Revue d'Evidence-Based Medicine



Editorial: Enregistrement sans fin



Minerva 2007 Volume 6 Numéro 9 Page 129 - 129

Professions de santé


 

Un traitement par rosiglitazone comporte un risque significativement accru d’infarctus du myocarde et également, probablement, de décès d’origine cardio-vasculaire selon une méta-analyse publiée récemment (1). Le risque d’insuffisance cardiaque avec les thiazolidinediones était déjà connu (2). Cette classe d’antidiabétiques oraux avait pourtant été largement promotionnée pour son intérêt en termes de prévention de morbidité ou de mortalité cardio-vasculaires, en se basant sur une modification favorable des risques cardio-vasculaires (3), critères pourtant uniquement intermédiaires.

Une étude avait ensuite été élaborée pour apporter les preuves nécessaires avec la pioglitazone. Nous l’avons largement commentée dans Minerva (4), entre autres pour ses manipulations au niveau des critères de jugement (5). Elle ne montrait pas de bénéfice prouvé de cette glitazone pour le critère de jugement composite (cardio-vasculaire) pourtant très large.

La méta-analyse de Nissen et coll. montre qu’une glitazone augmente ce risque (1). Deux éditorialistes (6,7) commentent cette méta-analyse en insistant sur la faiblesse du dossier d’enregistrement initial. La presse de l’International Society of Drugs Bulletin (ISDB) avait fait cette remarque dès leur arrivée sur le marché (8,9). Après leur commercialisation, au fil des années, des effets indésirables de plus en plus variés et nombreux ont été signalés. Sont ainsi actuellement répertoriés, les effets indésirables suivants : insuffisance cardiaque, troubles de la fonction hépatique, oedèmes maculaires avec baisse de l’acuité visuelle, augmentation de l’incidence des fractures distales (avant-bras, poignets, mains, jambes, pieds) chez les femmes, augmentation des cancers de la vessie (pour la pioglitazone). Des effets indésirables mal connus initialement, une absence d’un bénéfice clinique réel, autre que sur des critères intermédiaires, n’auraient-ils pas dû conduire les agences nationales ou internationales à être plus réservées quant à l’acceptation d’enregistrement des médicaments ? C’était l’avis initial de la presse ISDB et c’est l’avis actuel d’éditorialistes du New England Journal of Medicine (6,7). Il semble cependant que les agences précitées n’ont pas retenu la leçon, entre autres celle du Vioxx® et celle-ci, plus récente, des glitazones. Elles ont accepté ou sont sur le point de le faire, des médicaments qui sont les premiers représentants d’une nouvelle classe d’antidiabétiques oraux, les gliptines qui agissent par la voie des incrétines, hormones intestinales intervenant dans l’homéostasie du glucose. De nombreux médicaments de cette nouvelle classe sont en expérimentation clinique, certains sont déjà enregistrés. Les dossiers d’enregistrement sont-ils plus solides ? Ce n’est pas l’avis d’un expert qui souligne, preuves à l’appui, toujours dans le New England Journal of Medicine (10), la faiblesse des données publiées concernant la sitagliptine lors de son approbation par la FDA. Cette carence au niveau des dossiers d’enregistrement est également montrée, en Europe, dans une enquête récente (11). L’auteur de cette recherche montre que moins de la moitié des nouveaux médicaments arrivant sur le marché ont été comparés aux médicaments existants. Ces études comparatives ne sont publiées et donc accessibles que pour 27% de ces médicaments.

N’est-on pas en droit d‘exiger de nos agences d’enregistrement nationales ou internationales une plus grande rigueur dans les dossiers d’enregistrement de nouveaux médicaments ? Ce dossier devrait comporter des études avec des critères de jugement forts, des données comparatives avec le traitement de référence, être d’une durée suffisante, analyser les effets indésirables sur une population significative, avec obligation de poursuivre de manière rigoureuse des études d’observation de ces effets indésirables, avec communication aux autorités des résultats de ces études dans les délais fixés.

 

Références 

  1. Nissen SE, Wolski K. Effect of rosiglitazone on the risk of myocardial infarction and death from cardiovascular causes. N Engl J Med 2007;356:2457-71.
  2. Delea TE, Edelsberg JS, Hagiwara M, et al. Use of thiazolidinediones and risk of heart failure in people with type 2 diabetes: a retrospective cohort study. Diabetes Care 2003;26:2983-9.
  3. Chiquette E, Ramirez G, Defronzo R. A meta-analysis comparing the effect of thiazolidinediones on cardiovascular risk factors. Arch Intern Med 2004;164:2097-104.
  4. van Driel M, Christiaens T. Pioglitazone pour le diabète : espoirs déçus. MinervaF 2006;5(6):86-8.
  5. Lemiengre M, van Driel M. Marketing de critères primaires et secondaires. [Editorial] MinervaF 2006;5(6):81.
  6. Psaty BM, Furberg CD. The record on rosiglitazone and the risk of myocardial infarction. N Engl J Med 2007;357:67-9.
  7. Psaty BM, Furberg CD. Rosiglitazone and cardiovascular risk. N Engl J Med 2007;356:2522-4.
  8. Rosiglitazon. Geneesmiddelenbulletin 2001;35:31-3.
  9. Pioglitazone and rosiglitazone for diabetes. Drug & Ther Bull 2001;38:65-8.Nathan DM. Finding new treatments for diabetes - how many, how fast . . . how good? N Engl J Med 2007;356:437-40.
  10. van Luijn JC, Gribnau FW, Leufkens HG. Availability of comparative trials for the assessment of new medicines in the European Union at the moment of market authorization. Br J Clin Pharmacol 2007;63:159-62.
Editorial: <strong><a style="font-size:medium" data-toggle="popover" data-trigger="hover" title="enregistrement" data-content="Lors d’un enregistrement, on étudie la survenue dans une population d’une ou plusieurs caractéristique(s) (par exemple des facteurs de risque ou une maladie) au moyen d’un questionnaire ou d’une recherche auprès (d’un échantillon) de cette population déterminée.">Enregistrement</a></strong> sans fin



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