Analyse


Crise de colique néphrétique : y a-t-il une place pour les traitements non opioïdes (principalement spasmolytiques) face aux anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ?


15 11 2016

Professions de santé

Analyse de
Afshar K, Jafari S, Marks AJ, et al. Nonsteroidal anti-inflammatory drugs (NSAIDs) and non-opioids for acute renal colic. Cochrane Database Syst Rev 2015, Issue 6. DOI: 10.1002/14651858.CD006027.pub2


Conclusion
Cette synthèse méthodique avec méta-analyses de la Cochrane Collaboration, de bonne qualité méthodologique, renforce la conviction des auteurs de la supériorité des AINS comme traitement de premier choix de la crise de colique néphrétique chez l’adulte, avec un effet bénéfique marginal des spasmolytiques en traitement combiné uniquement. En cas de contre-indication des AINS, il faudra privilégier les alternatives thérapeutiques (opioïdes, spasmolytiques et/ou paracétamol). Enfin, on signalera encore que la question de la voie d’administration préférentielle des AINS n’est pas encore tranchée et devrait faire l’objet d’études ultérieures.


 

La lithiase urinaire est une pathologie fréquente et récidivante : selon certaines sources, 10% de la population belge en souffrirait chaque année (1). Une complication fréquente de cette maladie est la migration d’un calcul dans l’uretère, ce qui provoque des douleurs souvent très intenses (colique néphrétique) qui nécessitent une prise en charge antalgique urgente.

A ce sujet, en 2006, Minerva (2) commentait une synthèse méthodique avec méta-analyse (3) qui comparait l’efficacité des opioïdes (péthidine à dose fixe en majorité) versus AINS dans le traitement de la colique néphrétique aiguë chez l’adulte avec une efficacité supérieure des AINS sur le plan statistique mais pas en termes de pertinence clinique. Sur la période d’observation limitée à 24 heures, moins d'effets indésirables aigus (nausées, vomissements,…) étaient rapportés avec les AINS versus opioïdes.  Nous proposions une utilisation préférentielle des AINS en pratique générale, sauf contre-indications (grossesse, insuffisance rénale chronique, prise d’antagoniste de la vitamine K, hémorragie évolutive, ulcère non traité).

En 2016, une large étude contrôlée, randomisée, en double aveugle incluant 1645 participants pris en charge dans un service d’urgence est venue appuyer cette conclusion d’une supériorité des AINS sur les opioïdes (morphine) en termes d’efficacité et de tolérance (4).

 

En 2015, une autre synthèse méthodique avec méta-analyses de la Cochrane Collaboration (5) a été publiée dans le but de comparer les AINS (diclofénac, indométacine et métamizole principalement) à différentes approches thérapeutiques « non opioïdes », comprenant entres autres les spasmolytiques (seuls ou en association) ou le paracétamol.

50 études randomisées ou quasi-randomisées ont été retenues. 33/50 présentaient des méthodes de randomisation peu claires, le secret d’attribution était documenté correctement pour seulement 10/50 études, 7 n’étaient pas en insu et 6 ne décrivaient pas clairement l’insu. L’hétérogénéité entre les études était importante. 4483 patients adultes avec un diagnostic clinique de colique néphrétique secondaire à une lithiase urinaire ont été inclus pour les analyses.

Les critères de jugement primaires retenus étaient au nombre de quatre : i) réduction de la douleur évaluée sur une échelle visuelle analogique d’auto-évaluation de la douleur, ii) réduction de la douleur de 50% endéans la première heure de traitement, iii) nécessité d’un traitement antalgique d’urgence, et iv) récurrence de la douleur.

  •  Au total, les AINS réduisaient significativement plus la douleur versus spasmolytiques seuls : DM de -12,97 (avec IC à 95% de -21,8 à -4,14 ; I2 = 74%) (N = 5 ; n = 303) ; la bithérapie AINS-spasmolytiques réduisait la douleur sur base du score VAS de façon statistiquement significative : DM de -1,99 (avec IC à 95% de -2,58 à -1,40 ; I2 = 0%) (N = 2 ; n = 310), ce qui ne correspond pas à une réduction de la douleur cliniquement pertinente.
  • Pour la réduction de la douleur de 50% endéans la première heure de traitement : versus placebo, les AINS étaient plus efficaces : RR de 2,28 (avec IC à 95% de 1,47 à 3,51 ; I2 = 15%) (N = 3 ; n = 197) et l’indométacine était significativement moins efficace que les autre AINS (N = 4 ; n = 4 12) ; les AINS étaient significativement plus efficaces que l’hyoscine (alias scopolamine) : RR de 2,44 (avec IC à 95% de 1,61 à 3,70) (N = 5 ; n = 196) ; l’association d’un AINS à un spasmolytique n’était pas plus efficace qu’un AINS seul.
  • Pour le recours à une médication d’urgence : les patients sous AINS ont significativement moins eu recours à une autre médication que ceux recevant un placebo : RR de 0,35 avec IC à 95% de 0,20 à 0,60 ; I2 = 59%) (N = 4 ; n = 180) ainsi que ceux recevant un spasmolytique : RR de 0,34 avec IC à 95% de 0,14 à 0,84 ; I2 = 65%) (N = 4 ; n = 299) ; l’association AINS-spasmolytique n’a pas été plus efficace que les AINS seuls (N = 7 ; n = 589).
  • La récurrence de la douleur à 24 heures a été fort peu documentée et aucune conclusion n’est possible.
  • Pour mémoire, les données d’utilisation du paracétamol versus AINS sont peu nombreuses et donc difficilement interprétables.
  • Enfin, les effets indésirables n’ont pas été enregistrés de façon rigoureuse ; cependant, aucun effet indésirable grave n’a été reporté.

 

Le métamizole à haute dose (2 g) n’a été plus efficace versus diclofénac IM que dans une étude datant de 1995. À noter que cette molécule est classée dans cette synthèse méthodique comme AINS, ce qui n’est pas le cas pour le CBIP (6). Agranulocytose ou anémie aplastique, crise de porphyrie, réaction allergique grave (jusqu’au choc anaphylactique) et syndrome de Lyell sont des effets indésirables graves associés au métamizole, même si leurs incidences respectives sont faibles.

Comme facteurs de limitation de l’analyse, les auteurs insistent sur la difficulté de l’exercice, liée à l’hétérogénéité des études (critères d’inclusion, type de traitement, échelle d’évaluation, interprétation des résultats). Les informations concernant les effets indésirables des AINS à court et moyen terme sont limitées, notamment en termes de risque d’hémorragie digestive ou d’insuffisance rénale aiguë.

 

Conclusion

Cette synthèse méthodique avec méta-analyses de la Cochrane Collaboration, de bonne qualité méthodologique, renforce la conviction des auteurs de la supériorité des AINS comme traitement de premier choix de la crise de colique néphrétique chez l’adulte, avec un effet bénéfique marginal des spasmolytiques en traitement combiné uniquement. En cas de contre-indication des AINS, il faudra privilégier les alternatives thérapeutiques (opioïdes, spasmolytiques et/ou paracétamol). Enfin, on signalera encore que la question de la voie d’administration préférentielle des AINS n’est pas encore tranchée et devrait faire l’objet d’études ultérieures.

 

 

Spécialités

  • butylhyoscine: Buscopan®
  • diclofenac: Cataflam®, Diclofenac Apotex®, Diclofenac EG®, Diclofenac Mylan®, Diclofenac Sandoz®, Diclofenac Teva®, Motifene®, Voltaren®
  • indometacine: Dolcidium®
  • métamizole = Novalgine®

  

Références 

  1. Castiglione V, Jouret F, Bruyère O, et al. [Epidemiology of urolithiasis in Belgium on the basis of a morpho-constitutional classification.] [Article in French] Nephrol Ther 2015;11:42-9. DOI: 10.1016/j.nephro.2014.08.003
  2. Chevalier P. Opioïdes ou AINS dans la colique néphrétique ? MinervaF 2006;5(3):47-8.
  3. Holdgate A, Pollock T. Systematic review of the relative efficacy of non-steroidal anti-inflammatory drugs and opioids in the treatment of acute renal colic. BMJ 2004;328:1401. DOI10.1136/bmj.38119.581991.55
  4. Pathan SA, Mitra B, Straney LD et al. Delivering safe and effective analgesia for management of renal colic in the emergency department: a double-blind, multigroup, randomised controlled trial. Lancet 2016;387:1999-2007. DOI: 10.1016/S0140-6736(16)00652-8
  5. Afshar K, Jafari S, Marks AJ, et al. Nonsteroidal anti-inflammatory drugs (NSAIDs) and non-opioids for acute renal colic. Cochrane Database Syst Rev 2015, Issue 6. DOI: 10.1002/14651858.CD006027.pub2
  6. Approche médicamenteuse de la fièvre et de la douleur. Métamizole. Répertoire commenté des médicaments. CBIP 2016.

 

 




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Commentaires

Dr. Frank Heyvaert 18/11/2016 10:38

Op spoeddiensten wordt als NSAID voor deze indicatie TARADYL IV gebruikt en niet de merken die u hierboven vermeldt. Zelf ben ik (huisarts) onlangs op de spoeddienst van het UZA geweest met ureterkoliek. Effect van Taradyl: nul komma nul, Contramal idem dito. Uiteindelijk alleen effect met Dipidolor. Is natuurlijk maar één ervaring.

Réaction de la rédaction
Kétorolac est un dérivé arylacétique avec les mêmes indications que les dérivés arylacétiques classiques (diclofénac). Une indication n’est aussi qu’une indication et ne donne aucune certitude qu'un médicament répondra aux attentes lorsqu'il est utilisé dans cette indication. Si tel était le cas, alors nous devrions avoir dans chaque cas un NST (alias NNT) de 1 avec un intervalle de confiance négligeable. – Marc Lemiengre