Analyse


Trop de calcium = danger pour le cœur ?


28 11 2011

Professions de santé

Analyse de
Bolland MJ, Grey A, Avenell A, et al. Calcium supplements with or without vitamin D and risk of cardiovascular events: reanalysis of the Women’s Health Initiative limited access dataset and meta-analysis. BMJ 2011;342:d2040.


Conclusion
Le risque cardiovasculaire de l’administration de suppléments calciques chez des femmes âgées reste mal établi, que ce soit en monothérapie ou en association avec de la vitamine D. D’autre part, ces études ne tiennent pas compte du bénéfice potentiel de l’administration de calcium et de vitamine D en termes de fractures prévenues, fractures pouvant entraîner des décès (cardiovasculaires ou autres). Cette administration reste recommandée chez les personnes présentant un déficit avéré ainsi que chez les personnes très âgées et les personnes âgées vivant en institution chez lesquelles un déficit est fréquent, de même avec les médicaments contre l’ostéoporose (p.ex. des bisphosphonates).



 

Nous avons déjà analysé plusieurs fois dans Minerva des publications évaluant l’intérêt de l’administration de calcium, de vitamine D ou des deux dans certaines populations précises. Par exemple, une méta-analyse (1) montrait l’intérêt de l’administration de calcium à une dose d’au moins 1 200 mg par jour à des personnes âgées de plus de 50 ans (forte majorité de femmes) en prévention de fractures ostéoporotiques. L’association de vitamine D (800 UI par jour) n’apportait pas de bénéfice complémentaire notable dans cette étude (2). Pour l’administration de vitamine D, une autre méta-analyse (3) montrait l'efficacité d'une administration d'un supplément quotidien de vitamine D sous la forme de colécalciférol (avec du calcium dans la majorité des études) chez des femmes âgées institutionnalisées ou non pour la prévention d'une première fracture, de hanche ou non vertébrale en général. Une dose quotidienne de 700 ou 800 UI par jour semblait nécessaire mais la dose optimale est probablement dépendante du taux sanguin initial en vitamine D (4) et une administration systématique à toute personne âgée n’est toujours pas validée.

Dans toutes ces études et méta-analyses, particulièrement pour le calcium, les effets indésirables sont peu explorés, particulièrement les incidents cardiovasculaires. En 2010, Bolland et coll. (5) publiaient une méta-analyse (15 RCTs, n=12 000, principalement des femmes de race blanche âgées en moyenne d’environ 75 ans) montrant une augmentation significative de l’incidence des infarctus du myocarde (risque relatif de 1,31) après un traitement par suppléments de calcium en monothérapie (pas de vitamine D) sur une durée de 2 à 5 ans. Les nombreuses limites de cette méta-analyse ont été soulignées (6), principalement que les sources utilisées ne permettent pas d’établir un lien de causalité entre la prise de calcium et les événements cardiovasculaires survenus (monitoring et adjudication incertains pour ceux-ci, inclusion de patients avec insuffisance rénale (?) à risque beaucoup plus élevé (7). Une étude plus récente (RCT sur 5 ans puis observation sur 4,5 années supplémentaires) (8) n’observe pas d’augmentation des décès ou hospitalisations pour motif cardiovasculaire (critère du protocole d’étude) chez 1460 femmes d’âge moyen initial de 75 ans ; les résultats suggèrent même une diminution de risque pour les femmes ayant déjà présenté un incident cardiovasculaire.

L’association de calcium et de vitamine D n’avait, jusqu’à présent, jamais été mise en rapport avec la survenue d’un infarctus du myocarde ou d’autres événements cardiovasculaires.

Bolland et coll. réanalysent les données de l’étude Women’s Health Initiative Calcium/Vitamin D Supplementation Study (9) en distinguant les femmes ne prenant pas de  suppléments calciques au départ de l’étude (8429 recevant en cours d’étude du calcium + vitamine D et 8289 un placebo) et celles en prenant initialement  (9747 recevant en cours d’étude du calcium + vitamine D et 9817 un placebo). Ils montrent, dans le premier groupe, un risque accru de survenue d’infarctus du myocarde ou de revascularisation coronaire (HR 1,16 (IC à 95% de 1,01 à 1,34)) mais pour tous les autres critères cardiovasculaires les IC à 95% ne sont guère significatifs. Ils combinent ensuite les résultats de cette étude avec ceux de 2 RCTs associant calcium et vitamine D pour montrer un risque accru d’infarctus du myocarde, d’AVC, des deux combinés, mais la borne inférieure de l’IC à 95% est toujours fort proche de la valeur 1 pour le risque relatif, respectivement 1,01, 1,00 et 1,02, ce qui jette un doute sur la pertinence clinique de ces résultats. Dans une méta-analyse de toutes les études avec suppléments calciques avec ou sans vitamine D, ils montrent une augmentation du risque d’infarctus (RR 1,24 ; IC à 95% de 1,07 à 1,45), d’AVC (RR 1,15 ; IC à 95% de 1,00 à 1,32), des infarctus et AVC (1,15 ; IC à 95% de 1,03 à 1,27). A nouveau ces chiffres sont peu convaincants et le fait d’associer les études avec calcium sans vitamine D avec celles calcium + vitamine D n’aide pas le clinicien.

 

Conclusion

Le risque cardiovasculaire de l’administration de suppléments calciques chez des femmes âgées reste mal établi, que ce soit en monothérapie ou en association avec de la vitamine D. D’autre part, ces études ne tiennent pas compte du bénéfice potentiel de l’administration de calcium et de vitamine D en termes de fractures prévenues, fractures pouvant entraîner des décès (cardiovasculaires ou autres). Cette administration reste recommandée chez les personnes présentant un déficit avéré ainsi que chez les personnes très âgées et les personnes âgées vivant en institution chez lesquelles un déficit est fréquent, de même avec les médicaments contre l’ostéoporose (p.ex. des bisphosphonates) (6).

 

Références

  1. Tang BM, Eslick GD, Nowson C, et al. Use of calcium or calcium in combination with vitamin D supplementation to prevent fractures and bone loss in people aged 50 years and older: a meta-analysis. Lancet 2007;370:657-66.
  2. Chevalier P. Efficacité de suppléments calciques pour prévenir les fractures. MinervaF 2007;6(10);156-7.
  3. Bischoff-Ferrari HA, Willett WC, Wong JB et al. Fracture prevention with vitamin D supplementation: a meta-analysis of randomized controlled trials. JAMA 2005;293:2257-64.
  4. Chevalier P. Le rôle de la vitamine D dans la prévention des fractures. MinervaF 2006;5(3): 41-3.
  5. Bolland MJ, Avenell A, Baron JA, et al. Effect of calcium supplements on risk of myocardial infarction and cardiovascular events: meta-analysis. BMJ 2010;341:c3691.
  6. Suppléments en calcium: risque d’infarctus du myocarde ? Communiqué par le Centre de Pharmacovigilance. Folia Pharmacotherapeutica 2010;37:108.
  7. Singh S, Furberg CD. Calcium supplements increase risk of myocardial infarction. Evid Based Med 2010;15:181.
  8. Lewis JR, Calver J, Zhu K, et al. Calcium supplementation and the risks of atherosclerotic vascular disease in older women: results of a 5-year RCT and a 4.5 year follow-up. J Bone Miner Res 2011;26:35-41
  9. Bolland MJ, Grey A, Avenell A, et al. Calcium supplements with or without vitamin D and risk of cardiovascular events: reanalysis of the Women’s Health Initiative limited access dataset and meta-analysis. BMJ 2011;342:d2040.
Trop de calcium = danger pour le cœur ?



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