Analyse
Arrêt progressif de l’usage à long terme de benzodiazépines : un suivi individuel régulier est-il nécessaire ?
15 10 2014
Professions de santé
Il ressort d’une méta-analyse ayant déjà été commentée dans Minerva que, versus la prise en charge habituelle, une lettre du médecin généraliste aux personnes, qui prennent des benzodiazépines depuis longtemps, pour les inviter à supprimer ces médicaments permet de multiplier par 2 la probabilité qu’ils les arrêtent effectivement (14% ont arrêté après la lettre versus 6% du groupe témoin) (1,2).
Une RCT par grappes publiée en 2014 examine les interventions accentuant la motivation des patients lors de l’arrêt progressif des benzodiazépines (3). En Espagne, 75 médecins généralistes de 21 cabinets de première ligne ont été randomisés en 3 groupes d’intervention : dans le premier groupe, les médecins ont donné de manière individuelle des conseils sur l’arrêt progressif des benzodiazépines tout en remettant des instructions par écrit ; dans le deuxième groupe, les médecins ont combiné les conseils donnés de manière individuelle sur l’arrêt progressif des benzodiazépines avec des consultations de suivi toutes les 2 semaines ; dans le groupe témoin, les patients ont bénéficié de la prise en charge habituelle. Les conseils individuels sur l’arrêt progressif des benzodiazépines consistaient en un entretien structuré avec le patient pour lui donner des informations sur la diminution graduelle de la dose. Il a été conseillé de réduire la dose quotidienne des benzodiazépines de 10 à 25% toutes les 2 à 3 semaines. Le patient pouvait passer à une benzodiazépine de longue durée d’action (diazépam) sur avis du médecin. Seuls ont été inclus les patients âgés de 18 à 80 ans qui prenaient des benzodiazépines tous les jours depuis plus de 6 mois. Ont été exclus les patients atteints d’une affection psychique ou médicale grave et chez qui, selon l’avis du médecin généraliste, l’arrêt progressif de la benzodiazépine pouvait présenter un danger. Ces critères d’exclusion limiteront la possibilité de généraliser les résultats de l’étude. Afin d’éviter un biais de sélection, chaque médecin généraliste n’a été randomisé qu’après qu’il ait recruté 8 patients susceptibles de participer à l’étude.
Au terme de 12 mois de suivi, 45% des patients des 2 groupes intervention avaient arrêté (l’arrêt étant défini comme « aucune prise » ou « moins de 4 doses de benzodiazépine » au cours du mois écoulé) contre 15% dans le groupe témoin (RR de 3,01 avec IC à 95% de 2,03 à 4,46 pour le premier groupe intervention, et RR de 3,00 avec IC à 95% de 2,04 à 4,40 pour le deuxième groupe intervention). La prise de benzodiazépines était rapportée par les patients eux-mêmes. La faible proportion de patients sortis de l’étude renforce néanmoins la validité interne de l’étude. Dans aucun des 3 groupes, les auteurs n’ont observé d’augmentation significative des symptômes de dépression et d’anxiété (selon l’échelle HAD (Hospital Anxiety and Depression scale -de dépistage des troubles anxieux et dépressifs), ni de l’insatisfaction par rapport à la qualité du sommeil, ni d’augmentation de la consommation d’alcool.
Cette étude confirme l’efficacité et la sécurité de conseils individualisés associés à la délivrance d’instructions écrites (1) ou associés à un suivi en consultation toutes les 2 semaines pour promouvoir et soutenir l’arrêt progressif des benzodiazépines consommées depuis plus de 6 mois . Ces interventions ont la préférence en première ligne de soins car, pour réussir la mise en œuvre d’une intervention par les médecins généralistes, outre l’efficacité, l’investissement en temps est également un facteur déterminant.
Conclusion
Cette étude avec randomisation par grappes montre l’efficacité et la sécurité de conseils individualisés associés soit à la délivrance d’instructions écrites, soit à un suivi en consultation toutes les 2 semaines par des médecins généralistes pour promouvoir et renforcer l’arrêt progressif des benzodiazépines chez les patients qui en consomment depuis plus de 6 mois.
Références
- Anthierens S. Interventions minimales efficaces pour diminuer l’usage chronique de benzodiazépines ? Minerva online 28/06/2012.
- Mugunthan K, McGuire T, Glasziou P. Minimal interventions to decrease long-term use of benzodiazepines in primary care: a systematic review and meta-analysis. Br J Gen Pract 2011;61:e573-8.
- Vicens C, Bejarano F, Sempere E, et al. Comparative efficacy of two interventions to discontinue long-term benzodiazepine use: cluster randomised controlled trial in primary care. Br J Psychiatry 2014;204:471-9.
Ajoutez un commentaire
Commentaires