Analyse


L’étanercept en monothérapie ou en association avec du méthotrexate représente-t-il une plus-value par rapport au méthotrexate en monothérapie chez les patients atteints d’arthrite psoriasique ?


17 03 2020

Professions de santé

Médecin généraliste, Pharmacien
Analyse de
Mease PJ, Gladman DD, Collier DH, et al. Etanercept and methotrexate as monotherapy or in combination for psoriatic arthritis: primary results from a randomized, controlled phase III trial. ArthritisRheumatol 2019;71:1112-24. DOI: 10.1002/art.40851


Conclusion
Cette étude randomisée, contrôlée, menée en double aveugle, disposant d’un bon plan expérimental, nous permet de conclure que, chez les patients atteints d’arthrite psoriasique depuis relativement peu de temps et n’ayant suivi que peu de traitements, l’étanercept permet de mieux contrôler les symptômes que le méthotrexate en monothérapie. L’association d’étanercept et de méthotrexate n’était pas plus avantageuse.


Que disent les guides de pratique clinique ?
Le principal objectif du traitement de l’arthrite psoriasique consiste à limiter l’activité de la maladie, à augmenter la qualité de vie et améliorer les capacités fonctionnelles, à prévenir les lésions structurelles et à réduire à un minimum les effets indésirables. Ici, comme dans la polyarthrite rhumatoïde, il faut une stratégie ciblée avec surveillance régulière et adaptation du traitement. Chez les patients chez qui la maladie est peu active, on peut administrer des AINS pendant 3 à 6 mois jusqu’à obtenir la rémission clinique ou une faible dose de corticoïdes systémiques (< 7,5 mg/jour de prednisone) pendant de courtes périodes. Chez les patients chez qui la maladie est active, et en cas de pronostic défavorable chez des patients qui ne répondent pas suffisamment aux AINS après 3 à 6 mois, on peut instaurer un traitement de fond. La première étape consiste en un traitement de fond non biologique (tel que le méthotrexate). En cas d’effet insuffisant, on peut passer à une biothérapie. L’étude dont il a été question ci-dessus montre que, chez les patients atteints d’arthrite psoriasique depuis relativement peu de temps et n’ayant suivi que peu de traitements, l’étanercept permet de mieux contrôler les symptômes que le méthotrexate. Il convient de noter, cependant, que l’arthrite psoriasique est une maladie hétérogène (symptômes articulaires et extra-articulaires) et que les résultats de cette étude doivent donc être interprétés avec prudence pour le traitement des individus atteints d’arthrite psoriasique dans la pratique quotidienne.



En 2005, Minerva a traité d’une étude qui montrait la plus-value d’une association d’étanercept et de méthotrexate par rapport au méthotrexate ou à l’étanercept en monothérapie chez des patients présentant une polyarthrite rhumatoïde répondant insuffisamment aux traitements de fond (différents du méthotrexate) (1,2). Bien que plusieurs guides de pratique clinique recommandent le méthotrexate chez les patients atteints d’arthrite psoriasique qui n’ont pas encore suivi de traitement de fond (3-5), son effet n’est actuellement pas bien connu. Ainsi, une étude comparative randomisée menée chez des patients naïfs de traitement de fond n’a pas permis d’observer de différence statistiquement significative entre le méthotrexate et un placebo après six mois (6). Par ailleurs, plusieurs inhibiteurs du TNF, parmi lesquels l’étanercept (7,8), se sont néanmoins avérés efficaces sur les symptômes de l’arthrite psoriasique. On ne sait toutefois pas encore si l’association avec du méthotrexate peut augmenter l’effet de l’étanercept.

                                                            

Une étude de phase III, randomisée, contrôlée, multicentrique, menée en double aveugle chez des patients atteints d’arthrite psoriasique qui n’avaient encore jamais reçu de traitement par méthotrexate ni de biothérapie a examiné l’effet du méthotrexate et de l’étanercept en monothérapie ainsi que l’effet d’un traitement associant ces deux traitements de fond (9). Cette étude a inclus 851 patients ayant 48,4 ans (ET 13,1 ans) en moyenne, qui souffraient d’arthrite psoriasique depuis 3,2 ans (ET 6,3 ans) en moyenne (56% < 2 ans) et qui présentaient au moins une lésion cutanée psoriasique active ≥ 2 cm de diamètre et au moins trois articulations sensibles et trois articulations enflées. Les participants ont été correctement randomisés en trois groupes de traitement, avec respectivement du méthotrexate 20 mg/semaine par voie orale en monothérapie (n = 284), de l’étanercept 50 mg/semaine par voie sous-cutanée en monothérapie (n = 284) ou une association des deux médicaments (n = 283). Pour assurer l’insu, un placebo a été ajouté par voie sous-cutanée ou par voie orale suivant que les patients recevaient en monothérapie respectivement le méthotrexate per os ou l’étanercept par voie sous-cutanée. Tous les patients prenaient de l’acide folique à raison de 5 à 7 mg chaque semaine.

Après 24 semaines, on a observé, dans les trois groupes de l’étude, environ 20% de sorties d’étude. Une analyse en intention de traiter a montré qu’une réponse ACR20% (American College of Rheumatology de 20%) et une réponse MDA (Minimal Disease Activity, activité minimale de la maladie) se retrouvaient, après 24 semaines, chez un plus grand nombre de patients du groupe recevant l’étanercept en monothérapie que du groupe recevant le méthotrexate en monothérapie : respectivement 60,9% versus 50,7% ; p = 0,029 et 35,9% versus 22,9% ; p = 0,005. La réponse était également meilleure - tant la réponse ACR20% que la réponse MDA - avec l’association étanercept + méthotrexate vs méthotrexate en monothérapie : respectivement 65% versus 50,7% ; p = 0,005 et 35,7% versus 22,9% ; p = 0,005. Quant aux effets indésirables, il n’y avait pas de différence entre les trois groupes. Les lésions radiographiques après 48 semaines étaient moins importantes, et ce de manière statistiquement significative, dans les deux groupes de l’étude qui recevaient de l’étanercept. Ici, il faut néanmoins mentionner que les lésions radiographiques étaient très limitées, et cette différence statistiquement significative est donc peut-être cliniquement peu pertinente. Il faut également remarquer que l’atteinte axiale (sacro-iliite/spondylite) n’a pas été évaluée séparément. Mis à part quelques résultats dermatologiques, il n’y avait pas de différence entre l’étanercept en monothérapie et l’étanercept associé au méthotrexate. À cet égard, il se peut que la puissance était insuffisante, car le calcul de la taille de l’échantillon reposait sur la comparaison entre, d’un côté, un traitement par étanercept et, de l’autre côté, le méthotrexate en monothérapie. Étant donné que cette étude ne comportait pas de groupe placebo, elle ne nous permet pas non plus de tirer de conclusion concernant l’efficacité du méthotrexate en monothérapie. Nous devons aussi remarquer que les conclusions concernant l’étanercept ne peuvent pas être extrapolées aux autres inhibiteurs du TNF, l’association avec le méthotrexate étant susceptible d’avoir un effet par exemple sur la survie du médicament (délai entre l’instauration et l’arrêt du traitement) (10). Il est de nouveau apparu clairement que la composante arthrite ne montre pas toujours la même réponse que la composante extra-articulaire de la maladie, comme on l’a vu dans de récentes études portant sur d’autres biothérapies (11).

 

Conclusion

Cette étude randomisée, contrôlée, menée en double aveugle, disposant d’un bon plan expérimental, nous permet de conclure que, chez les patients atteints d’arthrite psoriasique depuis relativement peu de temps et n’ayant suivi que peu de traitements, l’étanercept permet de mieux contrôler les symptômes que le méthotrexate en monothérapie. L’association d’étanercept et de méthotrexate n’était pas plus avantageuse.

 

Pour la pratique

Le principal objectif du traitement de l’arthrite psoriasique consiste à limiter l’activité de la maladie, à augmenter la qualité de vie et améliorer les capacités fonctionnelles, à prévenir les lésions structurelles et à réduire à un minimum les effets indésirables (3). Ici, comme dans la polyarthrite rhumatoïde (12,13), il faut une stratégie ciblée avec surveillance régulière et adaptation du traitement (4). Chez les patients chez qui la maladie est peu active, on peut administrer des AINS pendant 3 à 6 mois jusqu’à obtenir la rémission clinique (4) ou une faible dose de corticoïdes systémiques (< 7,5 mg/jour de prednisone) pendant de courtes périodes (4,5). Chez les patients chez qui la maladie est active, et en cas de pronostic défavorable chez des patients qui ne répondent pas suffisamment aux AINS après 3 à 6 mois, on peut instaurer un traitement de fond (4). La première étape consiste en un traitement de fond non biologique (tel que le méthotrexate) (3-5). En cas d’effet insuffisant, on peut passer à une biothérapie (3,5). L’étude dont il a été question ci-dessus montre que, chez les patients atteints d’arthrite psoriasique depuis relativement peu de temps et n’ayant suivi que peu de traitements, l’étanercept permet de mieux contrôler les symptômes que le méthotrexate. Il convient de noter, cependant, que l’arthrite psoriasique est une maladie hétérogène (symptômes articulaires et extra-articulaires) et que les résultats de cette étude doivent donc être interprétés avec prudence pour le traitement des individus atteints d’arthrite psoriasique dans la pratique quotidienne.

 

 

Références 

  1. Ravelingien I, Van Wilder P, Verschueren P, Westhovens R. Etanercepten association avec le méthotrexate pour l'arthriterhumatoïde. MinervaF 2005;4(2):19-21.
  2. Klareskog L, van der Heijde D, de Jager JP, et al; TEMPO (Trial of Etanercept and Methotrexate with Radiographic Patient Outcomes) study investigators). Therapeutic effect of the combination of etanercept and methotrexaat compared with each treatment alone in patients with rheumatoid arthritis: double blind randomised controlled trial. Lancet 2004;363:675-81. DOI: 10.1016/S0140-6736(04)15640-7
  3. Singh JA, Guyatt G, Ogdie A, et al. Special Article: 2018 American College of Rheumatology/National Psoriasis Foundation guideline for the treatment of psoriatic arthritis. Arthritis Care Res (Hoboken) 2019;71:2-29. DOI: 10.1002/acr.23789.
  4. Gossec L, Smolen JS, Ramiro S, et al. European League Against Rheumatism (EULAR) recommendations for the management of psoriatic arthritis with pharmacological therapies: 2015 update. Ann Rheum Dis 2016;75:499-510. DOI: 10.1136/annrheumdis-2015-208337
  5. Coates LC, Kavanaugh A, Mease PJ, et al. Group for Research and Assessment of Psoriasis and Psoriatic Arthritis 2015 treatment recommendations for psoriatic arthritis. Arthritis Rheumatol 2016;68:1060-71. DOI: 10.1002/art.39573
  6. Kingsley GH, Kowalczyk A, Taylor H, et al. A randomized placebo-controlled trial of methotrexate in psoriatic arthritis. Rheumatology (Oxford) 2012;51,1368-77. DOI: 10.1093/rheumatology/kes001
  7. Mease PJ, Kivitz AJ, Burch FX, et al. Etanercept treatment of psoriatic arthritis: safety, efficacy, and effect on disease progression. Arthritis Rheum 2004;50:2264-72. DOI: 10.1002/art.20335
  8. Mease PJ, Goffe BS, Metz J, et al. Etanercept in the treatment of psoriatic arthritis and psoriasis: a randomised trial. Lancet 2000;356:385-90. DOI: 10.1016/S0140-6736(00)02530-7
  9. Mease PJ, Gladman DD, Collier DH, et al. Etanercept and methotrexate as monotherapy or in combination for psoriatic arthritis: primary results from a randomized, controlled phase III trial. Arthritis Rheumatol 2019;71:1112-24. DOI: 10.1002/art.40851
  10. Fagerli KM, Lie E, van der Heijde D, et al. The role of methotrexate co-medication in TNF-inhibitor treatment in patients with psoriatic arthritis: results from 440 patients included in the NOR-DMARD study. Ann Rheum Dis 2014;73:132-7. DOI: 10.1136/annrheumdis-2012-202347
  11. Mease PJ, Smolen JS, Behrens F, et al; SPIRIT S2H Study Group. A head-to-head comparison of the efficacy and safety of ixekizumab and adalimumab in biological-naïve patients with active psoriatic arthritis: 24-week results of a randomised, open-label, blinded-assessor trial. Ann Rheum Dis 2020;79:123-31. DOI: 10.1136/annrheumdis-2019-215386
  12. Westhovens R. Stratégie thérapeutique ciblée pour la polyarthrite rhumatoïde. MinervaF 2017;16(2):39-42.
  13. Markusse IM, Akdemir G, Dirven L et al. Long-term outcomes of patients with recent-onset rheumatoid arthritis after 10 years of tight controlled treatment: a randomized trial. Ann Intern Med 2016;164:523-31. DOI: 10.7326/M15-0919

 




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