Analyse
Anomalie au frottis de Papanicolaou (CIN 2) : attentisme ou traiter tout de suite ?
La plupart des anomalies découvertes au frottis de Papanicolaou lors du dépistage du cancer du col de l’utérus sont liées à des infections transitoires par le HPV (1,2). Les dysplasies modérées et graves, c’est-à-dire les néoplasies cervicales intraépithéliales (CIN) respectivement de grade 2 et de grade 3, sont classées par l’OMS comme lésions malpighiennes intra-épithéliales de haut grade (high-grade squamous intraepithelial lesion, HSIL) (3). Après confirmation par colposcopie et biopsie, ces lésions doivent, sans distinction, être immédiatement adressées à un spécialiste pour la suite du traitement (4). L’excision locale de la partie affectée du col de l’utérus est efficace, mais entraîne un risque accru de fausses-couches, d’accouchements prématurés et de mortalité périnatale, chez des patientes qui souhaitent encore devenir enceintes après l’intervention (5). L’incidence des CIN 2 et des CIN 3 est la plus élevée chez les jeunes femmes entre 25 et 29 ans, à savoir 8,1 par 1000 femmes par an (6). En absence de traitement, contrairement au CIN 3, l’évolution naturelle des anomalies CIN 2 est moins claire. Plusieurs études de cohorte prospectives ont montré que 40 à 60% des lésions CIN 2 régressent spontanément (7,8). La confirmation de ces résultats pourrait justifier l’attentisme en cas de lésions CIN 2.
En 2018, une synthèse méthodique (9) a été publiée. Elle a sélectionné 36 études avec inclusion de 3610 femmes qui n’étaient pas enceintes et présentaient des lésions CIN 2 qui n’ont pas été traitées immédiatement, mais ont été suivies durant 3 à 60 mois. Une recherche étendue dans la littérature, l’extraction des données et la détection d’un biais (avec la version adaptée de l’outil de la Cochrane Collaboration « Risque de biais ») ont été effectuées par deux chercheurs indépendants. La moitié des études présentaient un risque de biais élevé, surtout suite aux pertes de suivi et à l’incertitude concernant le diagnostic histologique des lésions CIN durant le suivi. En raison d’une importante hétérogénéité entre les études, les résultats des différentes études ont été sommés selon le modèle d’effets aléatoires. L’importante hétérogénéité était due aux différentes conceptions d’étude (7 études randomisées contrôlées, 16 études de cohorte prospectives et 13 études de cohorte rétrospectives), aux critères d’inclusion et d’exclusion et aux protocoles de suivi. Différentes analyses de sous-groupes et analyses de sensibilité ont été effectuées, mais elles n’ont pas influencé les principaux résultats. Après 24 mois, 50% (IC à 95% de 43% à 57%) des lésions CIN 2 avaient régressé (N = 11 études avec I² = 77%), 32% (IC à 95% de 23% à 42%) ne s’étaient pas modifiées, (N = 8 études avec I² = 82%) et 18% (IC à 95% de 11% à 27%) avaient progressé (N = 9 études avec I² = 90%). Dans une analyse de sous-groupe avec des femmes de moins de 30 ans, la probabilité de régression était encore plus élevée (60% avec IC à 95% de 57% à 63% ; N = 4 études avec I² = 0%), et la probabilité de progression était encore plus faible (11% avec IC à 95% de 5% à 19% ; N = 3 études avec I² = 67%). Il est également important de constater que l’on n’a que peu observé de progression (3 à 5%) chez les femmes qui, lors de l’inclusion, étaient négatives pour le risque élevé de HPV/ HPV16-18. Seulement 13 parmi les plus de 3000 femmes incluses (soit 0,4%) ont développé un cancer invasif de bas grade, et, chez 2 femmes (soit 0,06%), un cancer invasif à un stade plus avancé a été constaté. La probabilité paraissait s’élever en fonction de l’âge des participantes ou de la durée du suivi. Il faut mentionner que, selon les estimations, moins de 10% des femmes incluses dans les études prospectives n’ont pas participé aux entretiens prévus durant le suivi de 6 à 24 mois.
Conclusion
Les auteurs de cette synthèse méthodique avec méta-analyse, de méthodologie correcte, concluent que la plupart des lésions CIN 2 régressent spontanément, surtout chez les femmes qui ont moins de 30 ans. Un suivi actif (au lieu d’un traitement immédiat) se justifie donc chez les femmes atteintes d’une lésion CIN 2, en particulier si elles sont jeunes et si elles se rendent bien aux entretiens de suivi.
Pour la pratique
Les guides de pratique actuels recommandent d’adresser les femmes à un spécialiste pour une colposcopie et une biopsie en cas d’anomalie au frottis de Papanicolaou avec lésions malpighiennes intra-épithéliales de haut grade (high-grade squamous intraepithelial lesion, HSIL) (4). Les résultats de la synthèse méthodique avec méta-analyse discutée plus haut permettent de proposer l’attentisme après confirmation histologique d’une lésion CIN 2, surtout chez les jeunes femmes qui souhaitent devenir enceintes. Cette décision doit se prendre en étroite concertation avec le gynécologue et l’anatomopathologiste. La préférence de la patiente est évidemment aussi très importante. Certaines femmes préféreront quand même un traitement immédiat. On ne sait toutefois pas encore combien de temps on peut attendre avant de traiter. A l’avenir, d’autres biomarqueurs auront peut-être un rôle dans la prédiction de la progression des lésions CIN 2.
- Joly L. Espacer à plus de 5 ans les dépistages du cancer du col utérin grâce au test HPV ? Minerva bref 15/09/2017.
- Dijkstra MG, van Zummeren M, Rozendaal L, et al. Safety of extending screening intervals beyond five years in cervical screening programmes with testing for high risk human papillomavirus : 14 year follow-up of population based randomised cohort in the Netherlands. BMJ 2016;355:i4924. DOI: 10.1136/bmj.i4924
- Kurman RJ, Carcangiu ML, Herrington CS, Young RH. WHO Classification of tumours of female reproductive organs. Lyon: International Agency for Research on Cancer, 2014.
- Smeets F, Verhoeven V, Baay M, et al. Cervixkankerscreening. Domus Medica 2011. EBPracticenet 1/04/2011. (texte uniquement en néerlandais)
- Arbyn M, Kyrgiou M, Simoens C, et al. Perinatal mortality and other severe adverse pregnancy outcomes associated with treatment of cervical intraepithelial neoplasia: meta-analysis. BMJ 2008;337:a1284. DOI: 10.1136/bmj.a1284
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- Moscicki AB, Ma Y, Wibbelsman C, et al. Rate of and risks for regression of cervical intraepithelial neoplasia 2 in adolescents and young women. Obstet Gynecol 2010;116:1373-80. DOI: 10.1097/AOG.0b013e3181fe777f
- Tainio K, Athanasiou A, Tikkinen KA, et al. Clinical course of untreated cervical intraepithelial neoplasia grade 2 under active surveillance: systematic review and meta-analysis. BMJ 2018;360:k499. DOI: 10.1136/bmj.k499
Auteurs
Verhoeven V.
Vakgroep eerstelijns- en interdisciplinaire zorg, Universiteit Antwerpen
COI :
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