Analyse
Efficacité clinique et coût-efficacité de la thérapie de restriction du sommeil dispensée par une infirmière en soins primaires
Contexte
Selon le dernier rapport de RAND Europe de 2023, l'insomnie constitue un trouble du sommeil répandu affectant environ un tiers de la population adulte générale (1). En outre, 14% et 8% des individus seraient respectivement atteints d'insomnie clinique et chronique (1). Comprendre les options de traitement efficaces revêt donc une importance cruciale. Plusieurs analyses de Minerva se penchent sur l'efficacité des thérapies comportementales cognitives. Dans l’analyse réalisée en 2019 (2), une analyse de l'effet d'une thérapie comportementale cognitive délivrée de manière numérique a révélé une amélioration statistiquement significative des capacités fonctionnelles en journée, du bien-être psychologique, et de la qualité de vie liée au sommeil chez les personnes souffrant d'insomnie (3). De même, l'analyse également publiée par Minerva en 2016 (4), a examiné les effets d'une thérapie comportementale cognitive simplifiée, comprenant une restriction du sommeil, dans le cadre d'une étude contrôlée randomisée. Cette analyse a démontré un effet statistiquement significatif sur la qualité du sommeil après six mois (5). D'autres études belges ont exploré des alternatives aux traitements pharmacologiques, en mettant principalement l'accent sur l'intervention des médecins généralistes. Parmi celles-ci, une étude publiée en 2022 par le KCE a pu démontrer que l'offre d'un accès à une plateforme en ligne, fournissant des informations, des conseils et une assistance en complément des consultations avec le médecin généraliste, n’était pas plus efficace que les seules consultations médicales pour mettre fin à l'utilisation à long terme de médicaments pour le sommeil (6).
Résumé
Population étudiée
- recrutement :
- personnes atteintes de trouble du sommeil (critères du Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM)-5)
- recrutées entre août 2019 et mars 2020 parmi 35 pratiques de médecine générale au Royaume-Uni dans 3 régions (Greater Manchester, Lincolnshire et Thames Valley)
- les personnes ont été identifiées via une recherche dans les dossiers médicaux de ces pratiques et contactées par courrier postal et/ou envoyées par leur médecin généraliste
- au T0, les participants éligibles étaient invités à une consultation où ils recevaient des informations, complétaient les questionnaires et se voyaient remettre un journal de sommeil et un actimètre pour la semaine à venir
- critères d’inclusion :
- être âgé de 18 ans ou plus
- être capable de donner son consentement éclairé
- être capable de se rendre aux consultations fixées au T0 et durant les 4 semaines que durait l’intervention (en face-à-face dans le cabinet de médecine générale ou par téléphone)
- avoir des résultats positifs pour les symptômes d’insomnie sur l’échelle du Sleep Condition Indicator (7,8)
- présenter des symptômes de troubles du sommeil selon le DSM-5
- présenter des mesures d’efficience auto-rapportées inférieures à 85% pour le sommeil durant le mois écoulé (8)
- critères d’exclusion :
- les contre-indications aux thérapies de restriction du sommeil et les conditions qui rendraient cette thérapie inefficace, comme une grossesse en cours ou une grossesse planifiée endéans les 6 mois
- le diagnostic lié au trouble du sommeil, tel que le syndrome des jambes sans repos, l’apnée obstructive du sommeil ou la narcolepsie)
- la démence ou un trouble cognitif léger
- l’épilepsie
- la schizophrénie
- le trouble bipolaire
- l’idéation suicidaire avec l’intention de se suicider ou une tentative de suicide endéans les deux mois écoulés
- le traitement pour un cancer en cours
- la chirurgie majeure planifiée durant le traitement
- le travail à pauses (de nuit, en soirée, tôt le matin ou en rotation),
- le traitement psychologique pour l’insomnie en cours, par un professionnel de la santé ou en ligne,
- l’ espérance de vie inférieure à 2 ans
- une autre personne vivant sous le même toit participant à l’étude.
- au total, 642 patients ont été randomisés ; âge moyen de 54,4 ans (19-88), 76,2% de femmes ; les caractéristiques des participants du groupe intervention et du groupe témoin étaient similaires au T0 ; un niveau d’attrition de 25% a été observé, obligeant les investigateurs à adapter le protocole afin d’augmenter la taille de l’échantillon initial.
Protocole d’étude
Etude comprenant un essai randomisé contrôlé, pragmatique, ouvert (9)
- tous les participants ont bénéficié de conseils concernant l’hygiène du sommeil via un livret comprenant un guide pour des comportements standards en matière d’hygiène de style de vie et de facteurs environnementaux associés au sommeil et à l’insomnie
- les participants du groupe intervention (n=275) ont bénéficié d’une intervention standardisée d’une thérapie brève de l’insomnie (4 semaines, au rythme d’une session hebdomadaire, dont 2 sessions en face-à-face et 2 sessions par téléphone), dispensée par une infirmière en soins primaires (thérapie de restriction du sommeil associée à l'hygiène du sommeil plus les soins usuels) ; les infirmières en soins primaires avaient bénéficié auparavant d’une formation de 4 heures ; les participants ont reçu un livret à lire à leur propre rythme, comprenant des informations sur la thérapie de restriction du sommeil et une liste de directives d'hygiène du sommeil (identiques à celles fournies au groupe témoin) ; les participants étaient invités à remplir des journaux quotidiens et des grilles de calcul de l'efficacité du sommeil pour soutenir la mise en œuvre des instructions sur la thérapie de restriction du sommeil et permettre une revue hebdomadaire des progrès ; les sessions 2, 3 et 4 ont impliqué la revue des progrès, la discussion des difficultés de mise en œuvre et le réglage du planning de sommeil selon un algorithme d'efficacité du sommeil
- les participants du groupe témoin (n=305) ont bénéficié de conseils concernant l'hygiène du sommeil plus les soins usuels
- les évaluations ont eu lieu au T0, à 3 mois, 6 mois et 12 mois.
Mesure des résultats
- critère de jugement primaire : sévérité de l’insomnie, mesurée via une échelle auto-administrée à 7 items ISI (Insomnia Severity Index) (10) à 6 mois ; une réponse au traitement cliniquement significative, mesurée via l’échelle ISI équivalait à une réduction de 8 points ou plus par rapport au T0 et une différence de 1,35 points entre les 2 groupes
- critères de jugement secondaires :
- composantes physiques et mentales de l’échelle de qualité de vie liée à la santé (SF-36) (11)
- qualité de vie liée au sommeil (Glasgow Sleep Impact Index) (12)
- symptômes de dépression (PHQ-9) (13)
- productivité au travail ((Work Productivity and Activity Impairment questionnaire [WPAI]) (14)
- effort pour dormir (Glasgow Sleep Effort Scale (GSES) (15))
- excitation état avant le sommeil (Pre-Sleep Arousal Scale (PSAS) (16))
- prise de médicaments pour le sommeil
- sommeil auto-rapporté (Consensus Sleep diary) (17)
- sommeil tel que défini par un actimètre (MotionWatch 8; CamNtech, Cambridge, UK).
- effets indésirables :
- l’incidence des chutes, d’accidents (de roulage et ceux liés au travail), incidents évités de justesse
- l’endormissement au volant
- impact sur les coûts liés à l’insomnie, tant pour le National Health Services (NHS) que pour le patient
- les résultats analysés comprenaient les patients qui avaient rempli au moins un critère de jugement
- les analyses ont utilisé un modèle à effet fixes et aléatoires et un coefficient d de Cohen a été calculé pour chaque comparaison.
Résultats
- mesures du critère de jugement primaire
- la différence moyenne ajustée estimée sur l'ISI à 6 mois était de -3,05 (avec IC à 95% de -3,83 à -2,28 ; p < 0,0001 ; d de Cohen -0,74), indiquant que les participants du groupe intervention ont signalé une sévérité moindre de l'insomnie ; les effets du traitement étaient également forts à 3 mois (d de Cohen 0,95) et moyens à 12 mois (d de Cohen 0,72)
- les différences entre les groupes se reflétaient dans le nombre de participants montrant une réponse au traitement (réduction de l'ISI ≥ 8 points) ; à 6 mois, 108 (42,0%) des 257 participants du groupe intervention remplissaient les critères d'une réponse au traitement cliniquement significative, tandis que 49 (16,8%) des 291 du groupe témoin remplissaient ces critères
- mesures des critères de jugement secondaires
- à 6 mois, les participants du groupe intervention rapportaient une meilleure qualité de vie liée à la santé mentale (SF-36 MCS), une meilleure qualité de vie liée au sommeil (GSII), des symptômes dépressifs plus faibles (PHQ-9) et une moins grande altération de l'activité (WPAI) que le groupe témoin ; les effets de groupe sur ces mesures ont été observés à tous les points de suivi
- pour les participants employés, ceux du groupe intervention ont signalé moins d'absentéisme (à 6 mois et 12 mois), et moins de perte de productivité au travail (WPAI ; à 3 mois, 6 mois et 12 mois) ; la qualité de vie liée à la santé physique (SF36 PCS) était plus élevée pour le groupe intervention à 3 mois, mais il n'y avait aucune preuve de différence de groupe à 6 mois ou 12 mois)
Tableau 1. Les résultats reprenant les critères de jugement secondaires ; pour la mesure de la qualité de vie liée au sommeil (Glasgow Sleep Impact Index, GSII), les rangs 1 à 3 correspondent aux domaines de la qualité de vie les plus sévèrement affectés par la faible qualité du sommeil.
Effets du traitement ajustés pour les critères de jugement secondaires |
Groupe intervention |
Groupe témoin |
Différence de traitement ajustée |
P value (p = 0,05) |
||
Moyenne (DS) |
Nombre |
Moyenne (DS) |
Nombre |
|||
SF-36 PCS = Enquête sur la Santé en Forme Abrégée, composantes physiques |
||||||
3 mois |
48,4 (10-78) |
244 |
46,1 (10-80) |
285 |
1,87 (0,76 à 2,98) |
0,0001 |
6 mois |
48,1 (10-90) |
233 |
47,2 (10-28) |
280 |
0,77 (-0,35 à 1,89) |
0,18 |
12 mois |
48,6 (10-26) |
224 |
47,4 (10-47) |
265 |
0,94 (-0,20 à 2,09) |
0,11 |
SF-36 MCS = Enquête sur la Santé en Forme Abrégée, composantes mentales |
||||||
3 mois |
44,6 (11-27) |
244 |
41,2 (11-79) |
285 |
2,80(1,37 à 4,23) |
< 0,0001 |
6 mois |
44,7 (11-88) |
233 |
42,2 (11-79) |
280 |
1,97(0,52 à 3,43) |
0,0078 |
12 mois |
44,7 (11-29) |
224 |
42,3 (11-29) |
265 |
2,01(0,53 à 3,49) |
0,0077 |
GSII rang 1 = Qualité de vie liée au sommeil |
||||||
3 mois |
48,2 (28-39) |
246 |
35,4 (21-63) |
282 |
12,82 (8,71 à 16,93) |
< 0,0001 |
6 mois |
50,6 (28-00) |
235 |
37,7 (23-42) |
278 |
12,80 (8,63 à 16,96) |
< 0,0001 |
12 mois |
52,1 (29-42) |
224 |
40,3 (24-79) |
266 |
11,77 (7,54 à 16,00) |
< 0,0001 |
GSII rang 2 = Qualité de vie liée au sommeil |
||||||
3 mois |
51,5 (26-78) |
246 |
38,6 (22-23) |
283 |
12,78 (8,79 à 16,77) |
< 0,0001 |
6 mois |
53,2 (27-74) |
234 |
40,7 (23-66) |
279 |
12,45 (8,40 à 16,49) |
< 0,0001 |
12 mois |
54,9 (28-63) |
224 |
41,5 (24-55) |
266 |
13,72 (9,60 à 17,84) |
< 0,0001 |
GSII rang 3 = Qualité de vie liée au sommeil |
||||||
3 mois |
51,6 (27-01) |
246 |
41,1 (23-14) |
283 |
10,06 (6,02 à 14,10) |
< 0,0001 |
6 mois |
54,2 (27-11) |
232 |
43,0 (23-90) |
279 |
10,93 (6,82 à 15,03) |
< 0,0001 |
12 mois |
57,1 (28-97) |
224 |
45,1 (24-11) |
266 |
11,70 (7,53 à 15,87) |
< 0,0001 |
PHQ-95 = Symptômes dépressifs |
||||||
3 mois |
7,2 (5-72) |
244 |
9,1 (5-62) |
284 |
-1,86 (-2,56 à -1,16) |
< 0,0001 |
6 mois |
7,2 (5-7) |
234 |
8,8 (5-75) |
278 |
-1,60 (-2,31 à -0,90) |
< 0,0001 |
12 mois |
7,0 (5-82) |
224 |
8,6 (5-51) |
264 |
-1,61 (-2,32 à -0,89) |
< 0,0001 |
Pourcentage d'absentéisme |
||||||
3 mois |
.. |
111 |
.. |
117 |
·· |
0,095 |
Score de 0 |
97 (87%) |
.. |
94 (80%) |
.. |
·· |
.. |
Médiane (IQR)** |
5,6 (4,1-7,1) |
.. |
21,1 (8,1-33,3) |
·· |
·· |
.. |
6 mois |
.. |
101 |
.. |
113 |
·· |
0,014 |
Score de 0 |
94 (93%) |
.. |
92 (81%) |
.. |
·· |
.. |
Médiane (IQR)** |
16,7 (5-100) |
·· |
15,4 (6,7-20,4) |
·· |
·· |
.. |
12 mois |
.. |
100 |
.. |
111 |
·· |
0,0049 |
Score de 0 |
95 (95%) |
.. |
91 (82%) |
.. |
·· |
.. |
Médiane (IQR)** |
20,0 (18,9-100,0) |
·· |
17,4 (10,5-45,0) |
·· |
·· |
.. |
Pourcentage de présentéisme |
||||||
3 mois |
29,6 (23-66) |
111 |
41,4 (21-91) |
113 |
-10,56 ( -16,25 à -4,87) |
0,0003 |
6 mois |
24,6 (22-01) |
99 |
34,5 (23-38) |
111 |
-10,69 (-16,56 à -4,81) |
0,0004 |
12 mois |
22,4 (22-62) |
98 |
33,8 (24-37) |
107 |
-11,76 (-17,73 à -5,79) |
0,0001 |
Perte de productivité au travail |
||||||
3 mois |
30,6 (24-71) |
111 |
42,7 (22-93) |
113 |
-10,90 (-16,80 à -5,01) |
0,0003 |
6 mois |
25,0 (22-39) |
99 |
35,9 (24-71) |
111 |
-11,96 (-18,04 à -5,87) |
0,0001 |
12 mois |
22,7 (22-98) |
98 |
35,1 (25-34) |
107 |
-12,96 (-19,14 à -6,77) |
< 0,0001 |
Altération de l'activité |
||||||
3 mois |
33,5 (25-07) |
247 |
46,7 (23-37) |
285 |
-3,23 (-16,79 à -9,68) |
< 0,0001 |
6 mois |
31,0 (25-05) |
234 |
42,9 (24-03) |
280 |
-11,99 (-15,60 à -8,38) |
< 0,0001 |
12 mois |
31,0 (26-44) |
222 |
40,1 (24-42) |
267 |
-9,11(-12,80 à -5,43) |
< 0,0001 |
- dans des analyses exploratoires du critère de jugement principal à 6 mois, les auteurs n’ont trouvé aucune différence significative dans les sous-groupes pour les mesures initiales de la durée du sommeil définie par l’actimètre ou la sévérité de la dépression, de l'âge, de l'utilisation de médicaments pour le sommeil, ou du niveau de restriction du sommeil ; il n'y avait aucune preuve de différences dans la survenue d'événements indésirables prédéfinis à aucun moment
- le coût moyen de la prestation de la thérapie de restriction du sommeil était de £ 52,60 par participant ; le coût moyen de la formation par participant pour la thérapie de restriction du sommeil était de £ 31,70 ; les coûts liés à l'insomnie pour l’assurance-maladie (le NHS) et pour le patient, les utilités EQ-5D-3L (18) et les QALY étaient similaires entre les groupes intervention et groupe témoin
- l'analyse du scénario de base, utilisant des données à imputation multiple, un ajustement des covariables, et effectuée du point de vue du NHS et du patient, a généré des coûts incrémentiels de £ 43,59 (avec IC à 95% de -18,41 à 105,59) et des QALY incrémentiels de 0,021 (avec IC à 95% de 0,0002 à 0,042) dans le groupe intervention par rapport au groupe témoin ; ces résultats ont abouti à un ICER moyen de £ 2075,71 par QALY gagnée ; la probabilité que la thérapie de restriction du sommeil soit rentable selon le seuil de rentabilité du NICE de £ 20 000 par QALY était de 95,3%, avec un bénéfice monétaire net moyen de £ 377,84.
Conclusion des auteurs
Les auteurs affirment que la thérapie brève de restriction du sommeil dispensée par une infirmière en soins primaires est efficace dans le traitement du trouble de l'insomnie et améliore d'autres aspects de la santé mentale et du fonctionnement. Elle est susceptible d'être rentable et offre une approche praticable pour les cliniciens souhaitant suivre les lignes directrices pour les patients atteints de trouble de l'insomnie.
Financement de l’étude
The National Institute for Health and Care Research Health Technology Assessment Programme.
Conflit d’intérêts des auteurs
Un des auteurs déclare être co-fondateur et actionnaire de Big Health, en dehors du travail dont il est question dans cette recherche ; un second déclare percevoir des honoraires de consultation de la part de Mementor DE, également en dehors de cette recherche ; un troisième déclare recevoir un soutien non financier de la part de Big Health sous la forme d'un accès gratuit au programme d'amélioration du sommeil numérique, Sleepio, à des fins de recherche clinique, en dehors de la présente recherche ; tous les autres auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d'intérêts.
Discussion
Évaluation de la méthodologie
Cette étude randomisée contrôlée robuste combine plusieurs points positifs, notamment parce qu’elle combine plusieurs aspects mesurant les bénéfices et coûts d’une version courte et simplifiée d’une thérapie comportementale cognitive, délivrée en soins primaires. Les auteurs utilisent plusieurs outils validés pour la mesure des dimensions pertinentes sur le plan clinique. Une faiblesse possible de l’étude réside dans le taux d’attrition plus élevé que prévu dans le groupe intervention (25% au lieu des 20% initialement prévus), ce qui peut introduire un biais potentiel dans l’étude si les participants ayant quitté l’étude présentaient des résultats systématiquement moins favorables. Les auteurs attribuent ce taux d’abandon relativement élevé dans le groupe intervention à deux phénomènes : d’une part, certains participants ne trouvaient pas de bénéfices à la restriction du sommeil et d’autre part, ces participants devaient passer pas mal de temps à compléter les questionnaires et agendas. Enfin, une grande partie de l’étude s’est déroulée au plus fort de la pandémie de covid-19, ce qui a rendu les échanges avec les participants plus difficile.
Évaluation des résultats
Les auteurs relèvent que les participants sont représentatifs de la réalité clinique pour le phénomène de l’insomnie : l’échantillon comprenait davantage de femmes, présentaient des symptômes d’insomnie sur une longue durée et n’avaient pas de comorbidités. Cependant, l’échantillon peut ne pas être représentatif d’une population générale belge, vu que 50% de l’échantillon disposait d’un diplôme universitaire, 97% avaient une ascendance ethnique blanche et vivaient dans des zones à faible taux de précarité financière. De plus, les personnes présentant des comorbidités qui pourraient potentiellement être aggravées par un temps de sommeil restreint ont été exclues. Les résultats ne peuvent donc pas être généralisés à ces populations, qui pourraient nécessiter une version adaptée de la thérapie de restriction du sommeil. Une nouvelle étude, plus ciblée, pourrait également être préconisée.
Bien que la thérapie de restriction du sommeil soit efficace, les auteurs soulignent qu'elle est un traitement exigeant et que des efforts doivent être fournis pour soutenir l’engagement des patients. L’accès aux thérapies comportementales cognitives en cas de trouble du sommeil reste problématique (1). Si les infirmières peuvent administrer efficacement la thérapie de restriction du sommeil, cela peut améliorer l'accessibilité au traitement, réduire la charge sur les autres prestataires de soins de santé et éventuellement conduire à des interventions plus opportunes pour ceux souffrant d'insomnie (1). Déterminer l'efficacité clinique de la thérapie de restriction du sommeil dispensée par des infirmières fournit des informations précieuses sur l'efficacité de cette intervention.
Que disent les guides pour la pratique clinique ?
WOREL a publié une ligne directrice en 2018 portant sur les différents traitements de l’insomnie en soins primaires. Ses recommandations incluent les options de traitement non-pharmacologiques, dont la thérapie comportementale cognitive. Cette ligne directrice s’adresse néanmoins aux médecins généralistes (19). De même, une conférence de consensus de l’INAMI, datant de 2022, préconise le recours à la psychoéducation et des thérapies cognitivo-comportementales pour les insomnies chroniques, sans préciser toutefois qui devrait délivrer ces thérapies (20).
Conclusion de Minerva
Cette étude randomisée contrôlée pragmatique de bonne qualité méthodologique montre que chez des patients présentant des troubles du sommeil, la thérapie de restriction du sommeil dispensée par une infirmière en soins primaires ayant bénéficié d’une formation de 4 heures, versus des conseils concernant l'hygiène du sommeil plus les soins usuels, s'avère efficace dans le traitement du trouble de l'insomnie et l'amélioration d'autres aspects de la santé mentale et du fonctionnement à 3, 6 et 12 mois. Il est probable qu'elle soit rentable et offre une approche pratique pour les cliniciens souhaitant suivre les directives pour les patients atteints de troubles de l'insomnie. Cependant, d’autres études sont nécessaires pour pouvoir généraliser ces résultats à l’ensemble des patients.
- Hafner M, Romanelli RJ, Yerushalmi E, Troxel WM. The societal and economic burden of insomnia in adults. An international study. RAND Corporation, 2023.
- Callens J. La thérapie comportementale cognitive numérique pour l’insomnie a-t-elle aussi des effets positifs sur les capacités fonctionnelles en journée, sur le bien-être psychologique et sur la qualité de vie ? Minerva Analyse 15/07/2019.
- Espie CA, Emsley R, Kyle SD, et al. Effect of digital cognitive behavioral therapy for insomnia on health, psychological well-being, and sleep-related quality of life: a randomized clinical trial. JAMA Psychiatry 2019;76:21-30. DOI: 10.1001/jamapsychiatry.2018.2745
- Declercq T. Forme simplifiée de restriction de sommeil comme traitement de l’insomnie en première ligne de soins ? MinervaF 2016;15(6):136-9.
- Falloon K, Elley CR, Fernando A, 3rd, Lee AC, Arroll B. Simplified sleep restriction for insomnia in general practice: a randomised controlled trial. Br J Gen Pract 2015;65:e508-15. DOI: 10.3399/bjgp15X686137
- Coteur K. Henrard G. Schoenmakers B, et al. The 'effectiveness' of a blended care program for the discontinuation of benzodiazepines use for sleeping problems in primary care: a cluster randomized trial. Brussels: KCE, Belgian Health Care Knowledge Centre, 2022.
- Espie CA, Kyle SD, Hames P, et al. The Sleep Condition Indicator: a clinical screening tool to evaluate insomnia disorder. BMJ Open 2014;4:e004183. DOI: 10.1136/bmjopen-2013-004183
- Buysse DJ, Reynolds CF 3rd, Monk TH, et al. The Pittsburgh Sleep Quality Index: a new instrument for psychiatric practice and research. Psychiatry Res 1989;28:193-213. DOI: 10.1016/0165-1781(89)90047-4
- Kyle SD, Siriwardena AN, Espie CA, et al. Clinical and cost-effectiveness of nurse-delivered sleep restriction therapy for insomnia in primary care (HABIT): a pragmatic, superiority, open-label, randomised controlled trial. Lancet 2023;402:975-87. DOI: 10.1016/S0140-6736(23)00683-9
- Morin CM, Belleville G, Bélanger L, Ivers H. The Insomnia Severity Index: psychometric indicators to detect insomnia cases and evaluate treatment response. Sleep 2011;34:601-8. DOI: 10.1093/sleep/34.5.601
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Auteurs
Van Durme T.
infirmière spécialisée, Institut de Recherche Santé et Société (IRSS), UCLouvain
COI : Absence de conflits d’intérêt avec le sujet.
Glossaire
Code
G47
P06
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