Analyse


Y a-t-il une différence observée de la mortalité « toutes causes » entre les essais cliniques testant le traitement des patients diabétiques de type 2 par une gliflozine, un incrétinomimétique ou une gliptine ?


01 06 2019

Professions de santé

Médecin généraliste, Pharmacien
Analyse de
Zheng SL, Roddick AJ, Aghar-Jaffar R, et al. Association between use of sodium-glucose cotransporter 2 inhibitors, glucagon-like peptide 1 agonists, and dipeptidyl peptidase 4 inhibitors with all-cause mortality in patients with type 2 diabetes: a systematic review and meta-analysis. JAMA 2018;319:1580-91. DOI: 10.1001/jama.2018.3024


Conclusion
Cette synthèse méthodique avec méta-analyse en réseau de bonne qualité méthodologique comparant 3 classes d’antidiabétiques oraux montre que l’utilisation des inhibiteurs de la SGLT-2 (gliflozines) et des analogues du GLP-1 (incrétinomimétiques) est associée à moins de mortalité « de toute cause » par rapport à l’utilisation des inhibiteurs de la DPP-4 (gliptines) ou du placebo ou de l’abstention de traitement.


Que disent les guides de pratique clinique ?
Les recommandations actuelles de NICE et de Domus Medica rappellent que le prescripteur n’introduira une nouvelle molécule hypoglycémiante que sur une base individuelle raisonnée, tenant compte des comorbidités, de l’espérance de vie et du risque d’hypoglycémie, en ajustant individuellement la cible de l’HbA1c, sans oublier de contrôler les autres facteurs de risques que sont le tabagisme, l’hypertension artérielle et les dyslipidémies. Les conditions de prix et de remboursement, les effets indésirables potentiels seront évidemment pris en considération (GRADE 1C). Les résultats de cette synthèse méthodique avec méta-analyse confortent ces recommandations. Quand le contrôle glycémique est difficile à obtenir, mieux vaut choisir une stratégie n’incluant pas les gliptines dont les effets indésirables pèsent lourds en regard de l’absence d’avantage clinique tant sur la mortalité que sur les complications cardiovasculaires et d’un effet hypoglycémiant modeste.



Minerva consacre au suivi critique des preuves de l’innocuité cardiovasculaire des traitements hypoglycémiants du diabète de type 2 un espace significatif ; citons précisément 3 articles concernant les gliptines (inhibiteur de la dipeptidyl peptidase 4, alias DPP-4) (1,2), une gliflozine (inhibiteur du sodium-glucose co-transporteur 2, alias SGLT2) (3,4) et un incrétinomimétique (agoniste du récepteur du glucagon-like peptide - 1, alias GLP-1) (5,6).

Le domaine est complexe. On ne peut pas parler d’innocuité cardiovasculaire totale pour les trois classes : rappelons le signal d’excès d’amputations pour la canagliflozine (7) et l’excès de décompensations cardiaques pour la saxagliptine (8). Un effet cardiovasculaire (CV) bénéfique est généralement attribué aux gliflozines (via une amélioration de l’insuffisance cardiaque) (3,4) et aux incrétinomimétiques (5,6), mais cette dernière étude est d’interprétation difficile. De plus, s’il y a de bonnes raisons de penser qu’une intervention précoce sur la glycémie a un effet observable tardivement sur les événements CV (9), la relation causale résiduelle glycémie - maladies CV est vraisemblablement faible chez les patients diabétiques à haut risque CV (10).

 

Dans ce contexte, la présente synthèse méthodique pourrait apporter un nouvel éclairage (11).

La technique utilisée est celle de la méta-analyse en réseau (qui permet des comparaisons indirectes pour des molécules non directement comparées entre elles) (12), mathématiquement bayésienne, où les résultats - ici des « rapports de hasards » ou HR - sont donc présentés avec intervalles de crédibilité (ICr).

Cette synthèse méthodique intègre 236 essais totalisant 176310 patients, et rapporte en fait 6 méta-analyses, selon le critère de jugement étudié. En ce qui concerne la mortalité globale, les HR des gliptines comparées aux gliflozines et aux incrétinomimétiques sont de 1,28 (avec ICr à 95% de 1,11 à 1,47) et de 1,17 (avec ICr à 95% de 1,04 à 1,30), en défaveur des gliptines donc ; les gliptines ne diffèrent pas du placebo : HR de 1,02 (avec ICr à 95% de 0,94 à 1,11). Comparés entre eux, le HR gliflozines - incrétinomimétiques est de 0,91 (avec ICr à 95% de 0,79 à 1,04).

La qualité méthodologique de cette synthèse méthodique ne peut être mise en doute.

Cependant, sur le plan qualitatif, il n’y a pas d’information vraiment nouvelle. Sur 236 essais inclus, 9 sont construits pour étudier un critère de jugement primaire cardiovasculaire, et leurs résultats observés sont les déterminants de la mortalité globale de la synthèse méthodique, ces essais incluant 40 à 60% des patients de ladite revue, selon les molécules étudiées.

En second lieu, la validité des résultats quantitatifs ici présentés doit être mise en doute : les populations incluses sont différentes (poids, HbA1c, durée du diabète…) et les résultats observés diffèrent selon les sous-parties des composites étudiés.

 

Sans information nouvelle, le prescripteur doit rester conscient des enjeux du traitement du patient diabétique de type 2. Se concentrer sur la glycémie (via l’HbA1c) est une bonne idée pour prévenir la micro-angiopathie. Il est légitime de penser que cette attitude au début de la maladie est favorable à long terme sur la macro-angiopathie, mais attribuer un effet favorable sur la macro-angiopathie à certaines classes d’hypoglycémiants (leur attribuant donc un double effet) manque de nuances. L’hypoglycémie étant très vraisemblablement dangereuse chez les patients dont les comorbidités macrovasculaires sont présentes, leur utilisation doit être prudente (13).

 

Conclusion

Cette synthèse méthodique avec méta-analyse en réseau de bonne qualité méthodologique comparant 3 classes d’antidiabétiques oraux montre que l’utilisation des inhibiteurs de la SGLT-2 (gliflozines) et des analogues du GLP-1 (incrétinomimétiques) est associée à moins de mortalité « de toute cause » par rapport à l’utilisation des inhibiteurs de la DPP-4 (gliptines) ou du placebo ou de l’abstention de traitement.

 

Pour la pratique

Les recommandations actuelles de NICE (14) et de Domus Medica (15) rappellent que le prescripteur n’introduira une nouvelle molécule hypoglycémiante que sur une base individuelle raisonnée, tenant compte des comorbidités, de l’espérance de vie et du risque d’hypoglycémie, en ajustant individuellement la cible de l’HbA1c, sans oublier de contrôler les autres facteurs de risques que sont le tabagisme, l’hypertension artérielle et les dyslipidémies. Les conditions de prix et de remboursement, les effets indésirables potentiels seront évidemment pris en considération (GRADE 1C).

Les résultats de cette synthèse méthodique avec méta-analyse confortent ces recommandations. Quand le contrôle glycémique est difficile à obtenir, mieux vaut choisir une stratégie n’incluant pas les gliptines dont les effets indésirables pèsent lourds en regard de l’absence d’avantage clinique tant sur la mortalité que sur les complications cardiovasculaires et d’un effet hypoglycémiant modeste (16).

 

 

Références 

  1. Wens J. Les gliptines ont-elles un effet cardioprotecteur ? MinervaF 2013;12(2):21-2.
  2. Patil HR, Al Badarin FJ, AL Shami HA, et al. Meta-analysis of effect of dipeptidyl peptidase-4 inhibitors on cardiovascular risk in type 2 diabetes mellitus. Am J Cardiol 2012;111:826-33. DOI: 10.1016/j.amjcard.2012.04.061
  3. Wens J. Empagliflozine : quel effet sur la morbidité et la mortalité cardiovasculaires chez les patients atteints de diabète de type 2 ? MinervaF 2016;15(4):98-101.
  4. Zinman B, Wanner C, Lachin JM, et al; EMPA-REG OUTCOME Investigators. Empagliflozin, cardiovascular outcomes, and mortality in type 2 diabetes. N Engl J Med 2015;373:2117-28. DOI: 10.1056/NEJMoa1504720
  5. Vanhaeverbeek M. Le liraglutide est-il sans risque au plan cardiovasculaire dans le traitement du diabète de type 2, ou a-t-il même un effet cardioprotecteur ? Minerva bref 15/02/2017.
  6. Marso SP, Daniels GH, Brown-Frandsen K, et al. Liraglutide and cardiovascular outcomes in type 2 diabetes. N Engl J Med 2016;375:311-22. DOI: 10.1056/NEJMoa1603827
  7. Neal B, Perkovic V, Mahaffey KW, et al; CANVAS Program Collaborative Group. Canagliflozin and cardiovascular and renal events in type 2 diabetes. NEJM 2017;377:644-57. DOI: 10.1056/NEJMoa1611925
  8. Scirica BM, Bhatt DL, Braunwald E, et al; SAVOR-TIMI 53 Steering Committee and Investigators. Saxagliptin and cardiovascular outcomes in patients with type 2 diabetes mellitus. N Engl J Med 2013;369:1317-26. DOI: 10.1056/NEJMoa1307684
  9. Holman RR, Paul SK, Bethel MA, et al. 10-year follow-up of intensive glucose control in type 2 diabetes. N Engl J Med 2008;359:1577-89. DOI: 10.1056/NEJMoa0806470
  10. Low Wang CC, Hess CN, Hiatt WR, Goldfine AB. Atherosclerotic cardiovascular disease and heart failure in type 2 diabetes mellitus – mechanisms, management , and clinical considerations. Circulation 2016;133: 2459-502. DOI: 10.1161/CIRCULATIONAHA.116.022194
  11. Zheng SL, Roddick AJ, Aghar-Jaffar R, et al. Association between use of sodium-glucose cotransporter 2 inhibitors, glucagon-like peptide 1 agonists, and dipeptidyl peptidase 4 inhibitors with all-cause mortality in patients with type 2 diabetes: a systematic review and meta-analysis. JAMA 2018;319:1580-91. DOI: 10.1001/jama.2018.3024
  12. Chevalier P. Méta-analyse en réseau : comparaisons directes et indirectes. MinervaF 2009;8(10):148.
  13. Lee AKWarren BLee CJ, et al. The association of severe hypoglycemia with incident cardiovascular events and mortality in adults with type 2 diabetes. Diabetes Care 2018;41:104-11. DOI: 10.2337/dc17-1669
  14. National Institute for Healh and Care Excellence. Type 2 diabetes in adults : management. NICE guideline [NG28]. Published date: December 2015. Last updated: May 2017.
  15. Bastiaens H, Benhalima K, Cloetens H, et al. Diabète sucré de type 2. Recommandations de Bonne Pratique. SSMG/Domus Medica 2015.
  16. Prescrire Rédaction. Traitement hypoglycémiant du diabète de type 2 (suite). Deuxième partie. Choisir un hypoglycémiant après la metformine : dans l’incertitude et selon les effets indésirables. Rev Prescrire 2014;34:911-23.

 




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