Analyse
Syndrome coronarien aigu : traitement invasif précoce ou non ?
Nous avons dernièrement souligné dans la revue Minerva la difficulté d’un diagnostic de syndrome coronarien aigu (SCA), en particulier en médecine générale (1,2). Si nous avons publié plusieurs analyses concernant le traitement médicamenteux post SCA (3-12), nous n’avons pas encore abordé l’intérêt d’un traitement invasif précoce versus stratégie non invasive.
Wallentin et al. (13) publient en 2016 les résultats sur 15 ans de suivi d’une telle comparaison, spécifiquement chez des patients présentant un SCA sans élévation du segment ST. En 1999, leur étude FRISC-II (14) avait été la première RCT publiée montrant un bénéfice, en termes de survenue d’un critère de jugement composite (décès ou infarctus du myocarde), d’un traitement invasif précoce (n = 1222) versus non invasif (n = 1235) chez des patients des pays nordiques présentant un SCA sans élévation du segment ST, et ceci sur un suivi de 6 mois. Les auteurs publient en 2016 les résultats connus pour 99% des patients initialement randomisés. Le délai de survenue du critère composite primaire précité est de 549 jours (avec IC à 95% de 204 à 888 ; p = 0,002) plus long après une intervention invasive initiale. Cet effet est plus important chez les non-fumeurs (gain moyen de 809 jours avec IC à 95% de 402 à 1175), en cas d’élévation initiale de la troponine comme signe de nécrose myocardique (gain moyen de 778 jours avec IC à 95% de 357 à 1165). C’est surtout le délai de survenue d’un infarctus du myocarde qui influence les résultats, l’effet favorable initial (jusqu’à 2 ans post intervention) observé sur les décès n’étant pas maintenu à plus long terme. A noter, un taux de décès de 40% sur ces 15 ans de suivi, en majorité de cause non cardiaque.
Deux méta-analyses (7 RCTs avec un total de 8375 patients (15) et 8 RCTs incluant un total de 3075 femmes et 7075 hommes (16)) avaient confirmé un bénéfice (à 2 ans) d’un traitement invasif initial.
Un suivi sur 10 ans d’une RCT incluant 1810 patients (17) avait montré un bénéfice en termes de mortalité à 5 ans en faveur d’un traitement invasif initial, bénéfice non prouvé à 10 ans de suivi.
Wallentin et al. proposent d’interpréter ces données à la lumière de 2 éléments : la mortalité observée est en majorité de cause non cardiaque et la mortalité cardiaque faible observée à long terme dans les 2 groupes de traitement peut être liée à de nouvelles procédures invasives (dans les 2 groupes) en cas de nouvel incident myocardique ischémique.
Conclusion
Les résultats à 15 ans de suivi d’une RCT abordant l’intérêt d’un traitement invasif précoce versus stratégie non invasive spécifiquement chez des patients présentant un SCA sans élévation du segment ST montrent un bénéfice, en termes de délai de survenue d’un critère de jugement composite (décès ou infarctus du myocarde), du traitement invasif précoce versus traitement non invasif.
Pour la pratique
Le guide de pratique clinique de la Société Européenne de Cardiologie publié en 2015 (18) recommande (preuves fortes), sans spécifier d’âge, une stratégie invasive rapide (voir ci-dessous les délais) chez les patients avec NSTEMI présentant des symptômes récurrents et chez ceux qui présentent au moins un critère de risque élevé. Dans les 24 heures si un de ces critères de risque élevé est : modification pertinente de la troponinémie, modifications dynamiques du segment ST ou de l’onde T (symptomatiques ou silencieuses), ou score GRACE > 140. Dans les 72 heures si un de ces critères de risque élevé est : diabète de type 2, eGFR < 60 ml/min/1,73 m², fraction d’éjection ventriculaire gauche < 40%, angor précoce post infarctus, PCI récent, ou antécédent de CABG, ou score GRACE de 109 à 140.
Un tel choix était également défendable au-delà de 80 ans pour des personnes bien sélectionnées (19,20). Les résultats de suivi sur 15 ans de l’étude de Wallentin et al. discutée ici confortent ces recommandations.
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