Analyse


Traitement initial de l’hypertension : l’ultime recherche


15 03 2019

Professions de santé

Médecin généraliste, Pharmacien
Analyse de
Wright JM, Musini VM, Gill R. First-line drugs for hypertension. Cochrane Database Syst Rev 2018, Issue 4. DOI: 10.1002/14651858.CD001841.pub3


Conclusion
Cette synthèse méthodique avec méta-analyses d’études contrôlées versus placebo et versus absence de traitement chez des patients présentant une hypertension artérielle non compliquée confirme encore une fois le haut niveau de preuve pour l’utilité d’un diurétique thiazidique à faible dose dans le cadre de la prévention cardiovasculaire primaire. Des études comparatives futures portant sur des antihypertenseurs sans diurétiques à faible dose dans un des bras d’étude ne se justifient plus.


Que disent les guides de pratique clinique ?
Chez les patients hypertendus sans comorbidité, le premier choix est un diurétique thiazidique à faible dose. Comme deuxième option ou en association avec un diurétique, on recommande les bêta-bloquants, les IECA/sartans ou un antagoniste du calcium (GRADE 1A). Cette recommandation est encore une fois confirmée par une récente synthèse méthodique avec méta-analyses de la Cochrane. En Belgique, le médecin généraliste ne dispose que de la chlorthalidone (25 mg/jour) et de l’indapamide (2,5 mg/jour) en monodose.



Il y a quinze ans, la méta-analyse en réseau de Psaty avait apporté suffisamment de preuves pour recommander les diurétiques comme traitement de premier choix dans l’hypertension non compliquée (1,2). En 2009, une synthèse méthodique Cochrane avait rassemblé toutes les études randomisées contrôlées qui comparaient un traitement médicamenteux à un placebo ou l’absence de traitement dans l’hypertension non compliquée (3). Ici aussi, nous pouvions tirer comme conclusion que les thiazidiques restaient le premier choix pour le traitement initial et qu’une faible dose devait être privilégiée (4). En 2015, une synthèse méthodique Cochrane avait sélectionné 42 études qui comparaient l’efficacité de cinq classes différentes d’antihypertenseurs (études comparatives, donc pas des études contrôlées versus placebo) (5,6). Là également, on était arrivé à la même conclusion : les thiazidiques à faible dose restaient le premier choix pour le traitement initial de l’hypertension non compliquée. Comme traitement initial, les inhibiteurs du système rénine-angiotensine (ISRA) se sont avérés moins puissants que les thiazidiques pour prévenir l’insuffisance cardiaque et les AVC fatals et non fatals (5,6).

 

Les mêmes auteurs qu’il y a dix ans ont récemment publié une mise à jour de leur méta-analyse sur la base d’études contrôlées versus placebo ou absence de traitement (7). Il s’agira probablement de la dernière méta-analyse pouvant reposer sur de telles bases de données car, pour des raisons éthiques, les études contrôlées versus placebo portant sur le traitement de l’hypertension ne seront plus autorisées. Désormais, seules des études comparant les traitements entre eux nous permettront encore d’acquérir des connaissances.

L’étude rassemble tous les essais contrôlés jusqu’à novembre 2017 avec au moins une année de suivi chez des patients adultes qui souffraient d’hypertension artérielle non compliquée atteignant au moins 140/90 mmHg au départ. Finalement, il s’avère que 73% des patients ne présentaient pas de comorbidité, ce qui fait que les résultats ne sont pertinents que pour ce groupe. 24 études regroupant 58040 patients ont été sélectionnées, l’âge moyen des participants étant de 56 ans, la tension artérielle moyenne à l’inclusion étant de 168/94 mmHg et la durée moyenne du suivi variant de 3 à 5 ans. Aucune étude contrôlée versus placebo avec des alpha-bloquants ou des antagonistes de l’angiotensine II n’a été trouvée. Il existe un biais limité en ce qui concerne l’insu (principalement pour les mesures de la tension artérielle) et les données manquantes. Il a été montré, avec une preuve de qualité élevée, qu’un traitement initial consistant en une faible dose de thiazidiques entraînait une réduction significative de la mortalité totale (RR de 0,89 avec IC à 95% de 0,82 à 0,97), du risque d’AVC (RR de 0,68 avec IC à 95% de 0,60 à 0,77), de coronaropathie (RR de 0,72 avec IC à 95% de 0,61 à 0,84) et d’événements cardiovasculaires (RR de 0,70 avec IC à 95% de 0,64 à 0,76). On obtient une diminution moyenne de la pression systolique de -12,56 mmHg (avec IC à 95% de -13,22 à -11,91 mmHg) et une diminution moyenne de la pression diastolique de -4,73 mmHg (avec IC à 95% de -5,12 à -4,34). Étant donné l’importante hétérogénéité clinique dans la méthode de mesure, cela n’est pas non plus un reflet précis de la diminution finale de la tension artérielle.

Parmi les 7 études dans lesquelles ont été instaurés des thiazidiques à faible dose chez des patients présentant une hypertension artérielle modérée à grave (pression systolique de 175 mmHg au départ) dans le cadre de la prévention primaire des événements cardiovasculaires (taux d’événements de 15% dans le groupe placebo), le nombre de sujets à traiter (NNT) était d’environ 20 pendant une période de 5 ans. Par contre, dans 5 études auprès de patients présentant une hypertension légère à modérée (pression systolique de 160 mmHg au départ et taux d’événements de seulement 4% dans le groupe placebo), le NNT était de 120. Le clinicien doit certainement tenir compte de ce faible effet thérapeutique absolu en cas d’hypertension artérielle légère à modérée.

Les thiazidiques à dose élevée, les bêta-bloquants (principalement l’aténolol) et les inhibiteurs calciques ne réduisent pas la mortalité totale et le risque de mortalité coronaire mais réduisent néanmoins de manière statistiquement significative le risque d’AVC et d’événements cardiovasculaires (preuve de qualité faible à moyenne). Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA) réduisent la mortalité totale (RR de 0,83 avec IC à 95% de 0,72 à 0,95), ainsi que le risque d’AVC (RR de 0,65 avec IC à 95% de 0,52 à 0,82), de coronaropathie (RR de 0,81 avec IC à 95% de 0,70 à 0,94) et de l’ensemble des événements cardiovasculaires (RR de 0,76 avec IC à 95% de 0,67 à 0,85). Il convient de signaler qu’ici, la qualité de la preuve est moyenne et même faible pour la diminution du risque d’AVC en raison de l’étendue de l’intervalle de confiance.

 

Conclusion

Cette synthèse méthodique avec méta-analyses d’études contrôlées versus placebo et versus absence de traitement chez des patients présentant une hypertension artérielle non compliquée confirme encore une fois le haut niveau de preuve pour l’utilité d’un diurétique thiazidique à faible dose dans le cadre de la prévention cardiovasculaire primaire. Des études comparatives futures portant sur des antihypertenseurs sans diurétiques à faible dose dans un des bras d’étude ne se justifient plus.

 

Pour la pratique

Chez les patients hypertendus sans comorbidité, le premier choix est un diurétique thiazidique à faible dose (8). Comme deuxième option ou en association avec un diurétique, on recommande les bêta-bloquants, les IECA/sartans ou un antagoniste du calcium (GRADE 1A). Cette recommandation est encore une fois confirmée par une récente synthèse méthodique avec méta-analyses de la Cochrane. En Belgique, le médecin généraliste ne dispose que de la chlorthalidone (25 mg/jour) et de l’indapamide (2,5 mg/jour) en monodose.

 

 

Références  

  1. De Cort P. Les diurétiques restent le premier choix pour traiter l'hypertension artérielle non compliquée. MinervaF 2004;3(3):47-9.
  2. Psaty BM, Lumley T, Furberg CD, et al. Health outcomes associated with various antihypertensive therapies used as first-line agents. A network meta-analysis. JAMA 2003;289:2534-43. DOI: 10.1001/jama.289.19.2534
  3. Wright JM, Musini VM. First-line drugs for hypertension Cochrane Database Syst Rev 2009, Issue 3. DOI: 10.1002/14651858.CD001841.pub2
  4. De Cort P. Hypertension non compliquée : les thiazides à faible dose restent un premier choix. Minerva bref 27/05/2010.
  5. De Cort P. Traitement antihypertenseur de première intention : du nouveau ? Minerva bref 15/10/2015.
  6. Xue H, Lu Z, Tang WL, et al. First-line drugs inhibiting the renin angiotensin system versus other first-line antihypertensive drug classes for hypertension. Cochrane Database Syst Rev 2015, Issue 1. DOI: 10.1002/14651858.CD008170.pub2
  7. Wright JM, Musini VM, Gill R. First-line drugs for hypertension. Cochrane Database Syst Rev 2018, Issue 4. DOI: 10.1002/14651858.CD001841.pub3
  8. De Cort P, Christiaens T, Philips H, et al. Hypertension (Révision). SSMG 2009. Ou : Hypertension. Ebpracticenet 1/11/2009.



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