Analyse
Efficacité et sécurité du vaccin contre la coqueluche administré pendant la grossesse
17 12 2018
Professions de santé
Infirmier, Médecin généraliste, Pharmacien, Sage-femme
L’efficacité du vaccin anticoquelucheux acellulaire, administré tant chez les nourrissons que chez les adolescents et les adultes, a déjà fait l’objet d’une discussion dans Minerva (1-6). Chez les nourrissons, ce n’est qu’après une troisième dose que l’efficacité de ce vaccin est de 83,5% (avec IC à 95 % de 79,1 % à 87,0 %), et, après 3 ans, l’efficacité diminue fortement à 59,2 % (avec IC à 95 % de 51,0 % à 66,0 %). L’efficacité est également de courte durée chez les adolescents et les adultes. De ce fait, la coqueluche n’a pas disparu, mais est plutôt en progression. Ce sont surtout les petits nourrissons (âgés de moins de 2 mois) qui sont très sensibles aux complications graves en cas de coqueluche. La coqueluche est due à une bactérie appelée Bordetella pertussis, qui circule principalement parmi les jeunes adultes. Pour éviter la transmission de cette bactérie, il est dès lors recommandé de vacciner les adultes qui sont en contact étroit avec des nourrissons : c’est la stratégie du « cocooning ».
Cette dernière n’est toutefois pas suffisamment concluante, et est difficile à mettre en œuvre. Il semble logique de vacciner directement les mères enceintes, à la fin de leur grossesse, leurs anticorps étant alors transmis au bébé à naître. Gkentzi et al. ont récemment effectué une synthèse méthodique sur ce sujet (7). 47 études publiées en anglais ont été retenues après une recherche dans MEDLINE, EMBASE, Scopus et la Cochrane Library de janvier 2011 à mai 2016. On a sélectionné des études d’intervention et des études d’observation qui portaient sur l’immunogénicité, le degré de couverture, l’efficacité et la sécurité d’emploi de la vaccination de la femme enceinte contre la coqueluche. La vaccination de la mère enceinte avec Boostrix® au cours du troisième trimestre de la grossesse, mais avant 32 semaines, a entraîné une nette augmentation des anticorps, tant chez la mère que chez le nourrisson âgé de 2 mois. Il y a cependant lieu de s’inquiéter car après la vaccination, on observe chez l’enfant une forme de suppression de la réaction immunitaire si les anticorps maternels sont encore présents à un taux élevé. Mais on en ignore encore la signification clinique, à savoir la prédisposition à développer la coqueluche. Différentes études ont cherché à connaître le moment idéal pour vacciner la future mère : pas trop tôt à cause du risque de protection insuffisante du nouveau-né en raison d’un taux d’anticorps trop faible à la naissance, et pas trop tard de manière à protéger adéquatement aussi les enfants prématurés. Au début, on visait entre 28 et 32 semaines (8). Des études plus récentes indiquent que, même dès la 13e semaine, de bonnes réactions immunitaires chez la mère et chez l’enfant sont observées.
Aucune augmentation des effets indésirables, tels que la mortinatalité, la prématurité ou des malformations du fœtus, n’a été montrée, principalement dans les études d’observation, même en cas de vaccination précoce au cours de la grossesse (premier trimestre). Plusieurs vaccinations lors de grossesses successives ne montrent pas non plus d’inconvénients mesurables.
L’efficacité du vaccin anticoquelucheux a été mesurée au Royaume-Uni. En octobre 2012, après avoir constaté que la coqueluche était en circulation, la vaccination des femmes enceintes entre 28 et 38 semaines de grossesse a débuté (9). On a pu ainsi constater une réduction de 78% (avec IC à 95 % de 72 à 83%) et de 68% (avec IC à 95% de 61 à 74%) respectivement des cas de coqueluche et d’hospitalisations chez les nouveau-nés âgés de moins de 3 mois, avec une efficacité encore plus importante chez les nouveau-nés âgés de moins de 2 mois (90% avec IC à 95% de 82 à 95%).
Conclusion
Il existe suffisamment de preuves concernant l’efficacité et la sécurité d’emploi du vaccin contre la coqueluche pour recommander la vaccination chez la mère enceinte (en même temps que contre le tétanos et la diphtérie) entre la 24ème et 32ème semaine.
Pour la pratique
En Belgique, le Conseil Supérieur de la Santé (8) préconise de vacciner les mères enceintes avec Boostrix® entre la 24èmeet la 32ème semaine de grossesse, que la femme ait ou non reçu une injection de rappel par le passé. Il n’y a pas encore d’avis concernant l’administration simultanée du vaccin contre la grippe (10,11). Si la vaccination n’est pas administrée au cours de la grossesse, elle sera administrée à la mère dès que possible après l’accouchement, dans le cadre de la stratégie du « cocooning ».
- Michiels B. Durée de la protection d’un vaccin anticoquelucheux acellulaire chez les enfants. Minerva bref 15/03/2015.
- Quinn HE, Snelling TL, Macartney KK, McIntyre PB. Duration of protection after first dose of acellular pertussis vaccine in infants. Pediatrics 2014;133:e513-9. DOI: 10.1542/peds.2013-3181
- Michiels B. Efficacité de la vaccination contre la coqueluche chez les adolescents et les adultes. MinervaF 2014;13(6):71-2.
- Baxter R, Bartlett J, Rowhani-Rahbar A, et al. Effectiveness of pertussis vaccines for adolescents and adults: case-control study. BMJ 2013;347:f4249. DOI: 10.1136/bmj.f4249
- Michiels B. Vaccin anticoquelucheux pour les adolescents et les adultes. MinervaF 2006;5(10):158-60.
- Ward JI, Cherry JD, Chang SJ, et al. Efficacy of an acellular pertussis vaccine among adolescents and adults. N Engl J Med 2005;353:1555-63. DOI: 10.1056/NEJMoa050824
- Gkentzi D, Katsakiori P, Marangos M, et al. Maternal vaccination against pertussis: a systematic review of the recent literature. Arch Dis Child Fetal Neonatal Ed 2017;102:F456-F463. DOI: 10.1136/archdischild-2016-312341
- Conseil Supérieur de la Santé. Avis 9110. Vaccination anticoquelucheuse (avril 2014). (CSS 9110)
- Amirthalingam G, Andrews N, Campbell H, et al. Effectiveness of maternal pertussis vaccination in England: an observational study. Lancet 2014;384:1521-8. DOI: 10.1016/S0140-6736(14)60686-3
- Michiels B. Vaccination contre l’influenza durant la grossesse. MinervaF 2009;8(8):108-9.
- Zaman K, Roy E, Arifeen SE, et al. Effectiveness of maternal influenza immunization in mothers and infants. N Engl J Med 2008;359:1555-64. DOI: 10.1056/NEJMoa0708630
Auteurs
Michiels B.
Vakgroep Eerstelijns- en Interdisciplinaire Zorg, Centrum voor Huisartsgeneeskunde, Universiteit Antwerpen
COI :
Glossaire
efficacité cliniqueCode
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Commentaires
la rédaction de Minerva 25/01/2019 10:59