Analyse


Risque de cancer de la prostate à long terme : proportionnel au taux du PSA mais sans impact majeur sur la mortalité


15 09 2020

Professions de santé

Médecin généraliste
Analyse de
Kovac E, Carlsson SV, Lilja H, et al. Association of baseline prostate-specific antigen level with long-term diagnosis of clinically significant prostate cancer among patients aged 55 to 60 years: a secondary analysis of a cohort in the Prostate, Lung, Colorectal, and Ovarian (PLCO) Cancer Screening Trial. JAMA Netw Open 2020;3:e1919284. DOI: 10.1001/jamanetworkopen.2019.19284


Conclusion
Cette analyse secondaire d'une cohorte de l'essai de dépistage du cancer PLCO – la plus grande de ce type à ce jour – montre que le taux de base du PSA chez les hommes âgés de 55 à 60 ans est associé à un risque significatif à long terme de cancer de la prostate. Les auteurs proposent une modification des futures pratiques de dépistage basées sur le niveau de base de PSA pour réduire le besoin de biopsie de la prostate et de surdétection de cancers cliniquement indolents, leurs résultats suggérant que le dépistage répété peut être moins fréquent chez les hommes âgés de 55 à 60 ans avec un taux bas de PSA de base < à 2,00 ng/ml et doit peut-être être arrêté chez ceux qui ont des niveaux de base de PSA < à 1,00 ng/ml.



Le dépistage du cancer de la prostate par la détermination du taux sérique de l’antigène prostatique spécifique (PSA) est un sujet controversé qui a déjà fait l’objet d’analyses dans Minerva. En 2014, une étude rétrospective comportant 2 séries de sujets de périodes différentes provenant de 2 études différentes suggérait que l’effet du dépistage du cancer de la prostate par détermination du PSA dépend du taux de PSA à l’âge de 60 ans (1). En raison de faiblesses méthodologiques, Minerva trouvait nécessaire de poursuivre la recherche avant de pouvoir appliquer ces résultats (2). En 2016 (3), une étude d’observation concluait que déterminer une nouvelle fois un taux de PSA initialement augmenté ( > 4 ng/ml) se justifie avant d’envisager une biopsie de la prostate. Cependant, pour Minerva, cette conclusion demandait à être confirmée par des études supplémentaires avec une plus longue période de suivi (').

 

En 2020 a été publiée une analyse du risque de développer un cancer prostatique à long terme selon le taux de PSA mesuré initialement dans le cadre de la cohorte américaine de dépistage du Prostate, Lung, Colorectal, and Ovarian (PLCO) Cancer Screening Trial ((). Rappelons que cette étude n’a globalement pas montré d’effet bénéfique du dépistage du cancer de la prostate sur la survie (§). La présente analyse a été limitée aux patients âgés de 55 à 60 ans au moment de l'enregistrement dans l'étude (1993 à 2001). Un cancer de la prostate a été défini comme cliniquement significatif en cas de stade clinique de cT2b ou supérieur, de grade de Gleason à la biopsie de 7 ou plus, ou de décès spécifiquement dû au cancer prostatique.

L’étude repose sur un total de 10968 hommes âgés de 55 à 60 ans (âge médian [intervalle interquartile], 57 [55-58] ans) à la date de l’enregistrement. Dans l'ensemble, les taux de tout cancer prostatique et de ceux cliniquement significatifs ont été sur 13 ans respectivement de 10,4% (avec IC à 95% de 9,8% à 11,0%) et de 4,8% (avec IC à 95% de 4,4% à 5,2%).

  • L'incidence d'un diagnostic de cancer de la prostate cliniquement significatif a été de :
    • 0,4% (avec IC à 95% de 0% à 0,8%) pour un PSA de base ≤ 0,49 ng/ml,
    • 1,5% (avec IC à 95% de 1,1% à 1,9%) pour un PSA de 0,50 à 0,99 ng/ml,
    • 5,4% (avec IC à 95% de 4,4% à 6,4%) pour un PSA de 1,00 à 1,99 ng/ml,
    • 10,6% (avec IC à 95% de 8,3% à 12,9%) pour un PSA de 2,00 à 2,99 ng/ml,
    • 15,3% (avec IC à 95% de 11,4% à 19,2%) pour un PSA de 3,00 à 3,99 ng/ml
    • 29,5% (avec IC à 95% de 24,2% à 34,8%) pour un PSA ≥ à 4,00 ng/ml ; (p = 0,004).
  • Seulement 15 décès par cancer de la prostate sont survenus au cours des 13 années de suivi, et 9 (60,0%) concernaient des hommes avec un taux de PSA de base ≥ à 2,00 ng/ml.

Que disent les guides de pratique clinique ?

Les recommandations du KCE basées sur une analyse de la littérature (7) concluent que : « Au vu des incertitudes, des inconsistances et des résultats discordants constatés tant dans l’étude ERSPC elle-même qu’entre l’étude ERSPC et l’étude PLCO, il apparaît impossible de confirmer ou d’infirmer avec exactitude un effet favorable ou défavorable du dépistage par PSA sur la mortalité ». Comme l’US Preventive Services Task Force (8), le KCE propose un outil pratique (9) pour aider le praticien à conseiller son patient à faire ses choix en expliquant les bénéfices et les inconvénients du dépistage. La revue Prescrire insiste sur les effets indésirables psychiques et physiques du dépistage qu’il conviendra de bien expliquer au patient (10), en s’aidant éventuellement des fiches patients du KCE (11).

Les nouvelles données issues de cette analyse ne devraient pas changer notre attitude.

 

Conclusion

Cette analyse secondaire d'une cohorte de l'essai de dépistage du cancer PLCO – la plus grande de ce type à ce jour – montre que le taux de base du PSA chez les hommes âgés de 55 à 60 ans est associé à un risque significatif à long terme de cancer de la prostate. Les auteurs proposent une modification des futures pratiques de dépistage basées sur le niveau de base de PSA pour réduire le besoin de biopsie de la prostate et de surdétection de cancers cliniquement indolents, leurs résultats suggérant que le dépistage répété peut être moins fréquent chez les hommes âgés de 55 à 60 ans avec un taux bas de PSA de base < à 2,00 ng/ml et doit peut-être être arrêté chez ceux qui ont des niveaux de base de PSA < à 1,00 ng/ml.

 

 

Références 

  1. Carlsson S, Assel M, Sjoberg D, et al. Influence of blood prostate specific antigen levels at age 60 on benefits and harms of prostate cancer screening: population based cohort study. BMJ 2014;348:g2296. DOI: 10.1136/bmj.g2296
  2. Van den Broeck T, Laurent M, Joniau S. L’effet du dépistage du cancer de la prostate dépend-il du taux du PSA à l’âge de 60 ans ? MinervaF 2014;13(10):123-4.
  3. Lavallée LT, Binette A, Witiuk K, et al. Reducing the harm of prostate cancer screening: repeated prostate-specific antigen testing. Mayo Clin Proc 2016;91:17-22. DOI: 10.1016/j.mayocp.2015.07.030
  4. Moris L, Van den Broeck T, Tosco L, Joniau S. Répéter le dosage du PSA après une première valeur anormale ? Minerva bref 15/07/2016.
  5. Kovac E, Carlsson SV, Lilja H, et al. Association of baseline prostate-specific antigen level with long-term diagnosis of clinically significant prostate cancer among patients aged 55 to 60 years: a secondary analysis of a cohort in the Prostate, Lung, Colorectal, and Ovarian (PLCO) Cancer Screening Trial. JAMA Netw Open 2020;3:e1919284. DOI: 10.1001/jamanetworkopen.2019.19284
  6. Pinsky PF, Miller E, Prorok P, Grubb R, Crawford ED, Andriole G. Extended follow-up for pro Pinsky PF, Miller E, Prorok P, et al. Extended follow-up for prostate cancer incidence and mortality among participants in the Prostate, Lung, Colorectal and Ovarian randomized cancer screening trial. BJU Int 2019;123:854-60. DOI: 10.1111/bju.14580
  7. Mambourg F, Kohn L, Robays J, et al. A decision aid for an informed choice when patient asks for PSA screening. Good Clinical Practice (GCP) Brussels: Belgian Health Care Knowledge Centre (KCE). 2014. KCE Reports 224. D/2014/10.273/45. Available from: https://kce.fgov.be/sites/default/files/atoms/files/KCE224_PSA_screening__0.pdf
  8. US Preventive Services Task Force, Grossman DC, Curry SJ, Owens DK, et al. Screening for prostate cancer: US Preventive Services Task Force Recommendation Statement. JAMA 2018;319:1901-3. DOI: 10.1001/jama.2018.3710
  9. Mambourg F, Kohn L, Robays J, et al. Un outil d’aide à la décision en cas de demande d’un dépistage du cancer de la prostate par PSA – Synthèse. Good Clinical Practice (GCP). Bruxelles: Centre Fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE). 2014. KCE Reports 224Bs. D/2014/10.273/43. Ce document est disponible en téléchargement sur le site Web du Centre Fédéral d’Expertise des Soins de Santé. Available from: https://kce.fgov.be/sites/default/files/atoms/files/KCE_224Bs_cancer_du_prostate_PSA_Synthese_.pdf
  10. Prescrire Rédaction. Cancer localisé de la prostate. L’essentiel sur les soins de premier choix. Actualisation novembre 2019. Prescrire 2019. Rev Prescrire 2020;40:205-9.
  11. Mambourg F. Le dépistage du cancer de la prostate par PSA. Fiche patients.KCE; 2014. Available from: https://kce.fgov.be/sites/default/files/atoms/files/KCE_prostate_fiches-patients.pdf

 

 


Auteurs

Sculier J.P.
Institut Jules Bordet; LabMeF, Université Libre de Bruxelles
COI :

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