Analyse
Poly- plutôt que monothérapie médicamenteuse pour l’arrêt du tabac ?
24 11 2010
Professions de santé
Nous avons publié dans la revue Minerva plusieurs analyses d’articles concernant le sevrage tabagique. Au siècle dernier, plusieurs études ont montré, dans le cadre d’un counselling, l’efficacité de différents substituts nicotiniques (1,2). Dans une étude datant de 1999 (3), analysée dans Minerva (4), le bupropion s’est montré plus efficace qu’un placebo et que des patchs nicotiniques pour aider au sevrage tabagique, seul ou en association avec ces patchs nicotiniques, sans plus-value significative de l’ajout des patchs au bupropion.
Dans une RCT datant de 2005 (5), également analysée dans Minerva (6), l’efficacité du bupropion et de la nortriptyline pour l’aide au sevrage tabagique chez des patients atteints de BPCO a été évaluée en termes de patients avec arrêt complet du tabac de la semaine 4 à 26 : 28% des participants du groupe bupropion versus 15% du groupe placebo (différence significative) et 25% pour le groupe nortriptyline (différence non significative versus placebo).
Dans une étude datant de 2001 (7), également analysée dans Minerva (8), la prolongation d’un traitement par bupropion durant 12 mois après l’arrêt du tabac prolonge le délai d’une reprise du tabagisme (moins de fumeurs dans le groupe bupropion à 18 mois de suivi, donc 6 mois après l’arrêt du bupropion) mais sans plus de différence significative à 24 mois.
Minerva a également évalué (9) une méta-analyse de la Cochrane (10) montrant une efficacité de la varénicline versus placebo, avec efficacité supérieure à celle du bupropion, mais sans comparaison versus substituts nicotiniques.
Une récente RCT (11) compare différents traitements médicamenteux chez 1 346 fumeurs (au moins 10 cigarettes par jour), âgés en moyenne de 44 ans (ET 12), dont 56% de femmes, recrutés dans 12 centres périphériques de soins primaires aux E.-U.Tous les participants devaient être suffisamment motivés pour arrêter de fumer et bénéficient, en plus du traitement médicamenteux, d’un counselling. Les patients avec des facteurs de risque neurologiques ou psychiatriques, des complications cardiovasculaires, usagers de drogues ou abusant d’alcool sont exclus ainsi que les femmes enceintes. Les cinq traitements sont : bupropion seul (150 mg x 2/j), nicotine en comprimés à sucer (2 à 4 mg toutes les 1 à 2 h avec intervalle s’allongeant en cours d’étude), nicotine en patch (21 puis 14 puis 7 mg/24h), bupropion + nicotine comprimés à sucer, nicotine patch + comprimés à sucer.
Après 6 mois de traitement, le pourcentage d’arrêt de tabac est de 16,8% sous bupropion seul, 19,9% sous nicotine comprimé seule, 17,7% sous patch nicotine, 26,9% sous nicotine patch + comprimés, 29,9% sous bupropion + nicotine comprimés à sucer. Une analyse comparative montre une plus-value significative de l’association bupropion + nicotine comprimés à sucer versus les 3 monothérapies. Notons aussi une supériorité significative de l’association nicotine patch + comprimés à sucer versus bupropion seul et nicotine en patch seule. Aucune comparaison n’est faite entre les traitements associés. Les résultats de cette étude reposent sur les déclarations des patients sans confirmation objectivée par test biochimique de l’arrêt du tabac, ce qui peut entraîner une surestimation des arrêts. Les éventuelles sorties d’étude ne sont pas mentionnées.
Rappelons les nombreux effets indésirables, parfois graves du bupropion (12) qui doivent conduire à lui préférer les substituts nicotiniques en premier choix (13). Cette étude-ci confirme l’intérêt d’associer patch et comprimés à sucer de nicotine.
Conclusion
Cette étude aux nombreuses limites méthodologiques montre l’intérêt d’une association (bupropion + nicotine comprimés à sucer ou nicotine patch + comprimés à sucer) versus chacune des 3 monothérapies. Les substituts nicotiniques restent, dans le cadre d’un counselling nécessaire, le traitement médicamenteux de premier choix pour le sevrage tabagique.
Références
- Becker LA. Helping patients quit smoking. J Fam Pract 1998;46:195-6.
- Boudrez H. Hoe te stoppen met roken. Minerva 1999;28(6):251-3.
- Jorenby DE, Leischow SJ, Nides MA, et al. A controlled trial of sustainedrelease bupropion, a nicotine patch or both for smoking cessation. N Engl J Med 1999;340:685-91.
- Boudrez H. Bupropion (Zyban): een nieuwe rookstoppil? Minerva 1999;28(7):294-6.
- Wagena EJ, Knipschild PG, Huibers MJ, et al. Efficacy of bupropion and nortriptyline for smoking cessation among people at risk for or with chronic obstructive pulmonary disease. Arch Intern Med 2005;165:2286-92.
- De Sutter A. Sevrage tabagique avec le bupropion et la nortriptyline en cas de BPCO. MinervaF 2007;6(4):63-4.
- Hays JT, Hurt RD, Rigotti NA, et al. Sustained-Release Bupropion for pharmacologic relapse prevention after smoking cessation. A randomized controlled trial. Ann Intern Med 2001;135:423-33.
- De Sutter A. Traitement prolongé avec du bupropion après arrêt du tabagisme ? MinervaF 2002;1(9):26-7.
- De Sutter A. Varénicline et cytisine pour arrêter de fumer. MinervaF 2007;6(8):120-1.
- Cahill K, Stead LF, Lancaster T. Nicotine receptor partial agonists for smoking cessation. Cochrane Database Syst Rev 2007, Issue 1.
- Smith SS, McCarthy DE, Japuntich SJ, et al. Comparative effectiveness of 5 smoking cessation pharmacotherapies in primary care clinics. Arch Intern Med 2009;169:2148-55.
- Bupropione, alias amfébutamone : bilan après 5 ans. Rev Prescr 2008;28:749.
- Gailly J. Recommandations de Bonne Pratique : Arrêter de fumer. SSMG 2005.
Auteurs
Chevalier P.
médecin généraliste
COI :
Laekeman G.
em. Klinische Farmacologie en Farmacotherapie, KU Leuven
COI :
Glossaire
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