Analyse


Faut-il supplémenter les patients diabétiques de type 2 en fibres solubles ?


15 11 2020

Professions de santé

Diététicien, Médecin généraliste
Analyse de
Jovanovski E, Khayyat R, Zurbau A, et al. Erratum. Should viscous fiber supplements be considered in diabetes control? Results from a systematic review and meta-analysis of randomized controlled trials. Diabetes Care 2019;42:755-66. Diabetes Care 2019;42:1604. DOI: 10.2337/dc19-er08a


Conclusion
Cette revue systématique et méta-analyse, de qualité méthodologique satisfaisante mais reposant sur des données hétérogènes, montre que la supplémentation en fibres solubles semble intéressante chez les patients diabétiques de type 2, en complément de leur prise en charge habituelle (incluant les traitements médicamenteux usuels). Les patients les moins bien équilibrés (HbA1c élevée, indice d’insulinorésistance plus important) pourraient en bénéficier d’autant plus. Aucune relation de type dose-effet n’ayant été retrouvée, et l’excès de fibres pouvant avoir des effets indésirables (ballonnements, douleurs abdominales) un apport de l’ordre de 10 à 15 g de fibres solubles par jour, tel qu’utilisé dans l’étude, parait a priori pertinent. A cet effet, rappelons que la dose quotidienne de fibres (solubles et insolubles) recommandée en population générale est de 25 g par jour.



L’alimentation est l’un des piliers de l’équilibre du diabète, en particulier de type 2, souvent associé au surpoids ou à l’obésité. L’apport de fibres, notamment, fait partie des interventions diététiques les plus discutées (1). Malgré une position frileuse de l’ADA (American Diabetes Association) en 2014, qui a jugé marginal l’effet du régime riche en fibres sur la glycorégulation (2), beaucoup d’études cliniques contredisent cette opinion (3). En fait, les fibres alimentaires peuvent être de deux types : solubles (ou visqueuses) ou insolubles. Les premières favoriseraient la régulation de l’hyperglycémie et des dyslipidémies (4). Cette action serait liée à leur capacité d’augmentation de la viscosité du bol alimentaire, conduisant à une diminution du taux d’absorption des nutriments et à un aplatissement du pic glycémique et insulinique post-prandial (5).En 2018, l’ADA a d’ailleurs révisé sa copie en recommandant la consommation d’aliments riches en fibres solubles (6) tels que l’avoine, les légumes et les agrumes (qui comptent parmi les fruits les moins sucrés).

 

La présente étude se focalise justement sur la supplémentation en fibres solubles (7). Les auteurs ont cherché à montrer l’intérêt d’un tel apport sur plusieurs paramètres utilisés conventionnellement pour déterminer le contrôle du diabète : hémoglobine glycosylée (HbA1c), glycémie à jeun, insulinémie à jeun, indice HOMA d'insulino-résistance et fructosaminémie. Pour cela, cette revue systématique avec méta-analyse a inclus 27 essais comparatifs rapportant 28 comparaisons, pour un total de 1394 patients. Seuls les essais avec groupe contrôle (et comparateur pertinent tel que placebo, fibres insolubles, régime habituel ou supplément sans fibre) d’une durée de plus de 3 semaines ont été sélectionnés. Les suppléments en fibres solubles ont pris des formes variées : bêta-glucane, gomme de guar, de xanthane, konjac, psyllium, pectine, agar et cetera. Les sources consultées ont été : EMBASE, Medline et la Cochrane Central Register of controlled trials. Les études sélectionnées ont été analysées par 2 auteurs indépendamment l’un de l’autre et les divergences ont été gérées par recherche de consensus ou décision d’une tierce personne. Les résultats poolés sont exprimés en différence moyenne (mean differences : MD) entre la mesure avant intervention et celle après supplémentation en fibres solubles. L’apport médian de fibres était de 13,1 g par jour sur une durée médiane de 8 semaines. L’ensemble des participants présentait a minima un surpoids avec un IMC médian de 27 kg/m² et des valeurs limites comprises entre 26 et 32 kg/m².

Au total, les résultats montrent qu’une dose médiane de 10,9 g par jour de fibres solubles sur une durée médiane de 8 semaines est associée à une réduction significative de l’HbA1c (MD de -0,58% avec IC à 95% de -0,88 à -0,28). Une dose médiane de 13,1 g par jour sur la même durée est associée à une diminution significative de la glycémie à jeun (MD de -0,82 mmol/l avec IC à 95% de -1,32 à -0,31). L'indice 'HOMA d'insulinorésistance' a également été significativement amélioré à raison d’une dose médiane de fibres solubles de 10,5 g par jour sur une durée médiane de 6 semaines (MD de -1,89 avec IC à 95% de -3,45 à -0,33). L’étude n’a pas retrouvé d’effet significatif sur l’insulinémie ni sur la fructosaminémie.

Ces résultats sont toutefois assortis d’une forte hétérogénéité inter-études, avec un indice I² supérieur à 90% sur l’ensemble des résultats en dehors de la fructosamine. Cette hétérogénéité ne s’explique pas par les analyses de sensibilité et en sous-groupes. Toutefois, les analyses de méta-régression montrent que le niveau de base d’HbA1c et de l’indice 'HOMA d'insulinorésistance' peut l’expliquer, les patients ayant un niveau plus élevé avant supplémentation en fibres bénéficiant d’autant plus de cette intervention.

Notons aussi que les études incluses présentent un risque de biais de sélection évalué comme incertain par l’outil Risk of Bias. Le risque de biais de publication a également été évalué de façon appropriée ; il se révèle absent pour les études portant sur l’HbA1c et sur la glycémie à jeun. Pour l’indice de résistance à l’insuline, il est possible qu’un biais de publication soit présent. Les auteurs ont cependant jugé cet effet non significatif sur base des tests d’Egger et trim and fill. En raison d’incohérences entre les études (HbA1c, glycémie à jeun et indice HOMA) et d’imprécisions (insulinémie), ces résultats ont été jugés de qualité modérée selon les critères GRADE. Les résultats sur la fructosamine ont été considérés comme de faible qualité au regard de fortes imprécisions.

La source de financement de cette étude n’est pas clairement identifiable dans le texte de l’étude ni dans les suppléments. Les conclusions de cette étude, bien qu’encourageants, doivent donc être sujets à caution.

 

Que disent les guides de pratique clinique ?

En Belgique, la Société Scientifique de Médecine Générale (SSMG) recommande d’adresser les patients diabétiques à un(e) diététicien(ne) afin d’adapter au mieux leur régime alimentaire (8). D’ailleurs, un remboursement partiel de deux consultations diététiques est possible pour les patients suivant un trajet de soins ou ayant intégré le modèle de soins « suivi d’un patient diabétique de type 2 » (9). La société francophone de diabétologie recommande un apport suffisant en fibres y compris dans la population générale, sans précision sur le type de fibres, et indique que des apports « supérieurs à 25 g seraient bénéfiques pour le maintien du poids et la diminution du risque de maladie cardiaque et du diabète de type 2 » (10).

 

Conclusion

Cette revue systématique et méta-analyse, de qualité méthodologique satisfaisante mais reposant sur des données hétérogènes, montre que la supplémentation en fibres solubles semble intéressante chez les patients diabétiques de type 2, en complément de leur prise en charge habituelle (incluant les traitements médicamenteux usuels). Les patients les moins bien équilibrés (HbA1c élevée, indice d’insulinorésistance plus important) pourraient en bénéficier d’autant plus. Aucune relation de type dose-effet n’ayant été retrouvée, et l’excès de fibres pouvant avoir des effets indésirables (ballonnements, douleurs abdominales) un apport de l’ordre de 10 à 15 g de fibres solubles par jour, tel qu’utilisé dans l’étude, parait a priori pertinent. A cet effet, rappelons que la dose quotidienne de fibres (solubles et insolubles) recommandée en population générale est de 25 g par jour.

 

 

 

Références 

  1. Post RE, Mainous AG 3rd, King DE, Simpson KN. Dietary fiber for the treatment of type 2 diabetes mellitus: a meta-analysis. J Am Board Fam Med 2012;25:16-23. DOI: 10.3122/jabfm.2012.01.110148
  2. Evert AB, Boucher JL, Cypress M, et al. Nutrition therapy recommendations for the management of adults with diabetes. Diabetes Care 2014;37(Supplement 1) S120-S143. DOI: 10.2337/dc14-S120
  3. Silva FM, Kramer CK, de Almeida JC, et al. Fiber intake and glycemic control in patients with type 2 diabetes mellitus: a systematic review with meta-analysis of randomized controlled trials. Nutr Rev 2013;71:790-801. DOI: 10.1111/nure.12076
  4. Vuksan V, Rogovik AL, Jovanovski E, Jenkins AL. Fiber facts: benefits and recommendations for individuals with type 2 diabetes. Curr Diab Rep 2009;9:405-11. DOI: 10.1007/s11892-009-0062-1
  5. McRorie JW Jr. Evidence-based approach to fiber supplements and clinically meaningful health benefits, Part 1: What to look for and how to recommend an effective fiber therapy. Nutr Today 2015;50:82-9. DOI: 10.1097/NT.0000000000000082
  6. American Diabetes Association. Standards of medical care in diabetes-2018 abridged for primary care providers. Clin Diabetes 2018;36:14-37. DOI: 10.2337/cd17-0119
  7. Jovanovski E, Khayyat R, Zurbau A, et al. Erratum. Should viscous fiber supplements be considered in diabetes control? Results from a systematic review and meta-analysis of randomized controlled trials. Diabetes Care 2019;42:755-66. Diabetes Care 2019;42:1604. DOI: 10.2337/dc19-er08a
  8. Bastiaens H, Benhalima K, Cloetens H, et al. Diabète sucré de type 2. SSMG/Ebpracticenet 21/05/2015.
  9. Trajets de soins. Diabète de type 2. URL: http://www.trajetdesoins.be/FR/Patients/Diabete/default.aspx
  10. Diabète de type 2 de l’adulte. Nutrition –Alimentation- Comportement alimentaire – Education thérapeutique – évaluation des pratiques. Société francophone du diabète, 2014. URL: https://www.sfdiabete.org/sites/www.sfdiabete.org/files/files/ressources/referentiel_mars2014.pdf

 

 

 

 




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