Analyse
Agomélatine : quelle efficacité en cas de dépression majeure ?
15 12 2014
Professions de santé
Dans un éditorial de Minerva publié en 2012 (1) discutant d’une revue narrative portant sur l’efficacité de l’agomélatine dans le traitement de la dépression, nous avions signalé un biais de publication important et avions attiré l’attention sur la faible pertinence clinique des résultats (2).
Cette critique a été récemment confirmée par une méta-analyse de 20 études (3) incluant des études, publiées ou non, portant sur l’agomélatine (25 ou 50 mg) dans le traitement aigu d’adultes atteints de dépression majeure. 11 études étaient publiées dans la littérature scientifique, 4 études étaient enregistrées par l’Agence européenne des médicaments (EMA), et 5 études provenaient directement du producteur de l’agomélatine. Les patients inclus dans les études souffraient de dépression majeure d’intensité modérée à sévère. Comme critère de jugement primaire, toutes les études, d’une durée de 6 à 12 semaines, ont utilisé l’échelle de dépression de Hamilton (HAM-D) pour calculer la sévérité de la dépression majeure. La méta-analyse de 12 études contrôlées par placebo (n = 3855 patients) a montré un meilleur résultat avec l’agomélatine, et ce de manière statistiquement significative (DMS de 0,24 avec IC à 95% de 0,12 à 0,35). Cette ampleur de l’effet est minime et reste probablement sous le seuil de pertinence clinique (4). Un gain statistiquement significatif pour le critère de jugement « réponse » (RR de 1,25 avec IC à 95% de 1,11 à 1,41) a été constaté, mais pas pour le critère de jugement « rémission » (RR de 1,22 avec IC à 95% de 0,97 à 1,53). 13 études (n = 4559 patients) ont comparé l’agomélatine à un autre antidépresseur et n’ont pas constaté de différence (DMS de 0,00 avec IC à 95% de – 0,09 à 0,10). L’agomélatine a été bien tolérée, et le risque de sorties d’étude en raison d’effets indésirables était plus faible, versus les autres antidépresseurs (RR de 0,61 avec IC à 95% de 0,48 à 0,78).
Le funnel plot permet d’évoquer un biais de publication. Versus placebo, l’ampleur de l’effet était plus importante dans les études publiées. Versus d’autres antidépresseurs, les études publiées ont montré un avantage de l’agomélatine (DMS 0,14 avec IC à 95% de 0,05 à 0,23), tandis que les études non publiées ont montré une tendance inverse (DMS -0,10 avec IC à 95% de -0,20 à 0,01). Une autre méta-analyse récente (5) portant sur l’efficacité de l’agomélatine a également évoqué un biais de publication et a aussi mis en question la pertinence clinique de la différence observée (gain de 1,51 point sur l’échelle de la dépression d’Hamilton (Hamilton Depression Rating Scale)).
Les méta-analyses qui ont inclus tant des études publiées que des études non publiées livrent une image plus réaliste de l’efficacité des antidépresseurs. Quoique l’agomélatine soit bien tolérée dans les études cliniques, des cas de toxicité hépatique ont été signalés après sa mise sur le marché (élévation des transaminases, hépatite, ictère et jusqu’à des lésions sévères du foie avec insuffisance hépatique ayant entraîné quelques décès). Fin 2013, l’EMA a pris les décisions suivantes : l’agomélatine est contre-indiquée chez les patients chez qui les transaminases sont élevées, et elle est déconseillée chez les personnes âgées de plus de 75 ans (6).
Conclusion
Cette synthèse méthodique avec méta-analyses d’études publiées et non publiées montre que, chez les patients atteints de dépression majeure modérée à sévère, l’agomélatine est plus efficace qu’un placebo, et ce de manière statistiquement significative. L’ampleur de l’effet est minime et n’atteint probablement pas le seuil de pertinence clinique. En outre, il ressort des données de pharmacovigilance que l’agomélatine est associée à une toxicité hépatique importante. En conséquence, la place de l’agomélatine est donc très incertaine comme traitement médicamenteux pour les patients atteints d’une dépression (7).
Dénomination du médicament
Agomélatine = Valdoxan®
Références
- Habraken H. L’agomélatine… [Editorial] MinervaF 2012;11(9):105.
- Hickie IB, Rogers NL. Novel melatonin-based therapies: potential advances in the treatment of major depression. Lancet 2011;378:621-31.
- Taylor D, Sparshatt A, Varma S, Olofinjana O. Antidepressant efficacy of agomelatine: meta-analysis of published and unpublished studies. BMJ 2014;348:g1888.
- De Meyere M. Un lien entre l’efficacité des nouveaux antidépresseurs et la sévérité de la dépression ? MinervaF 2008;7(9):134-5.
- Koesters M, Guaiana G, Cipriani A, et al. Agomelatine efficacy and acceptability revisited: systematic review and meta-analysis of published and unpublished randomised trials. Br J Psychiatry 2013;203:179-87.
- Centre Belge d'Information Pharmacothérapeutique. Toxicité hépatique de l’agomélatine. Folia Pharmacotherapeutica 2014;41:45.
- Ambresin G. Does agomelatine have a place in the treatment of depression? BMJ 2014;348:g2157.
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