Revue d'Evidence-Based Medicine
Quel type d’entraînement physique chez les personnes âgées ?
Contexte
Avec l’âge, la puissance musculaire (force x vélocité du mouvement) diminue plus tôt et plus rapidement que la force musculaire. Les capacités fonctionnelles dépendent plus de la puissance musculaire que de la force musculaire (1). Pour améliorer les capacités fonctionnelles de la personne âgée, la pratique d’exercices en puissance, mais plus souvent en résistance, est proposée. Une comparaison de l’efficacité relative des deux approches n’avait pas encore été réalisée dans une méta-analyse.
Résumé
Méthodologie
Synthèse méthodique et méta-analyses
Sources consultées
- PubMed, EMBASE, CINAHL, PEDro, Cochrane CENTRAL, Google Scholar, jusqu’en avril 2010
- consultation des listes de référence des articles isolés
- pas de restriction de langue.
Etudes sélectionnées
- études randomisées avec attribution par minimisation, évaluant l’efficacité d’exercices de puissance versus exercices conventionnels chez des personnes âgées
- exercices de puissance : exercices avec résistance modérée, avec des mouvements aussi rapides que possibles, pour au moins la phase concentrique de l’exercice
- exercices conventionnels de force : exercices de résistance élevée à modérée avec phase de mouvement concentrique lente
- inclusion de 11 études sur 641 identifiées.
Population étudiée
- 377 sujets âgés ≥ 60 ans (âge moyen de 66 à 77 ans selon les études) avec limites fonctionnelles en majorité mineures, donc personnes non fragilisées
- exclusion des études avec surtout des pathologies neurologiques ou cardiopulmonaires.
Mesure des résultats
- critère primaire : capacités fonctionnelles (par ex. passage de la position assise à debout, pas de danse « en carré » (box stepping))
- critères secondaires : capacités fonctionnelles autorapportées, mesures de l’équilibre, de la marche, de la force, de la puissance et du volume ou de la masse musculaire, effets indésirables
- résultats exprimés en Différence Moyenne Standardisée pour les données continues avec correction pour le Facteur g d’ajustement de Hedgesdifférence moyenne dans une méta-analyse est donnée avec son erreur standard. Trois formules sont couramment utilisées pour calculer cette erreur standard. Le Hedges’ adjusted g se sert d’un facteur g qui corrige pour le biais de faible échantillon. Le g de Hedges permet de déterminer l’ampleur de l’effet. Un g de Hedges = 0,8 signifie que les deux groupes diffèrent l’un de l’autre avec un écart-type de 0,8, ce qui indique un effet important. Un g de Hedges = 0,2 correspond à un petit effet ; un g de Hedges = 0,5 correspond à un effet modéré."> : une DMS de 0,2 correspond à une légère différence, de 0,5 à une différence modérée et de 0,8 à une différence importante ; les auteurs donnent des IC à 95% mais aussi des IC à 95% prédictifs de l’efficacité pour de futures études
- analyse en modèle d’effets aléatoires.
Résultats
- résultats pour l’entraînement en puissance versus conventionnel (de force) : voir tableau
- résultats pour le critère primaire : sur différents tests ; déclarés de pertinence clinique non établie au vu du large IC ; IC à 95% prédictif de -0,05 à 0,68.
Tableau. Résultats pour le critère primaire et les critères secondaires, en Différence Moyenne Standardisée avec IC à 95%, valeur p, test I², à l’avantage de l’entraînement en puissance.
critère |
DMS |
IC à 95% |
Valeur p |
I² en % |
capacités fonctionnelles sur tests |
0,32 |
0,06 à 0,57 |
0,016 |
0 |
capacité fonctionnelle auto-rapportée |
0,16 |
-0,17 à 0,49 |
0,351 |
0 |
équilibre |
0,91 |
-0,17 à 1,99 |
0,098 |
80,7 |
marche |
-0,02 |
-0,47 à 0,42 |
0,918 |
0 |
force |
0,14 |
-0,10 à 0,38 |
0,247 |
0 |
puissance |
0,42 |
-0,02 à 0,85 |
0,059 |
59,2 |
volume et masse musculaires |
0,22 |
-0,37 à 0,82 |
0,459 |
0 |
Conclusion des auteurs
Les auteurs concluent qu’un entraînement en puissance est faisable chez des personnes âgées et présente un faible avantage versus un entraînement en force en termes de critères fonctionnels. Aucune conclusion solide ne peut être formulée en termes de sécurité.
Financement de l’étude
Aucun n’est mentionné.
Conflits d’intérêt des auteurs
Aucun n’est déclaré.
Discussion
Considérations sur la méthodologie
La méthodologie de cette synthèse méthodique avec méta-analyses est de qualité variable selon les étapes réalisées. Après une large recherche dans la littérature, la sélection et l’évaluation de la qualité méthodologique des études sont correctement effectuées par 2 chercheurs avec recherche de biais pour la séquence et le secret d’attribution, pour l’insu des évaluateurs (études non en double aveugle), pour l’adéquation des analyses. Les auteurs ne donnent pas de score par étude et concluent à un risque modéré de biais, n’excluant aucune étude des méta-analyses pour ce motif. Ils reconnaissent que les renseignements sont insuffisants dans la majorité des études pour évaluer les risques de biais, que le taux de sorties d’étude est très important dans 2 études. Aucune certitude donc que cette méta-analyse repose sur des données de qualité suffisante. L’extraction des données est réalisée par un des auteurs avec contrôle par un deuxième et contact éventuel des auteurs de l’étude originale en cas de données manquantes. L’hétérogénéité est correctement recherchée (test I²) et les résultats sont corrigés pour le faible échantillonnage (facteur g de Hedges). Les études incluent (sauf 1) moins de 22 participants par bras. Un des problèmes majeurs est qu’elles ne corrigent apparemment pas pour les valeurs initiales et ne donnent que très rarement des différences intergroupes pour les modifications des valeurs versus valeurs initiales.
Interprétation des résultats
Les exercices sont proposés dans les différentes études en 2 à 3 séries de 8 à 12 exercices répétés, 3 séances par semaine, pendant 8 à 16 semaines (maximum 24 semaines). La différence essentielle entre les 2 types d’exercices proposés est leur vélocité, la charge d’exercice n’étant clairement différente que dans 4 études. Différentes techniques et/ou appareillages sont utilisés. Pour les 2 types d’exercices, ce sont des engins pour exercices qui sont le plus fréquemment utilisés (7 études sur 11). Pour les exercices en puissance, l’adaptation a été progressive dans plusieurs études (d’abord résistance et vélocité faibles). Les différences entre les deux groupes sont donc loin d’être franches et les interventions au sein de chaque groupe ne sont pas du tout standardisées.
L’analyse des résultats montre une différence statistiquement significative mais de pertinence clinique non établie, comme le mentionnent les auteurs eux-mêmes dans leur article, mais pas dans le résumé ! Cette différence n’est pas ajustée pour les valeurs initiales. Une différence entre les 2 groupes pour une modification versus valeurs initiales (très rarement rapportée comme signalé au paragraphe précédent) n’est significative que pour le critère secondaire puissance musculaire. Les auteurs mentionnent que les études reprises dans cette méta-analyse ne concernent pas des patients fragilisés, ni des patients fort âgés, ni des patients identifiés comme à risque de chutes. Les données concernant les patients inclus sont cependant insuffisantes (même dans les tables disponibles sur le site de publication) pour confirmer cette affirmation. Les résultats ne sont donc probablement pas transposables pour ces personnes pour lesquelles la faisabilité et l’utilité d’exercices de puissance restent à montrer.
Effets indésirables
Les événements graves observés dans ces études à faible population n’ont pas été attribués aux exercices pratiqués. Les chutes ont été plus fréquentes dans les groupes exercices de force (7 chutes) que dans les groupes exercices de puissance (1 chute). La rareté des arrêts pour exacerbation de la douleur arthrosique, rechute de fasciite chronique, survenue d’une gêne musculaire mineure ou douleurs articulaires, dans des études à (très) faible population ne permet pas d’en situer la fréquence ni une différence selon le type d’exercices.
Conclusion de Minerva
Cette synthèse méthodique avec méta-analyses sur des populations très faibles d’études aux nombreuses limites méthodologiques ne montre pas de plus-value de pertinence clinique assurée d’un programme d’exercices de puissance versus exercices de force (résistance) conventionnel chez des personnes âgées d’au moins 60 ans non fragilisées, en termes de modifications des capacités fonctionnelles.
Pour la pratique
Pour la prévention cardiovasculaire, sans distinction d’âge, il est recommandé de pratiquer des exercices physiques, par exemple 5 fois par semaine 30 minutes par jour de vélo, de marche soutenue, de jardinage ou activité assimilée (2). De même, en prévention des chutes chez les personnes âgées, un renforcement musculaire et des exercices d’équilibre se sont révélés efficaces, de même que des exercices de Tai-Chi en groupes (3).
Cette méta-analyse-ci, qui évalue les capacités fonctionnelles chez des personnes non fragilisées et non à risque de chutes (selon les auteurs), avec absence de traitements standardisés par type d’exercices (puissance ou résistance) n’apporte pas d’élément complémentaire utile aux recommandations existantes.
Références
- Skelton DA, Greig CA, Davies JM, Young A. Strength, power and related functional ability of healthy people aged 65-89 years. Age Ageing 1994;5:371-7.
- Boland B, Christiaens T, Goderis G, et al. Aanbeveling voor goede medische praktijkvoering. Globaal cardiovasculair risicoprofiel. Huisarts Nu 2007;36:339-371.
- Chevalier P. Prévention des chutes chez les personnes âgées. Société Scientifique de Médecine Générale, Recommandations de Bonne Pratique. Synthèse de la mise à jour SSMG mars 2008.
Auteurs
Chevalier P.
médecin généraliste
COI :
Paulus Y.
kinésithérapeute, attaché expert INAMI
COI :
Code
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