Analyse


Augmenter les apports hydriques pour prévenir les infections urinaires chez la femme


15 02 2020

Professions de santé

Médecin généraliste, Pharmacien
Analyse de
Hooton TM, Vecchio M, Iroz A, et al. Effect of increased daily water intake in premenopausal women with recurrent urinary tract infections: a randomized clinical trial. JAMA Intern Med 2018;178:1509-15. DOI: 10.1001/jamainternmed.2018.4204


Conclusion
Cette étude de bonne qualité méthodologie montre que recommander une augmentation de la consommation d’eau (3 * 500 ml/jour en plus de la consommation habituelle) associée à un coaching en hydratation sur une période de un an chez des femmes préménopausées présentant des cystites récidivantes et consommant peu de liquide est une mesure efficace pour diminuer la fréquence des récidives infectieuses ainsi que la consommation d’agents antimicrobiens. L’importance du coaching est impossible à déterminer précisément.


Que disent les guides de pratique clinique ?
La HAS recommandait en 2016 comme mesures prophylactiques pour les patientes présentant des cystites aiguës récidivantes (au moins 4 épisodes pendant une période de 12 mois) sans facteur de risque de complication, des apports hydriques suffisants, des mictions non retenues, la régularisation du transit intestinal et l’arrêt des spermicides s’il y a lieu. Elle rappelle que la canneberge peut être proposée en prévention des cystites récidivantes à E. coli, à la dose de 36 mg/j de proanthocyanidine. Enfin, les œstrogènes peuvent être proposés en application locale chez les femmes ménopausées après avis gynécologique. La HAS rappelle également qu’une antibioprophylaxie peut être indiquée en cas de cystites post-coïtales, prise dans les deux heures précédant ou suivant le rapport sexuel, en première intention à base de un comprimé de triméthoprime à la dose de 100 mg. En cas d’infections urinaires très fréquentes (au moins 1 fois par mois), une antibioprophylaxie continue peut être proposée, à base de triméthoprime 100 mg un comprimé une fois par jour, à réévaluer au moins 2 fois par an. L’étude de Hooton et al. analysée ici apporte des données probantes étayant les conseils habituellement donnés par les médecins et rapportés dans la recommandation de la HAS.



Nous avons analysé en 2009 dans Minerva (1) une étude (2) discutant de la place de la canneberge dans la prévention des infections urinaires. Les résultats de cette synthèse de la Cochrane montraient que la prise de préparations à base de canneberge diminuait probablement le nombre d’infections urinaires récidivantes chez la femme.

Certaines stratégies de prévention existent, avec des données limitées sur leur efficacité mais peu d’effets indésirables, comme une consommation abondante d’eau (3,4).

Une nouvelle RCT (5), en protocole ouvert, évalue l’intérêt de majorer l’apport liquidien d’eau (n = 70, +3*500 ml par jour) versus conserver ses habitudes (n = 70), pour prévenir la récurrence des infections urinaires non compliquées chez les femmes non ménopausées.

Les patientes incluses buvaient moins de 1,5 litre d’eau par jour. Elles avaient au moins 18 ans (âge moyen de 35,7 ans), étaient en bonne santé, asymptomatiques pour une infection urinaire mais avaient présenté 3 épisodes documentés dans le passé avec au moins une culture d’urine réalisée à > 10³ CFU.

Les patientes symptomatiques au moment de l’inclusion pour une infection urinaire, ayant un antécédent de pyélonéphrite dans les 12 derniers mois, présentant une cystite interstitielle ou une vulvovaginite symptomatique étaient exclues. Les femmes enceintes, allaitantes, ou ayant un projet de grossesse dans les 12 prochains mois étaient également exclues.

Dans le protocole additionnel (6), il est précisé que l’intervention consistait en fait en deux types de mesures : proposer de majorer de 3 fois 500 millilitres son apport quotidien en eau, en plus de fournir du coaching en hydratation sur une durée de 1 an. Cela consistait en des conseils d’hygiène quant à la vidange vésicale surtout en cas de vie sexuelle active, en informations écrites et en un suivi régulier individualisé (ou par téléphone). Le groupe contrôle n’a bénéficié d’aucune de ces approches.

Le critère de jugement primaire était la fréquence des cystites récurrentes sur 12 mois. Les critères de jugement secondaires étaient : le recours à des agents antimicrobiens, l’intervalle de temps entre les épisodes de cystite et le volume urinaire de 24 heures.

Les résultats montrent une différence significative quant au nombre moyen d’épisodes : 1,7 (avec IC à 95% de 1,5 à 1,8) dans le groupe intervention versus 3,2 (avec IC à 95% de 3,0 à 3,4) dans le groupe contrôle, soit une différence moyenne de 1,5 épisode (avec IC à 95% de 1,2 à 1,8 ; p < 0,001) sur une période de 1 an de suivi.

Les résultats secondaires montrent un nombre moyen d’usage d’agents antimicrobiens pour traiter les cystites de 1,9 (avec IC à 95% de 1,7 à 2,2) dans le groupe intervention versus 3,6 (avec IC à 95% de 3,3 à 4,0) dans le groupe contrôle ; soit une différence moyenne de 1,7 (avec IC à 95% de 1,3 à 2,1 ; p < 0,001). L’intervalle moyen de temps entre les épisodes de cystites était de 142,8 jours (avec IC à 95% de 127,4 à 160,1) dans le groupe intervention versus 84,4 jours (avec IC à 95% de 75,4 à 94,5) dans le groupe contrôle, soit une différence moyenne de 58,4 jours (avec IC à 95% de 39,4 à 77,4 ; p < 0,001). Le temps moyen avant le premier épisode de cystite était de 148 jours (intervalle de 8 à 369 jours) dans le groupe intervention versus 93,5 jours (intervalle de 7 à 291 jours) dans le groupe contrôle (risque relatif de 0,51 avec IC à 95% de 0,36 à 0,74 ; p < 0,001). L’étude montre une hausse du volume urinaire de 24 h de 1,3 dans le groupe intervention versus 0,1 l dans le groupe contrôle (p < 0,001). Le nombre moyen de vidanges urinaires a augmenté et l’osmolalité urinaire a diminué dans le groupe intervention, sans changement dans le groupe contrôle (p < 0,001 pour les deux paramètres). Les données à deux mois étaient similaires pour les deux groupes.

Cette étude apporte des données objectives sur l’effet de la majoration de la consommation en eau chez des patientes buvant peu et ayant tendance aux cystites à répétition, recommandation habituellement donnée par les praticiens. Les auteurs n’ont pas réalisé une étude dose-réponse, permettant de déterminer la quantité d’eau quotidienne nécessaire pour réduire le risque de cystite. Par contre, cette étude objective le fait que les femmes ont effectivement augmenté leurs apports hydriques et que cette mesure est associée à une réduction du nombre d’infection urinaire et une moindre utilisation d’antimicrobiens. Cette mesure présente l’avantage d’être une alternative sûre et bon marché. L’intervention du coaching rend cependant plus délicate l’interprétation des résultats : quelle est son importance ? Cette étude introduit une nouvelle question qui devra être éclairée ultérieurement. Il est regrettable que 3 groupes distincts (eau + coaching ; eau ; aucune intervention) n’aient pas été comparés.

L’étude n’apporte pas d’information chez les femmes n’ayant pas eu d’infection à répétition préalable, ou chez celles qui boivent plus que les patientes retenues pour l’étude.

L’étude ne permet pas non plus d’évaluer l’impact sur la fonction rénale d’un apport hydrique supplémentaire de 1,5 l/jour sur une longue période. Cependant, il semblerait approprié pour les médecins prenant en charge des patientes présentant des cystites à répétition de poser régulièrement la question de la consommation quotidienne en eau.

 

Conclusion

Cette étude de bonne qualité méthodologie montre que recommander une augmentation de la consommation d’eau (3 * 500 ml/jour en plus de la consommation habituelle) associée à un coaching en hydratation sur une période de un an chez des femmes préménopausées présentant des cystites récidivantes et consommant peu de liquide est une mesure efficace pour diminuer la fréquence des récidives infectieuses ainsi que la consommation d’agents antimicrobiens. L’importance du coaching est impossible à déterminer précisément.

 

Pour la pratique

La HAS recommandait en 2016 (7) comme mesures prophylactiques pour les patientes présentant des cystites aiguës récidivantes (au moins 4 épisodes pendant une période de 12 mois) sans facteur de risque de complication, des apports hydriques suffisants, des mictions non retenues, la régularisation du transit intestinal et l’arrêt des spermicides s’il y a lieu. Elle rappelle que la canneberge peut être proposée en prévention des cystites récidivantes à E. coli, à la dose de 36 mg/j de proanthocyanidine. Enfin, les œstrogènes peuvent être proposés en application locale chez les femmes ménopausées après avis gynécologique.

La HAS rappelle également qu’une antibioprophylaxie peut être indiquée en cas de cystites post-coïtales, prise dans les deux heures précédant ou suivant le rapport sexuel, en première intention à base de un comprimé de triméthoprime à la dose de 100 mg. En cas d’infections urinaires très fréquentes (au moins 1 fois par mois), une antibioprophylaxie continue peut être proposée, à base de triméthoprime 100 mg un comprimé une fois par jour, à réévaluer au moins 2 fois par an.

L’étude de Hooton et al. analysée ici apporte des données probantes étayant les conseils habituellement donnés par les médecins et rapportés dans la recommandation de la HAS.

 

 

Références 

  1. Laekeman G. Canneberges et prévention des infections urinaires. MinervaF 2009;8(2):22.
  2. Jepson RG, Craig JC. Cranberries for preventing urinary tract infections. Cochrane Database Syst Rev 2008, Issue 1. DOI: 10.1002/14651858.CD001321.pub5
  3. DynaMed Plus. Uncomplicated urinary tract infection (UTI) (pyelonephritis and cystitis). EBSCO Information Services 1995. Record No. T116894, Updated 2018 Nov 30]. Available from https://www-dynamed-com.gateway2.cdlh.be/topics/dmp~AN~T116894. Registration and login required.
  4. La cystite chez la femme. GPC. Groupe de travail réalisation de recommandations de première ligne. Ebpracticenet 22/12/2016.
  5. Hooton TM, Vecchio M, Iroz A, et al. Effect of increased daily water intake in premenopausal women with recurrent urinary tract infections: a randomized clinical trial. JAMA Intern Med 2018;178:1509-15. DOI: 10.1001/jamainternmed.2018.4204
  6. Hooton TM, Vecchio M, Iroz A, et al. Effect of increased daily water intake in premenopausal women with recurrent urinary tract infections: a randomized clinical trial. JAMA Intern Med 2018;178:1509-15. DOI: 10.1001/jamainternmed.2018.4204. Trial protocolsupplement. URL: https://cdn.jamanetwork.com/ama/content_public/journal/intemed/937599/ioi180066supp1_prod.pdf?Expires=2147483647&Signature=Xn-oe4-sRlJrNUe-NJEykMj6etQv-5tmRn8gaPsrusVbnZcr74OBMHvhgENnMVSOSVFe3IMcjkSmwcPVtL4bIiIq5dYtbp3NqTpnuxo9lSvou1jaYMMDZWXjxiyilS0FkXaloj5w3H24F6sfKtCw95OGmv4oIX-ZBzeNSm5FTjgBl5Zk5gfpihKMqE6CVpyCHnIz2DlGSBOaPPLde3kDhvS0Bh0pme
  7. HAS. Cystite aiguë simple, à risque de complication ou récidivante, de la femme. Recommandations de bonne pratique. Date de validation : 9/11/2016. Disponible sur : https://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_2722827/fr/cystite-aigue-simple-a-risque-de-complication-ou-recidivante-de-la-femme, page consultée le 29/05/2019.

 


Auteurs

Ballout H.
médecin généraliste, Cellule Santé et Sexualité, Société Scientifique de Médecine Générale
COI :

De Jonghe M.
médecin généraliste, Centre Académique de Médecine Générale, UCLouvain
COI :

Leroy T.
biologiste CAMG UCLouvain
COI :

Glossaire

Code





Ajoutez un commentaire

Commentaires