Analyse
Répéter le dosage du PSA après une première valeur anormale ?
Le dépistage du cancer de la prostate, par la détermination du taux sérique de l’antigène prostatique spécifique (Prostate Specific Antigen, PSA), reste controversé en raison de l’importance du surdiagnostic et du surtraitement par rapport à la faible réduction de la mortalité due au cancer de la prostate (1,2). Minerva a commenté (3) une étude de cohorte rétrospective publiée en 2014 (4) et avait conclu que l’effet du dépistage du cancer de la prostate par détermination du PSA dépendait du taux de PSA à l’âge de 60 ans. Cette étude avait montré que le dépistage du cancer de la prostate tous les deux ans entraînait une réduction importante de la mortalité spécifiquement due au cancer prostatique uniquement chez les hommes dont le taux de PSA était ≥ 2 ng/ml à l’âge de 60 ans. Une autre manière d’éviter le surdiagnostic et le surtraitement consisterait, en cas de valeur anormale d’une seule mesure du PSA, à répéter le dosage du PSA avant de procéder à des biopsies de la prostate.
Une étude de cohorte publiée en 2016 (5) a recherché la relation entre la répétition de la mesure du taux de PSA, le risque de biopsie de la prostate et le diagnostic de cancer prostatique. Elle a inclus 1268 patients sans antécédents de biopsie de la prostate ni de cancer prostatique, qui, en raison d’un taux de PSA augmenté se situant entre 4 et 10 ng/ml, ont été adressés à un centre de diagnostic régional pour le cancer de la prostate au Canada et chez qui, dans les trois mois après cette orientation, une deuxième mesure du taux de PSA a été effectuée. Chez 315 patients (24,8%), la valeur de la mesure répétée du taux de PSA a été normale (< 4 ng/ml). Par comparaison aux hommes chez qui la valeur de la mesure répétée du taux de PSA était anormale (≥ 4 ng/ml), ces patients étaient plus jeunes (âge moyen de 61,5 ans (ET 8,2 ans) versus 65,2 ans (ET 8,2 ans) ; p < 0,001), et leur taux de PSA au moment de l’orientation était plus faible (moyenne 5,5 ng/ml (ET 1,4 ng/ml) versus 6,6 ng/ml (ET 1,5 ng/ml) ; p < 0,001). Après correction pour tenir compte de l’âge et des résultats anormaux au toucher rectal, les patients chez qui la valeur de la mesure répétée du taux de PSA était normale présentaient un risque moins important, et ce de manière statistiquement significative, de subir une biopsie de la prostate dans l’année suivant l’orientation (RR de 0,42 avec IC à 95% de 0,34 à 0,50), un risque plus faible de diagnostic de cancer de la prostate (RR de 0,22 avec IC à 95% de 0,14 à 0,34) et un risque plus faible d’avoir un score de Gleason ≥ 7 (RR de 0,16 avec IC à 95% de 0,08 à 0,34). Cependant, il est possible que ces chiffres ne reflètent pas la réalité. En effet, les investigateurs sont peut-être passés à côté d’un nombre important de cancers de la prostate parce qu’ils ont réalisé moins de biopsies chez les patients chez qui la mesure répétée du taux de PSA était normale versus ceux chez qui elle était anormale (28,3% vs 62,3%). Des études avec un suivi à plus long terme devront clarifier ce point.
Dans une étude similaire publiée en 2009 déjà (6), il avait été constaté qu’un taux de PSA initial se situant entre 4 et 10 ng/ml se normalisait (< 4 ng/ml) endéans les 10 ans dans 38% des cas. Dans ce groupe, 12% des patients avaient subi une biopsie de la prostate, 3% avaient un cancer de la prostate, et < 1% avait un score de Gleason ≥ 7. Ces chiffres sont comparables à ceux de l’étude décrite plus haut (5), mais les auteurs concluaient qu’une valeur normale lors la mesure répétée du taux de PSA ne permettait pas d’exclure un cancer de la prostate et que cela ne pouvait pas influencer la réalisation d’une biopsie de la prostate, qui, selon eux, devait être posée sur un risque clinique de cancer de la prostate. Ceci illustre encore une fois combien il est difficile d’interpréter les résultats d’une recherche d’observation. Toutefois, les GPC internationaux préconisent déjà, en cas de valeur anormale du PSA, de refaire un contrôle du taux de PSA après quelques semaines avant de passer aux étapes suivantes, sauf lorsque le taux de PSA > 20 ng/ml et qu’une prostatite a été exclue (7).
Conclusion
Cette étude d’observation conclut que déterminer une nouvelle fois un taux de PSA initialement augmenté (> 4 ng/ml) se justifie avant d’envisager une biopsie de la prostate. Cependant, cette conclusion demande à être confirmée par des études supplémentaires avec une plus longue période de suivi.
Références
- Spinnewijn B, Van den Bruel A. Cancer de la prostate : à dépister ou non ? MinervaF 2009;8(9):124-5.
- Schröder FH, Hugosson J, Roobol MJ; ERSPC Investigators. Screening and prostate-cancer mortality in a randomized European study. N Engl J Med 2009;360:1320-8.
- Joniau S, Laurent M, Van den Broeck T. L’effet du dépistage du cancer de la prostate, dépend-il du taux du PSA à l’âge de 60 ans? MinervaF 2014;13(10):123-4
- Carlsson S, Assel M, Sjoberg D, et al. Influence of blood prostate specific antigen levels at age 60 on benefits and harms of prostate cancer screening: population based cohort study. BMJ 2014;348:g2296.
- Lavallée LT, Binette A, Witiuk K, et al. Reducing the harm of prostate cancer screening: repeated prostate-specific antigen testing. Mayo Clin Proc 2016;91:17-22
- Connolly D, Black a, Murray LJ, et al. Repeating an abnormal prostate-specific antigen (PSA) level: how relevant is a decrease in PSA? Prostate Cancer Prostatic Dis 2009;12:47-51.
- Heidenreich A, Bastian PJ, Bellmunt J, et al. EAU guidelines on prostate cancer. Part 1: Screening, diagnosis, and local treatment with curative intent - Update 2013. Eur Urol 2014;65:124-37.
Auteurs
Tosco L.
Dienst Urologie, UZ Leuven
COI :
Moris L.
Dienst Urologie, UZ Leuven
COI :
Van den Broeck T.
Dienst Urologie, UZ Leuven; Laboratorium voor Moleculaire Endocrinologie, KU Leuven
COI :
Joniau S.
Dienst Urologie, UZ Leuven
COI :
Glossaire
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