Revue d'Evidence-Based Medicine
Marketing de critères primaires et secondaires
Minerva 2006 Volume 5 Numéro 6 Page 81 - 81
Professions de santé
Notre attention a été attirée par deux documents promotionnels concernant tous deux un hypolipidémiant, documents publiés simultanément. Le premier prétend que 40 mg de simvastatine sont aussi efficaces que 80 mg d’atorvastatine. Le second affirme cependant que 80 mg d’atorvastatine sont supérieurs à 40 mg de simvastatine. De telles contradictions dans les publicités ne nous étonnent plus. Chacun peut en effet y trouver sa vérité. Ce qui a, en fait, attiré notre attention c’était la référence qui appuyait ces assertions contradictoires: une seule et identique publication, celle de l’étude IDEAL, discuté avec l’étude TNT dans ce numéro de la Revue Minerva 1. Une explication possible?
La réponse est simple. Le premier message se fonde sur les résultats du critère de jugement primaire de l’étude IDEAL et la deuxième affirmation est basée sur les critères secondaires de cette même étude. Contradiction évidente entre ces assertions? Comment interpréter les résultats de cette étude? La question exacte est d’ordre méthodologique: «comment interpréter les résultats pour un critère secondaire quand ceux du critère primaire n’atteignent pas le seuil de la signification statistique?» Un mot d’explication d’abord concernant la différence entre critère primaire et critère secondaire. Pour évaluer une supériorité éventuelle d’un (nouveau) médicament par rapport à un autre, il faut réaliser une étude clinique (RCT). Les chercheurs définissent alors un critère de jugement pertinent qui permettra de convaincre les praticiens qu’il faut prescrire ce médicament à leurs patients, un critère de jugement primaire. Le nombre de patients à inclure, dans l’étude, pour montrer une différence éventuelle, entre les traitements évalués, pour ce critère primaire, dépend du degré de certitude de ne pas nous tromper que nous voulons atteindre. Nous pourrions, par exemple, conclure à tort qu’il n’y a pas de différence alors qu’il en existe réellement une. Généralement, le risque d’erreur admis est inférieur à 10 à 20%. Autrement dit, la puissance nécessaire pour qu’une étude puisse montrer une différence qui existe est de 90 à 80%. Tous ces calculs sont effectués pour le critère d’évaluation primaire.
Si les résultats pour ce critère primaire ne sont pas statistiquement significativement différents entre les groupes, certains auteurs essaient de masquer cette observation et, comme l’écrit Freemantle de «lock the crazy aunt in the attic» (d’enfermer au grenier la tante folle), pour éviter tout souci 2. Le deuxième message publicitaire use de cet artifice, tout comme les auteurs de l’étude ProACTIVE 3 également analysée dans ce numéro. Ce procédé est incorrect au point de vue méthodologie. Dans une étude, une absence de différence statistiquement significative pour les résultats du critère primaire engloutit sa puissance. Le hasard joue alors un rôle important, même si pour un critère secondaire les résultats semblent statistiquement significatifs 2,4. Ces résultats pour les critères secondaires se résument à des hypothèses à confirmer. Même si les résultats pour le critère primaire sont statistiquement significatifs, la prudence reste de rigueur dans l’interprétation des résultats pour des critères secondaires ou pour des analyses en sous-groupes. Le hasard a un rôle non négligeable pour ces données qui sont donc moins fiables2. Des recommandations pour la pratique construites sur des résultats de critères secondaires sont, certainement s’ils sont observés dans une unique étude, une entreprise périlleuse.
Faire de la publicité coûte cher, mais le profit potentiel engendré par des messages publicitaires simples paraissant basés sur l’Evidence-Based Medicine et adressés aux médecins est important. Des slogans publicitaires ne peuvent nous apprendre où est l’intérêt de nos patients. Une lecture critique des résultats d’une étude bien.
M. Lemiengre et M. van Driel
Références
- Lemiengre M. Statines: bénéfice proportionnel à la dose? MinervaF 2006;5(6):82-5.
- Freemantle N. Interpreting the results of secondary end points and subgroup analyses in clinical trials: should we lock the crazy aunt in the attic? BMJ 2001;322:989-91.
- van Driel M, Christiaens T. Pioglitazone pour le diabète: espoirs déçus. MinervaF 2006;5(6):86-8.
- Freemantle N. How well does the evidence on pioglitazone back op researchers’ claims for reduction in macrovascular events? BMJ 2005;331:836-9.
Auteurs
Lemiengre M.
Huisartsenpraktijk De Wijngaard Roeselare; Vakgroep Huisartsgeneeskunde en Eerstelijnsgezondheidszorg, UGent
COI :
van Driel M.
Vakgroep Huisartsgeneeskunde en Eerstelijnsgezondheidszorg, UGent
COI :
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