entre 50 et 69 ans sont maintenues. Le rapport 2005 du KCE (7) n’avait pas identifié dans la littérature scientifique, suffisamment d’arguments en faveur de l’abandon du dépistage au niveau de la population. Concrètement, au vu des arguments développés ci-dessus, cela signifie que, en pratique clinique, les femmes doivent être bien informées des avantages et des inconvénients du dépistage systématique du cancer du sein par mammographie et être libres, après mûre réflexion, de ne pas y participer. Un prospectus pratique pourra être utile à cet effet (www.cochrane.dk).

Conclusion

Cette synthèse méthodique de la Cochrane Collaboration montre que le dépistage systématique du cancer du sein chez les femmes en bonne santé âgées de 39 à 74 ans a plus d’inconvénients que d’avantages. Une révision s’impose en matière de politique de dépistage du cancer du sein par mammographie.

Références

1. Garmyn B. Mammographie bisannuelle : mortalité par cancer du sein réduite ? MinervaF 2011;10(4):41-2.
2. Garmyn B. Quelle est l’efficacité d’un dépistage du cancer du sein à long terme (29 ans) ? MinervaF 2012;11(3):30-1.
3. La Rédaction Minerva. 30 ans de dépistage du cancer du sein par mammographie aux E-U : au mieux un faible impact sur la mortalité par cancer du sein chez les femmes de plus de 40 ans. Minerva online 15/03/2013. https://minerva-ebp.be/fr/Review/306
4. Gøtzsche PC, Jørgensen KJ. Screening for breast cancer with mammography. Cochrane Database Syst Rev 2013, Issue 6.
5. Bleyer A, Welch HG. Effect of three decades of screening mammography on breast-cancer incidence. N Engl J Med 2012;367:1998-2005.
6. Michiels B. Surdiagnostic. [Editorial] MinervaF 2013;12(8):92.
7. Paulus D, Mambourg F, Bonneux Luc . Dépistage du cancer du sein . Bruxelles : Centre Fédéral d'Expertise des Soins de Santé (KCE) ; 2005 avril. KCE Reports vol. 11B. Ref. D/2005/10.273/06.