Analyse
L’ajout d’un inhibiteur de la DPP-4 à un sulfamidé hypoglycémiant augmente-t-il le risque d’hypoglycémie?
L’incidence d’hypoglycémies observées avec les gliptines (qui sont des inhibiteurs de la dipeptidylpeptidase-4, alias inhibiteurs de la DPP-4) en monothérapie est comparable à celle que l’on observe avec un placebo ou sous metformine (environ 5%) (1,2). Il a également été montré que le risque d’hypoglycémie n’est pas accru en cas d’association d’un inhibiteur de la DPP-4 à la metformine ou à une glitazone (alias thiazolidinedione) (3,4).
Une synthèse méthodique avec méta-analyse publiée en 2016 (5) a calculé spécifiquement le risque d’hypoglycémie lorsqu’un inhibiteur de la DPP-4 est associé à un sulfamidé hypoglycémiant, versus placebo. Ont été incluses des études randomisées contrôlées dans lesquelles au moins 50 patients atteints du diabète de type 2 recevaient un traitement associant un inhibiteur de la DPP-4 et un sulfamidé hypoglycémiant sur base d’une recherche effectuée dans différentes sources (Medline, la base de données ISI Web of Science, SCOPUS, Cochrane Central Register of Controlled Trials et clinicaltrial.gov), sans limitation quant à la langue de publication. L’outil de la Cochrane Collaboration (6) a été utilisé pour déterminer le risque de biais dans chacune des études. Les 10 études sélectionnées ont été menées en double aveugle, mais cela n’est clairement décrit que dans une étude sur deux. Aucun biais de publication n’a pu être montré. Au total, 6546 patients ont été inclus, dont 4020 ont reçu une association d’un inhibiteur de la DPP-4 et d’un sulfamidé hypoglycémiant, et 2526, un placebo et un sulfamidé hypoglycémiant. Pour le groupe recevant l’association médicamenteuse, versus le groupe contrôle, un risque d’hypoglycémie de 1,52 (avec IC à 95% de 1,29 à 1,80) a été calculé. L’hétérogénéité statistique (I² = 20%) pour ce résultat était faible. Par contre, l’hétérogénéité clinique de la méta-analyse était importante : le type de sulfamidé hypoglycémiant différait d’une étude à l’autre ; les participants de 4 études prenaient de la metformine en plus d’un sulfamidé hypoglycémiant, et ceux de 2 autres études de l’insuline ; différents inhibiteurs de la DPP-4 à différentes doses ont été examinés. Une analyse de sous-groupe n’a pas pu montrer de différence quant au risque d’hypoglycémie entre une dose élevée et une dose faible. Mais, dans le groupe recevant une dose faible, le risque n’était plus statistiquement significatif, probablement en raison d’un manque de puissance. Dans 9 des 10 études, la durée du suivi était ≤ 6 mois. Afin de calculer le nombre nécessaire pour nuire (NNH, alias NNN) pour l’hypoglycémie à long terme, les auteurs ont donc utilisé le risque de base d’hypoglycémie d’une autre méta-analyse, laquelle comptait toutefois aussi des sulfamidés hypoglycémiants de première génération (comme le tolbutamide) (7). Malgré cette limitation et malgré l’importante hétérogénéité clinique dans la méta-analyse actuelle (8), le NNH calculé pour l’hypoglycémie est de 17 (avec IC à 95% de 11 à 30) pour une durée de traitement de 6 mois ou moins, de 15 (avec IC à 95% de 9 à 26) pour une durée de traitement de 6,1 mois à 12 mois et de 8 (avec IC à 95% de 5 à 15) pour une durée de traitement supérieure à 1 an, avec l’association des inhibiteurs de la DPP-4 et des sulfamidés hypoglycémiants.
Conclusion
Cette synthèse méthodique avec méta-analyse montre que, chez les patients atteints d’un diabète de type 2, si un inhibiteur de la DPP-4 est associé à un sulfamidé hypoglycémiant, le risque d’hypoglycémie augmente de 50%. Il faut en tenir compte lorsqu’on ajoute un inhibiteur de la DPP-4 à un traitement par metformine + sulfamidé hypoglycémiant (9) ou à un traitement par sulfamidé hypoglycémiant seul si la metformine ne peut pas être utilisée.
Références
- Chevalier P. Diabète de type 2 mal équilibré : ajouter un inhibiteur de la DPP-4 ? MinervaF 2011;10(6):73-4.
- Esposito K, Cozzolino D, Bellastella G, et al. Dipeptydil peptidase-4 inhibitors and HbA1c target of <7% in type 2 diabetes: meta-analysis of randomized controlled trials. Diabetes Obes Metab 2011;13:594-603. DOI: 10.1111/j.1463-1326.2011.01380.x
- Karagiannis T, Paschos P, Paletas K, et al. Dipeptidyl peptidase-4 inhibitors for treatment of type 2 diabetes mellitus in the clinical setting: systematic review and meta-analysis. BMJ 2012;344:e1369. DOI: 10.1136/bmj.e1369
- Richter B, Bandeira-Echtler E, Bergerhoff K, Lerch CL. Dipeptidyl peptidase-4 (DPP-4) inhibitors for type 2 diabetes mellitus. Cochrane Database Syst Rev 2008, Issue 2. DOI: 10.1002/14651858.CD006739.pub2
- Salvo F, Moore N, Arnaud M, et al. Addition of dipeptidyl peptidase-4 inhibitors to sulphonylureas and risk of hypoglycaemia: systematic review and meta-analysis. BMJ 2016;353:i2231. DOI: 10.1136/bmj.i2231
- Higgins JP, Altman DG, Gøtzsche PC, et al. Cochrane Bias Methods Group Cochrane Statistical Methods Group. The Cochrane Collaboration’s tool for assessing risk of bias in randomised trials. BMJ 2011;343:d5928. DOI: 10.1136/bmj.d5928
- Hemmingsen B, Schroll JB, Lund SS, et al. Sulphonylurea monotherapy for patients with type 2 diabetes mellitus. Cochrane Database Syst Rev 2013, Issue 4. DOI: 10.1002/14651858.CD009008.pub2
- Michiels B. Quid du NNH (Number Needed to Harm) sur la base d’une méta-analyse ? MinervaF 2016;15(8):210-1.
- Chevalier P. Diabète mal équilibré sous metformine + sulfonylurée : qu’y ajouter ? Minerva bref 28/09/2011.
Auteurs
Wens J.
Vakgroep FAMPOP (Family Medicine and Population Health), Universiteit Antwerpen
COI :
Glossaire
Code
Ajoutez un commentaire
Commentaires