Analyse


Traitement antalgique de la colique néphrétique de l’adulte : comparaison entre anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), opioïdes et paracétamol


15 06 2019

Professions de santé

Médecin généraliste, Pharmacien
Analyse de
Pathan SA, Mitra B, Cameron PA. A systematic review and meta-analysis comparing the efficacy of nonsteroidal anti-inflammatory drugs, opioids, and paracetamol in the treatment of acute renal colic. Eur Urol 2018;73:583-95. DOI: 10.1016/j.eururo.2017.11.001


Conclusion
Cette nouvelle revue systématique avec méta-analyse de bonne qualité méthodologique mais basée sur des études hétérogènes et de faible qualité ne remet pas en question les conclusions issues des analyses précédentes de Minerva. Les AINS, compte tenu de leur facilité d’administration, de leur efficacité comparable aux opioïdes et au paracétamol, mais du moindre recours aux traitements de secours ainsi que de leur meilleure tolérance versus opioïdes, devraient être considérés comme le traitement antalgique de premier recours dans la colique néphrétique de l’adulte.


Que disent les guides de pratique clinique ?
Selon les recommandations d’Ebpracticenet, le traitement d’une crise aiguë de colique néphrétique est initié par un AINS en intraveineuse en combinaison avec un analgésique et un spasmolytique ou un opioïde dans le premier service de soin de santé que le patient consulte. Les recommandations de la société francophone de médecine d’urgence, actualisées en 2008, préconisent l’emploi d’un AINS en première intention car il « présente une facilité et une sécurité d’emploi (pas de titration, surveillance plus légère, bonne tolérance aux doses habituelles, durée d’action prolongée) qui le rendent préférable aux morphiniques en première intention ». L’étude analysée ici renforce cette dernière affirmation…. sauf contre-indications : grossesse, insuffisance rénale chronique pour certaines spécialités, prise d’antagoniste de la vitamine K, hémorragie évolutive, ulcère gastro-duodénal actif, antécédents d'asthme ou d'urticaire secondaires à la prise d'acide acétylsalicylique ou d'un AINS, insuffisance hépatique, insuffisance cardiaque grave.



Chaque année dans le monde, la colique néphrétique est le motif d’admission de plusieurs millions de patients aux urgences (1). L’attente principale des patients réside dans le soulagement antalgique, la douleur de cette affection étant décrite comme particulièrement intense (1). L’efficacité des AINS dans le traitement de la colique néphrétique est reconnue depuis une trentaine d’années (1-3). Elle tient au mécanisme d’action de ces molécules : le blocage des cyclo-oxygénases impliquées dans la cascade inflammatoire (4), à l’origine d’une diminution de l’œdème et de l’inflammation ainsi que de la filtration glomérulaire. Cette action contribue à la baisse de la pression intrapyélique et à la relaxation des fibres musculaires lisses de l’uretère, où la lithiase est enclavée. La question du meilleur traitement, en termes d’efficacité et de sécurité, se pose régulièrement dans la littérature afin de définir une stratégie de prise en charge la plus pertinente possible.

Ce propos a déjà été investigué par Minerva à deux occasions. En 2006, un article (5) évoquait la synthèse méthodique avec méta-analyse de Holgate et al. (6) qui comparait l’efficacité des opioïdes (péthidine à dose fixe en majorité) aux AINS dans le traitement de la colique néphrétique aiguë chez l’adulte. Les résultats montraient une efficacité supérieure des AINS versus opioïdes sur la réduction de la douleur d’un point de vue statistique, bien que cette supériorité n’ait pas de traduction en termes de pertinence clinique. La conclusion de cet article proposait d’utiliser de manière privilégiée les AINS en pratique générale, sauf en cas de grossesse, insuffisance rénale chronique, prise d’antagoniste de la vitamine K, hémorragie évolutive, ulcère gastro-duodénal actif.

En 2016, la question du traitement antalgique a de nouveau été abordée dans Minerva (7), afin de déterminer la place des traitements non opioïdes (principalement spasmolytiques) face aux AINS. Cette analyse rapportait les résultats d’une synthèse méthodique de la littérature avec méta-analyse de la Cochrane Collaboration (8) qui concluait à la supériorité des AINS comme traitement de premier choix de la crise de colique néphrétique chez l’adulte. L’effet bénéfique des spasmolytiques, modeste, n’apparaissait que dans le cas d’un traitement combiné. L’analyste ajoutait qu’en cas de contre-indication aux AINS, les alternatives thérapeutiques représentées par opioïdes, spasmolytiques et/ou paracétamol, étaient à favoriser.

Depuis, une autre étude (9) a été publiée en novembre 2018, abordant la problématique sous l’angle de la réduction des prescriptions d’opioïdes dans le service d’urgence et lors du retour à domicile.

 

Plusieurs études se sont penchées sur la question de la prise en charge antalgique de la colique néphrétique, en étudiant notamment AINS, paracétamol et opioïdes. Pourtant, il n’existe pas de données probantes sur la comparaison de ces trois traitements entre eux. Cette nouvelle étude (1) propose justement de pallier cette lacune et d’éclairer sur l’efficacité comparée de ces thérapeutiques. Pour cette étude, publiée dans European Urology, les bases de données Medline, Embase, Cochrane Renal Group et Cochrane Database ont été explorées à partir du 18 décembre 2016, sans restriction de langue. Afin de ne pas ignorer les études non publiées ou en cours de réalisation, la plateforme « World Health Organization International Clinical Trials Registry » a été consultée en février 2017, complétée par une recherche manuelle des références ainsi que via Google Scholar.

In fine, 36 essais contrôlés randomisés ont été inclus pour un total de 4887 patients. Ces essais ont été publiés entre 1982 et 2016. Les critères de jugement considérés étaient la variation de la douleur - basée sur une échelle visuelle analogique ou une échelle numérique - , la proportion de patients totalement soulagés de leur douleur après 30 minutes, la proportion de patients avec une réduction d’au moins 50% de leur douleur à 30 minutes, la survenue d’effets indésirables aigus tels que vomissements, rash, vertiges, hypotension et problèmes respiratoires, la fréquence des vomissements en fonction du traitement et enfin, la survenue d’effets indésirables graves tels qu’anaphylaxie, nécessité de recourir à une dialyse, saignements gastro-intestinaux ou complications intramusculaires au site d’injection.

Les résultats principaux de cette étude montrent que les AINS sont au moins autant efficaces que les opioïdes et le paracétamol dans la réduction de la douleur après 30 minutes. On retrouve en réalité une discrète supériorité des AINS sur les opioïdes mais avec une forte hétérogénéité entre les essais (N = 11 études, n = 1985 patients ; différence moyenne (DM) de -5,58 (avec IC à 95% de -10,22 à -0,95 ; hétérogénéité I² = 81%). Cette différence n’existe pas entre AINS et paracétamol (N = 4, n = 1325 ; DM de -5,67 avec IC à 95% de -17,52 à 6,18 ; p = 0,35 ; I² = 89%). Les résultats ne montrent pas de différence statistiquement significative entre les AINS et les opioïdes en ce qui concerne la proportion de patients avec une réduction d’au moins 50% de leur douleur à 30 minutes. Par ailleurs, l’intérêt des AINS réside dans leur supériorité en matière de tolérance, puisqu’ils sont associés à de plus faibles taux de vomissements que les opioïdes (N = 5, n = 531 ; nombre de sujets à traiter (NNT) de 5 avec IC à 95% de 4 à 8) et, toutes voies confondues (IM/IV), à un moindre recours aux traitements de secours comparativement aux opioïdes (N = 7, n = 541 ; NNT de 11 avec IC à 95% de 6 à 75) et au paracétamol (N = 2, n = 1145 ; RR de 0,56 avec IC à 95% de 0,42 à 0,74 ; p < 0.001; I² = 0%). Combinés à leur facilité d’emploi et d’administration, ces arguments pèsent en faveur de l’utilisation des AINS en première ligne pour soulager la douleur des coliques néphrétiques aux urgences.

 

Conclusion

Cette nouvelle revue systématique avec méta-analyse de bonne qualité méthodologique mais basée sur des études hétérogènes et de faible qualité ne remet pas en question les conclusions issues des analyses précédentes de Minerva. Les AINS, compte tenu de leur facilité d’administration, de leur efficacité comparable aux opioïdes et au paracétamol, mais du moindre recours aux traitements de secours ainsi que de leur meilleure tolérance versus opioïdes, devraient être considérés comme le traitement antalgique de premier recours dans la colique néphrétique de l’adulte.

 

Pour la pratique

Selon les recommandations d’Ebpracticenet (10), le traitement d’une crise aiguë de colique néphrétique est initié par un AINS en intraveineuse en combinaison avec un analgésique et un spasmolytique ou un opioïde dans le premier service de soin de santé que le patient consulte.

Les recommandations de la société francophone de médecine d’urgence, actualisées en 2008, préconisent l’emploi d’un AINS en première intention car il « présente une facilité et une sécurité d’emploi (pas de titration, surveillance plus légère, bonne tolérance aux doses habituelles, durée d’action prolongée) qui le rendent préférable aux morphiniques en première intention » (11). L’étude analysée ici renforce cette dernière affirmation…. sauf contre-indications : grossesse, insuffisance rénale chronique pour certaines spécialités, prise d’antagoniste de la vitamine K, hémorragie évolutive, ulcère gastro-duodénal actif, antécédents d'asthme ou d'urticaire secondaires à la prise d'acide acétylsalicylique ou d'un AINS, insuffisance hépatique, insuffisance cardiaque grave (12).

 

 

Références 

  1. Pathan SA, Mitra B, Cameron PA. A systematic review and meta-analysis comparing the efficacy of nonsteroidal anti-inflammatory drugs, opioids, and paracetamol in the treatment of acute renal colic. Eur Urol 2018;73:583-95. DOI: 10.1016/j.eururo.2017.11.001
  2. Holmlund D. Treatment of ureteral colic with intravenous indomethacin. J Urol 1978;120:676-7.
  3. Labrecque M, Dostaler LP, Rousselle R, et al. Efficacy of non-steroidal anti-inflammatory drugs in the treatment of acute renal colic. A meta-analysis. Arch Intern Med 1994;154: 1381-7. DOI: 10.1001/archinte.1994.00420120113012
  4. Péchère-Bertschi A, Stalder H. Colique néphrétique. Primary Care 2003;3:526-30.
  5. Chevalier P. Opioïdes ou AINS dans la colique néphrétique ? MinervaF 2006;5(3):47-8
  6. Holgate A, Pollock T. Systematic review of the relative efficacy of non-steroidal anti-inflammatory drugs and opioids in the treatment of acute renal colic. BMJ 2004;328:1401-4. DOI: 10.1136/bmj.38119.581991.55
  7. Lengelé JP. Crise de colique néphrétique : y a-t-il une place pour les traitements non opioïdes (principalement spasmolytiques) face aux anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ? Minerva bref 15/11/2016.
  8. Afshar K, Jafari S, Marks AJ, et al. Nonsteroidal anti-inflammatory drugs (NSAIDs) and non-opioids for acute renal colic. Cochrane Database Syst Rev 2015, Issue 6. DOI: 10.1002/14651858.CD006027.pub2
  9. Motov S, Drapkin J, Butt M, et al. Analgesic administration for patients with renal colic in the emergency department before and after implementation of an opioid reduction initiative. West J Emerg Med 2018 Nov;19:1028-35. DOI: 10.5811/westjem.2018.9.38875
  10. Lithiase urinaire. Duodecim Medical Publications. Ebpracticenet. Dernière mise à jour:3/04/2017. Dernière revue contextuelle: 29/06/2017.
  11. El Khebir M, Fougeras O, Le Gall C, et al. Actualisation 2008 de la 8ème Conférence de consensus de la Société francophone d’urgences médicales de 1999. Prise en charge des coliques néphrétiques de l’adulte dans les services d’accueil et d’urgences. Progrès en urologie 2009;19:462-73. DOI: 10.1016/j.purol.2009.03.005
  12. Anti-inflammatoires non stéroïdiens. Répertoire Commenté des Médicaments. CBIP juin 2019.

Auteurs

Diehl J.
médecin de santé publique et médecine sociale
COI :

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