Analyse


Le régime méditerranéen « vert » apporte-t-il un avantage cardiométabolique supplémentaire ?


27 07 2021

Professions de santé

Diététicien, Médecin généraliste
Analyse de
Tsaban G, Yaskolka Meir A, Rinott E, et al. The effect of green Mediterranean diet on cardiometabolic risk; a randomised controlled trial. Heart 2020:heartjnl-2020-317802. DOI: 10.1136/heartjnl-2020-317802


Conclusion
Cette étude randomisée menée en ouvert, dont la qualité méthodologique est moyenne, montre que le régime méditerranéen vert par rapport au régime méditerranéen classique a un effet potentialisateur à court terme statistiquement significatif sur la réduction du tour de taille chez les hommes en surpoids/obèses âgés en moyenne de 50 ans. Une étude plus approfondie est nécessaire pour connaître les effets sur d’autres paramètres cardiométaboliques, tels que la tension artérielle, le profil lipidique et la sensibilité à l’insuline. On ne connaît pas encore non plus l’effet sur les résultats cliniquement pertinents tels que les événements cardiovasculaires et la mortalité à long terme.



Minerva a conclu des résultats d’une synthèse méthodique et méta-analyse que le suivi d’un régime de type méditerranéen pouvait apporter un bénéfice important dans la prévention primaire de la mortalité globale et de la mortalité cardiovasculaire ainsi que dans la prévention du cancer, de la maladie d’Alzheimer et de la maladie de Parkinson (1,2). Dans le cadre de la prévention cardiovasculaire primaire, un essai contrôlé randomisé, de bonne qualité méthodologique, a montré que, chez des personnes à haut risque cardiovasculaire, la consommation d’huile d’olive extra vierge (50 g par jour) ou de noix (30 g par jour) en plus d’un régime méditerranéen pouvait réduire significativement l’incidence des maladies cardiovasculaires (en particulier les AVC) (3,4). Une vaste étude de cohorte a également montré que la consommation de protéines animales était associée à une mortalité cardiovasculaire plus élevée, tandis que la consommation de protéines végétales était associée à une mortalité globale plus faible, bien que la pertinence clinique des résultats observés était discutée (5,6). On peut donc se demander si un régime méditerranéen adapté, avec plus de sources végétales et une restriction en viande, apporte un bénéfice cardiométabolique supplémentaire.

 

Pour examiner cette question, une étude contrôlée, randomisée, en ouvert a été conçue dans un centre de recherche nucléaire isolé en Israël (7). 294 patients ont été inclus ; 88% étaient de sexe masculin ; leur âge était en moyenne de 51 ± 10,5 ans ; leur BMI était en moyenne de 31,3 ± 4,0 kg/m² ; leur tour de taille était de 110,6 ± 9,1 cm pour les hommes et de 103,3 ± 9,6 cm pour les femmes ; la médiane du risque cardiovasculaire à 10 ans au score de Framingham était de 10% (interquartile 5,2 à 17,1). Tous les participants ont reçu un abonnement gratuit au gymnase ainsi que des instructions pour augmenter leur activité physique. Ensuite, ils ont été randomisés en trois groupes : 1) conseils basiques pour une alimentation saine (sans restriction calorique) ; 2) régime méditerranéen (pauvre en glucides simples, riche en légumes, en poulet et en poisson pour remplacer le bœuf et l’agneau, 28 g de noix par jour) ; 3) régime méditerranéen « vert » (éviter la viande rouge et la charcuterie et consommer en supplément 3-4 tasses de thé vert par jour, 100 g/jour de Wolffia globosa (lentille d’eau à fleurs rondes, aussi appelée Mankai, qui est cultivée spécialement) condensée en petits blocs de glace à transformer en shake protéiné végétal.) Le régime classique et le régime méditerranéen vert se caractérisaient aussi par une restriction calorique à 1500-1800 kcal/jour pour les hommes et à 1200-1 400 kcal/jour pour les femmes.

Après 6 mois, seulement cinq personnes avaient abandonné l’étude, et l’on observait, dans les deux groupes qui suivaient le régime méditerranéen, une perte de poids similaire (-6,2 ± 5,9 kg avec le régime méditerranéen vert et -5,4 ± 5,6 kg avec le régime méditerranéen classique). Cette perte de poids était plus importante, et ce de manière statistiquement significative, que dans le groupe ayant reçu des « conseils pour une alimentation saine » (-1,5 ± 3,9 kg ; p < 0,001 pour les deux comparaisons). La diminution du tour du taille était plus importante avec le régime méditerranéen vert (-8,6 ± 6,5 cm) qu’avec le régime méditerranéen classique (-6,8 ± 5,9 cm) (p = 0,033) et qu’avec les « conseils pour une alimentation saine » (-4,3 ± 4,7 cm) (p < 0,001). La différence quant à la diminution du tour de taille entre le régime méditerranéen classique et les « conseils pour une alimentation saine » était aussi statistiquement significative (p = 0,012). Pour la perte de poids uniquement, la taille de l’échantillon avait été calculée pour démontrer une différence de 2,5 kg entre le régime méditerranéen vert et les conseils pour une alimentation saine (que l’on trouve uniquement dans les suppléments de la publication). Pour cela, on s’est basé sur une précédente étude portant sur le régime méditerranéen (8). Les différences statistiquement significatives de perte de poids entre les régimes méditerranéens et les conseils pour une alimentation saine sont probablement en grande partie dues à la restriction calorique. L’étude Diogenes a déjà montré qu’il est possible d’introduire une perte de poids pertinente en intervenant strictement sur l’apport calorique (9).

En ce qui concerne les critères de jugement secondaires, par comparaison avec les conseils pour une alimentation saine, le régime méditerranéen vert était seul à avoir un effet statistiquement significatif sur la pression artérielle systolique et diastolique, sur le taux de cholestérol LDL/cholestérol HDL et sur l’index HOMA (Homeostasic model assessment, évaluation du modèle homéostatique de la résistance à l’insuline). Les deux régimes méditerranéens étaient associés à une diminution plus importante du score de Framingham à dix ans par comparaison avec les conseils pour une alimentation saine, et ce de manière statistiquement significative (-3,73% ± 4,8 et -2,27% ± 3,1 respectivement pour le régime méditerranéen vert et pour le régime méditerranéen classique contre -1,42% ± 3,4 pour les conseils pour une alimentation saine). Nous pouvons nous demander dans quelle mesure ces différences sont cliniquement pertinentes. Selon les auteurs, l’effet supplémentaire du régime méditerranéen vert sur la réduction du tour de taille (et donc de la graisse viscérale),sur la pression artérielle et le cholestérol LDL peut être attribué à la forte consommation de thé vert. D’après eux, la diminution supplémentaire du cholestérol LDL s’explique par la réduction de la consommation de viande et de volaille et par la consommation de shake de lentilles d’eau. L’augmentation de l’apport en fibres associée à la consommation de cette plante aquatique aurait entraîné une amélioration de la sensibilité à l’insuline.

La validité externe de cette étude est limitée. Les personnes incluses étaient surtout des hommes en surpoids/obèses d’une communauté fermée. De plus, le suivi était limité à 6 mois (phase dite de perte de poids). On ne connaît donc pas encore les effets à long terme. Les auteurs font référence à une étude qui a montré l’impact d’une perte de poids précoce sur les paramètres métaboliques et cardiovasculaires ultérieurs, mais chez des diabétiques ayant subi une intervention intensive sur le mode de vie (régime + exercice) (10). Une publication plus récente de l’étude discutée ici (11) décrit les résultats à 18 mois. Dans tous les groupes, la perte de poids était réduite de moitié environ (-3,7 ± 6,3 kg avec le régime méditerranéen vert, -2,7 ± 5,6 kg avec le régime méditerranéen classique et -0,4 ± 4,7 kg avec les conseils pour une alimentation saine). L’effet sur le tour de taille était également réduit (respectivement -6,1 ± 6,2 cm ; -5,3 ± 5,7 cm et -4,0 ± 5,6 cm). Les différences de perte de poids entre les groupes régime méditerranéen et conseils pour une alimentation saine sont restées statistiquement significatives, tout comme la différence de tour de taille entre le groupe régime méditerranéen vert et le groupe conseils pour une alimentation saine. Dans le groupe régime méditerranéen vert, on a observé une réduction plus importante des graisses intrahépatiques (-38,9%) que dans les autres groupes (-19,6% avec un régime méditerranéen classique (p = 0,035) et -12,2% avec les conseils pour une alimentation saine (p < 0,001)).

 

Que disent les guides de pratique clinique ?

La directive belge pour l’évaluation du risque cardiovasculaire en soins primaires conclut que le risque de maladie cardiovasculaire chez les personnes ayant une alimentation saine, telle qu’un régime méditerranéen, diminue dans une mesure limitée (très faible qualité des données probantes) (12). Selon DynaMed, le régime méditerranéen (fruits, légumes, céréales, noix et graines peu transformés ; huile d’olive comme principale source de graisses et consommation limitée de viande et de sucres) réduit le risque de mortalité et de coronaropathie (niveau de preuve modéré) et entraîne une diminution du poids et une amélioration des paramètres métaboliques tels que les lipides (faible niveau de preuve) (13). Pour la diminution de la mortalité, il est fait référence à une mise à jour (14) d’une synthèse méthodique qui a fait l’objet d’une discussion dans Minerva (1,2).

 

Conclusion

Cette étude randomisée menée en ouvert, dont la qualité méthodologique est moyenne, montre que le régime méditerranéen vert par rapport au régime méditerranéen classique a un effet potentialisateur à court terme statistiquement significatif sur la réduction du tour de taille chez les hommes en surpoids/obèses âgés en moyenne de 50 ans. Une étude plus approfondie est nécessaire pour connaître les effets sur d’autres paramètres cardiométaboliques, tels que la tension artérielle, le profil lipidique et la sensibilité à l’insuline. On ne connaît pas encore non plus l’effet sur les résultats cliniquement pertinents tels que les événements cardiovasculaires et la mortalité à long terme.

 

 

Références 

  1. Poelman T. Bénéfice d’un régime méditerranéen en prévention primaire ? MinervaF 2009;8(5):60-1.
  2. Sofi F, Cesari F, Abbate R, et al. Adherence to Mediterranean diet and health status: meta-analysis. BMJ 2008;337:a1344. DOI: 10.1136/bmj.a1344
  3. Roberfroid D. Prévention primaire des maladies cardiovasculaires par une alimentation de type méditerranéen. MinervaF 2014;13(1):8-9.
  4. Estruch R, Ros E, Salas-Salvadó J, et al. Primary prevention of cardiovascular disease with a Mediterranean diet. N Engl J Med 2013;368:1279-90. DOI: 10.1056/NEJMc1806491
  5. Mullie P. La consommation de protéines animales entraîne-t-elle une augmentation de la mortalité ? Minerva bref 15/05/2017.
  6. Song M, Fung TT, Hu FB, et al. Association of animal and plant protein intake with all-cause and cause-specific mortality. JAMA Intern Med 2016;176:1453-63. DOI: 10.1001/jamainternmed.2016.4182
  7. Tsaban G, Yaskolka Meir A, Rinott E, et al. The effect of green Mediterranean diet on cardiometabolic risk; a randomised controlled trial. Heart 2020:heartjnl-2020-317802. DOI: 10.1136/heartjnl-2020-317802
  8. Shai I, Schwarzfuchs D, Henkin Y, et al; Dietary Intervention Randomized Controlled Trial (DIRECT) Group. Weight loss with a low-carbohydrate, Mediterranean, or low-fat diet. N Engl J Med 2008;359:229-41. DOI: 10.1056/NEJMoa0708681
  9. Larsen TM, Dalskov SM, van Baak M, et al; Diet, Obesity, and Genes (Diogenes) Project. Diets with high or low protein content and glycemic index for weight-loss maintenance. N Engl J Med 2010;363:2102-13. DOI: 10.1056/NEJMoa1007137
  10. Look AHEAD Research Group, Gregg EW, Jakicic JM, Blackburn G, et al. Association of the magnitude of weight loss and changes in physical fitness with long-term cardiovascular disease outcomes in overweight or obese people with type 2 diabetes: a post-hoc analysis of the Look AHEAD randomised clinical trial. Lancet Diabetes Endocrinol 2016;4:913-21. DOI: 10.1016/S2213-8587(16)30162-0
  11. Yaskolka Meir A, Rinott E, Tsaban G, et al. Effect of green-Mediterranean diet on intrahepatic fat: the DIRECT PLUS randomised controlled trial. Gut 2021;gutjnl-2020-323106. DOI: 10.1136/gutjnl-2020-323106
  12. Évaluation du risque cardiovasculaire en première ligne. Ebpracticenet. Domus Medica 1/09/2007. Dernière mise à jour: 12/07/2019. (Guide uniquement disponible en néerlandais.)
  13. Diets for cardiovascular events and risk factor reduction. DynaMed 1995. Record No. T914143, [updated 2018 Nov 30, cited 4/07/2021.]. Available from CDLH URL: https://www-dynamed-com.gateway2.cdlh.be/prevention/diets-for-cardiovascular-events-and-risk-factor-reduction
  14. Sofi F, Abbate R, Gensini GF, Casini A. Accruing evidence on benefits of adherence to the Mediterranean diet on health: an updated systematic review and meta-analysis. Am J Clin Nutr 2010;92:1189-96. DOI: 10.3945/ajcn.2010.29673

Auteurs

Matthys C.
Klinische en Experimentele Endocrinologie, Departement Chronische aandoeningen en Metabolisme, KU Leuven; Departement Endocrinologie, UZ Leuven
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