Revue d'Evidence-Based Medicine



Analogues insuliniques à action rapide en cas de diabète



Minerva 2007 Volume 6 Numéro 3 Page 39 - 40

Professions de santé


Analyse de
Siebenhofer A, Plank J, Berghold A, et al. Short acting insulin analogues versus regular human insulin in patients with diabetes mellitus. Cochrane Database Syst Rev 2006, Issue 2.


Question clinique
Quelle est l’efficacité des analogues insuliniques à action (ultra)rapide versus insulines humaines à action rapide chez les patients présentant un diabète sucré ?


Conclusion
Cette synthèse Cochrane ainsi qu’une autre synthèse méthodique concluent à l’absence d’une différence cliniquement pertinente entre les analogues insuliniques à action rapide et les insulines humaines pour le contrôle glycémique ou les effets indésirables. Le seul avantage des analogues insuliniques à action ultrarapide est leur confort d’utilisation pour le patient (administration lors du repas). Nous ne disposons pas actuellement de données d’efficacité et de sécurité à long terme.


 

Résumé

Contexte

Les analogues insuliniques ont, en comparaison avec celle de l’insuline physiologique humaine, une structure moléculaire légèrement modifiée. Certaines études montrent que le recours à des analogues insuliniques à action (ultra)rapide améliore le contrôle glycémique et induit moins d’hypoglycémies.

Méthodologie

Synthèse méthodique et méta-analyse

Sources consultées

Ont été consultés : Cochrane Library, MEDLINE et EMBASE, listes de références des publications, résumés de congrès et articles issus de Diabetologia, Diabetic Medicine, Diabetes Care et Diabetes. Des firmes (Aventis, Eli Lilly, Novo Nordisk), l’EMEA et la FDA ont également été contactées.

Etudes sélectionnées

Sont sélectionnées, les études randomisées, contrôlées, évaluant chez des diabétiques de type 1 comme de type 2, un traitement par un analogue insulinique à action rapide versus insuline humaine durant au moins quatre semaines. Tous les schémas d’administration sous-cutanée d’insuline sont autorisés. Parmi les 1 529 études isolées, seules 49 ont été incluses.

Population étudiée

Les 49 RCTs incluent un total de plus de 8 000 diabétiques, dont environ 6 000 avec un diabète de type 1, 2 000 avec un type 2 et une centaine de femmes présentant un diabète de grossesse. Cinq études concernent des enfants ou des adolescents. L’âge moyen des sujets est de 36 ans environ pour les diabétiques de type 1 et de 58 ans pour ceux atteints d’un diabète de type 2. Une différence dans la durée du diabète (16 versus 12 ans) et pour l’IMC (24 versus 29 kg/m²) est observée entre les deux groupes.

Mesure des résultats

Les trois critères de jugement primaire sont : le contrôle glycémique (HbA1c), le nombre d’épisodes d’hypoglycémie (sévère) et la qualité de vie évaluée par le Diabetes Treatment Satisfaction Questionnaire, DTSQ. Les critères secondaires sont : les effets indésirables (réaction locale, acidocétose, cancer), les complications diabétiques (néphropathie, rétinopathie, neuropathie), la mortalité liée au diabète (par hyper- et hypoglycémie, infarctus du myocarde et accident vasculaire cérébral), mortalité totale et coûts.

Résultats

La durée moyenne d’étude est de 3,6 (1 à 12) mois. La différence moyenne pondérée en HbA1c est, entre analogues et insuline humaine, de -0,1% (IC à 95% de -0,2 à -0,1) pour les diabétiques de type 1 (22 études) et de 0,0% (IC à 95% de -0,1 à 0,0) pour les diabétiques de type 2 (cinq études). Dans le groupe des diabétiques de type 1 disposant d’une pompe à insuline, une différence de -0,2% (IC à 95% de -0,3 à -0,1) est observée en faveur des analogues insuliniques. Les études incluant des enfants ou des femmes enceintes ne montrent aucune différence pour l’HbA1c. Il n’y a pas de différence significative en termes d’incidence globale d’hypoglycémies, ni d’hypoglycémies sévères ou nocturnes, ni pour les autres effets indésirables. Les données sont insuffisantes en ce qui concerne les effets indésirables à long terme (néphropathie, rétinopathie, neuropathie), la mortalité et les coûts. Quatre études mettent en évidence un score DTSQ nettement meilleur avec les analogues insuliniques, trois autres ne montrent pas de différence pour ce critère.

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent à un avantage clinique mais limité de l’utilisation d’analogues insuliniques à action ultrarapide versus insuline humaine à action rapide chez la majorité des diabétiques traités par insuline. En attendant de pouvoir disposer de données en matière d’efficacité et de sécurité à long terme, nous devons rester prudents dans l’utilisation des analogues insuliniques.

Financement

Non mentionné.

Conflits d’intérêt

Le groupe de chercheurs a collaboré avec Aventis, Eli Lilly et Novo Nordisk au cours de différentes études évaluant des analogues insuliniques à courte ou longue durée d’action. Pieber est également consultant pour ces firmes.

Discussion

Considérations sur la méthodologie

Malgré un deuxième processus de sélection, les auteurs qualifient 43 des 49 études de mauvaise qualité méthodologique principalement au niveau du caractère aveugle des critères de résultat.

Quelle est la valeur d’une différence, même significative, de 0,1% pour l’HbA1c ?

Certaines études évaluant les insulines 1 oublient qu’une variabilité existe dans la mesure de l’HbA1c. En Belgique, un contrôle de qualité effectué par la Santé Publique considère qu’une variation de 0,4% peut être considérée comme acceptable, ce qui correspond à la cible fixée pour les laboratoires belges 2. Il n’est donc pas surprenant que les statisticiens impliqués dans les calculs concernant la puissance des études évaluant l’insuline considèrent une différence d’au moins 0,4% entre les groupes comme cliniquement pertinente 3. Dans cette perspective, la différence de 0,1% observée dans cette synthèse Cochrane n’est pas cliniquement pertinente. La standardisation internationale de l’HbA1c pourrait, à l’avenir, diminuer cet intervalle de différence non pertinente. Une différence de 0,1% entre les deux groupes pourrait-elle être, prochainement, considérée comme cliniquement pertinente ? Nous ne pouvons y répondre actuellement. Une valeur seuil d’HbA1c en dessous de laquelle les patients diabétiques seraient protégés à long terme de complications liées au diabète n’existe pas. « The lower the better » reste, à ce jour, le message pratique pour les valeurs d’HbA1c.

Dose d’insuline nécessaire

Dans toutes les discussions concernant les différences pour l’HbA1c entre deux groupes de patients diabétiques, les quantités d’insuline administrées devraient être renseignées. Il n’en est pas ainsi dans cette synthèse Cochrane. Les différences en HbA1c sont difficiles à interpréter pour cette raison. Il est sans doute plus facile de conclure que l’insuline A est meilleure que l’insuline B sur base d’une valeur d’HbA1c plus basse obtenue grâce à l’insuline A, lorsque les doses d’insuline A sont supérieures à celles de l’insuline B. Nous aurions donc été fort intéressés par la connaissance des doses quotidiennes d’insuline administrées dans les deux bras d’étude pour le sous-groupe de patients sous pompe d’administration sous-cutanée continue d’insuline, patients pour lesquels l’utilisation d’analogues insuliniques est promotionnée 1. Seule la connaissance des doses quotidiennes d’insuline administrées permet une interprétation correcte des différences observées entre les deux groupes dans les valeurs d’HbA1c.

D’autres méta-analyses indépendantes ?

En 2006, le Centre d’Expertise allemand, « Institut für Qualität und Wirtschaftlichkeit im Gesundheitswesen », a publié une méta-analyse concernant les analogues insuliniques versus insulines humaines à action rapide uniquement en cas de diabète de type 2 4. Il conclut à une absence de différence pour le contrôle glycémique, comme pour la survenue d’hypoglycémies, quelle qu’en soit la définition. Ces auteurs attirent également l’attention sur le fait que la souplesse d’administration des analogues insuliniques par rapport au moment du repas ne permet pas d’atteindre un meilleur contrôle glycémique ni moins d’hypoglycémies 4. La flexibilité de l’administration au moment du repas est un confort d’utilisation des analogues insuliniques pour tout type de diabète 1. Pour les insulines humaines à action rapide, un intervalle de 20 à 30 minutes par rapport au repas doit en effet être respecté. Pour les analogues insuliniques à action ultrarapide, ce délai n’est pas fixé ; ces analogues peuvent même être administrés lors du repas. Ceci pourrait représenter un avantage pour de jeunes diabétiques, aux heures de repas irrégulières, par exemple en raison d’occupations professionnelles. La méta-analyse Cochrane ne peut apporter aucun autre argument favorable que le confort d’utilisation des analogues insuliniques. Les études cliniques reprises dans cette méta-analyse couvrent des périodes maximales de « plusieurs mois ». En raison d’une absence de données cliniques à long terme, la pharmacovigilance est encore plus importante.

 

Conclusion

Cette synthèse Cochrane ainsi qu’une autre synthèse méthodique 4 concluent à l’absence d’une différence cliniquement pertinente entre les analogues insuliniques à action rapide et les insulines humaines pour le contrôle glycémique ou les effets indésirables. Le seul avantage des analogues insuliniques à action ultrarapide est leur confort d’utilisation pour le patient (administration lors du repas). Nous ne disposons pas actuellement de données d’efficacité et de sécurité à long terme.

 

Références

  1. Hirsch IB. Insulin analogues. N Engl J Med 2005;352:174-83.
  2. Debacker N, Nobels F, Scheen A, et al. Initiative pour la Promotion de la Qualité et Epidémiologie du Diabète Sucré (IPQED). Rapport 2003-2004. Institut Scientifique de Santé Publique. www.iph.fgov.be/epidemio/epifr/iked/iked0304fr.pdf
  3. Niskanen L, Jensen LE, Rastam J, et al. Randomized, multinational, open-label, 2-period, crossover comparison of biphasic insulin aspart 30 and biphasic insulin lispro 25 and pen devices in adult patients with type 2 diabetes mellitus. Clin Ther 2004;26:531-40.
  4. Institut für Qualität und Wirtschaftlichkeit im Gesundheitswesen. Rapid-acting insulin analogues for the treatment of diabetes mellitus type 2: final report. Report n° A05-04, April 2006.

 

 

Médicaments

Type d’analogue insulinique

Médicament

Inclus dans cette méta-analyse ?

A action ultrarapide

 

Apidra

Humalog

Novorapid

oui

Mélange d’analogues à action ultrarapide avec ou sans cristaux de protamine

Humalog Mix 25

Humalog Mix 50

Novomix 30

non

A longue durée d’action

Lantus

Levemir

non

 

Analogues insuliniques à action rapide en cas de diabète

Auteurs

Van de Casteele M.
Departement Hepatologie UZ Gasthuisberg en Departement Geneesmiddelen RIZIV
COI :

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