Analyse
Antifongiques oraux pour le traitement de la mycose de l’ongle des orteils
En 2000, Minerva (1) a analysé une étude randomisée contrôlée multicentrique (2) portant sur l’effet de la terbinafine par comparaison avec l’itraconazole pour le traitement de la mycose de l’ongle des orteils (ou onychomycose). Cette étude montrait que la prise quotidienne de 250 mg de terbinafine pendant 12 à 16 semaines était plus efficace que l’administration intermittente d’itraconazole (400 mg/jour pendant une semaine toutes les quatre semaines).
Une synthèse méthodique avec méta-analyse de la Cochrane Collaboration publiée en 2017 a comparé l’efficacité et la sécurité d’emploi de différents antifongiques oraux en cas d’onychomycose (3). Elle inclut 48 études randomisées contrôlées totalisant 10200 patients atteints d’onychomycose pour laquelle la terbinafine, les dérivés azolés (itraconazole pour la plupart) et la griséofulvine ont été comparés entre eux ou à un placebo pendant au moins 12 semaines. Les schémas thérapeutiques et les doses d’un même médicament variaient d’une étude à l’autre (par exemple administration quotidienne ou intermittente, dose élevée ou faible, etc.). La durée de l’étude était le plus souvent de 12 à 15 mois. Les auteurs de la revue ont choisi comme principaux critères de jugement la guérison clinique (disparition de tous les signes cliniques) et la guérison mycologique (confirmée par un résultat négatif à la microscopie ou à la culture). Les critères de jugement secondaires étaient la qualité de vie, les effets indésirables et la prévention de la récidive.
Le niveau de preuve pour les résultats variait de qualité élevée à qualité très mauvaise. La principale raison d’un niveau de preuve indiquant une mauvaise qualité était la (très) faible qualité méthodologique des études incluses. Parmi les 48 études, seulement 8 études mentionnaient une randomisation correcte, 3 études mentionnaient la préservation du secret d’attribution (concealment of allocation), et 12 études mentionnaient le double insu. Les auteurs de la revue attiraient l’attention sur l’importante hétérogénéité entre les études et sur le fait que les études avaient été menées à petite échelle.
Résultats
Guérison clinique et guérison mycologique
Une étude comparative a montré que la terbinafine était plus efficace que les dérivés azolés (itraconazole dans 10 des 16 études sélectionnées) pour la guérison clinique (58% versus 46%) avec un risque relatif (RR) de 0,82 avec IC à 95% de 0,72 à 0,95 (N = 15, n = 2168 patients, niveau de preuve selon GRADE modéré) et pour la guérison mycologique (68% versus 52%) avec RR de 0,77 avec IC à 95% de 0,68 à 0,88 (N = 17 ; n = 2.544 patients, niveau de preuve selon GRADE modéré).
Un niveau de preuve élevé (GRADE élevé) montre que tant la terbinafine que les dérivés azolés sont plus efficaces qu’un placebo. La terbinafine est plus efficace que le placebo pour la guérison clinique (48% versus 6%) et pour la guérison mycologique (58,8% versus 16,7%). Les dérivés azolés sont également plus efficaces que le placebo pour la guérison clinique (30,5% versus 13,9%) et pour la guérison mycologique (34,8% versus 7,4%).
Il est important de constater que, malgré un traitement par terbinafine ou dérivés azolés, la guérison clinique n’a été constatée que chez 31 à 57% de tous les patients et la guérison mycologique (résultat négatif à la microscopie et à la culture) que chez 43% à 76%. La guérison clinique signifiait un aspect normal de l’ongle sans aucune anomalie unguéale. Pour la guérison mycologique, il suffisait que le champignon ait disparu à l’examen microscopique ou à la culture. Des faux négatifs à l’examen microscopique peuvent avoir faussé l’interprétation de l’efficacité.
Effets indésirables
Il n’y avait pas de différence quant aux effets indésirables entre les dérivés azolés et la terbinafine, entre la terbinafine et le placebo et entre les dérivés azolés et le placebo. Les effets indésirables les plus fréquents étaient, tant dans le groupe terbinafine que dans le groupe dérivés azolés, les céphalées, les infections virales et les nausées.
Il n’y avait pas suffisamment de données disponibles pour évaluer l’effet du traitement sur la prévention de la récidive et sur la qualité de vie. Pour la même raison, il n’était pas possible d’évaluer la gravité des effets indésirables et l’hépatotoxicité, l’effet dans les groupes à risque comme en cas de diabète, l’effet en cas d’infection par des non-dermatophytes (« moisissures ») et par Candida. Les auteurs de la revue n’ont pas étudié l’effet de différents schémas thérapeutiques et de différentes doses d’un même médicament et ne peuvent donc pas évaluer quelle dose de traitement ou quel schéma thérapeutique sont les meilleurs.
Conclusion
Cette synthèse méthodique avec méta-analyse, qui est de très bonne qualité méthodologique, permet de conclure que tant la terbinafine que les dérivés azolés sont plus efficaces qu’un placebo pour guérir l’onychomycose, que ce soit pour la guérison clinique ou la guérison mycologique, et ce sans différence quant aux effets indésirables. Lors de la comparaison directe entre la terbinafine et les dérivés azolés, la terbinafine était plus efficace que les dérivés azolés, et ce sans différence quant aux effets indésirables. Malgré le traitement, une guérison mycologique n’a été constatée que chez une bonne moitié des patients, et une guérison clinique n’a été observée que chez moins de la moitié des patients.
Pour la pratique
Dans la plupart des cas, il n’est pas médicalement nécessaire de traiter l’onychomycose (4). Le traitement n’est recommandé qu’en cas de diminution de la résistance générale ou en cas de diabète sucré (5). Les guides de bonne pratique existants recommandent autant la terbinafine que l’itraconazole comme traitement des onychomycoses. La terbinafine, à raison de 250 mg une fois par jour pendant trois mois, est considérée comme le premier choix (4-6). Cette méta-analyse confirme les faits probants disponibles, et elle étaye les guides de bonne pratique existants (4-7). Avant d’instaurer un traitement par voie orale, le médecin doit prendre en compte le fait que les antifongiques oraux ont une efficacité limitée contre l’onychomycose et qu’ils ont des effets indésirables qui peuvent être graves, que les interactions médicamenteuses sont nombreuses et que ces médicaments sont coûteux.
- Vermeire E. Behandeling van teennagelmycose. Minerva 2000;29(1):69.
- Evans EG, Sigurgeirsson B; LION Study Group. Double blind, randomised study of continuous terbinafine compared with intermittent itraconazole in treatment of toenail onychomycosis. BMJ 1999;318:1031-5. DOI: 10.1136/bmj.318.7190.1031
- Kreijkamp-Kaspers S, Hawke K, Guo L, et al. Oral antifungal medication for toenail onychomycosis. Cochrane Database Syst Rev 2017, Issue 7. DOI: 10.1002/14651858.CD010031.pub2
- Van Puijenbroek EP, Duyvendak RJ, De Kock CA, et al. NHG-Standaard Dermatomycosen (Eerste herziening). Huisarts Wet 2008;51:76-84.
- Candidoses et mycoses. Dans: BAPCOC. Guide belge des traitements anti-infectieux en pratique ambulatoire. Edition 2012.
- Mycoses cutanées. Ebpracticenet 1/1/2000. Dernière mise à jour 30/05/2017.
- CBIP. Fiche de Transparence Dermatomycoses (eFT) 2018.
Auteurs
Van Leeuwen E.
Klinische Farmacologie, Vakgroep Fundamentele en Toegepaste Medische Wetenschappen; Vakgroep Volksgezondheid en Eerstelijnszorg, UGent
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