Revue d'Evidence-Based Medicine
Fermeté du matelas et lombalgies chroniques
Minerva 2005 Volume 4 Numéro 2 Page 22 - 23
Professions de santé
Résumé
Contexte
Il est couramment admis que la fermeté du matelas a un effet bénéfique sur ce type de douleurs. Les preuves étayant ces affirmations sont cependant faibles (études peu nombreuses, présence de biais dans leur méthodologie).
Population étudiée
Cette étude a recruté d’une part des adultes ayant participé à une étude antérieure sur la prévalence des douleurs lombaires et les facteurs de risques chez les adolescents et d’autre part les parents de ces personnes. Les critères d’inclusion sont: personne âgée d’au moins 18 ans, présentant une douleur lombaire depuis 3 mois ou plus, douleur non irradiante, présentant des douleurs lorsqu’elle se trouve dans le lit ou au lever. Les critères d’exclusion sont, entre autres: personne présentant un diagnostic de maladie inflammatoire ou de cancer ou un diagnostic ou suspicion de fibromyalgie, un diagnostic de maladie systémique, une grossesse. L’âge moyen des participants est de 44-45 ans et 27% sont des hommes. Ils souffrent de lombalgies en moyenne depuis 10 ans. Les caractéristiques de base des deux groupes sont semblables en ce qui concerne l’âge moyen, le poids, la taille, le type de travail, etc. Aucune différence non plus pour l’intensité de la douleur ressentie en position couchée (dans le lit), au lever ni dans le degré d’incapacité physique.
Protocole de l’étude
Cette étude randomisée, en double aveugle, inclut 313 patients répartis en deux groupes. Un groupe (n=158) bénéficie d’un matelas avec un degré de fermeté élevé (2,3 selon l’European Commitee for Standardization scale). Dans l’autre groupe (n=155), on propose un matelas avec un degré de fermeté moyen (5,6 sur la même échelle).La durée de cette étude est de 90 jours.
Mesure des résultats
Les critères de jugement primaires sont l’intensité de la douleur dans le lit et au lever et les incapacités fonctionnelles. Les critères de jugement secondaires sont la douleur pendant la durée de l’étude et la douleur en position couchée prolongée. L’évaluation de la douleur est faite à l’aide d’une échelle analogique visuelle de 0 à 10. L’incapacité physique est évaluée à l’aide d’une version adaptée et validée du questionnaire Roland Morris. Toutes ces évaluations sont réalisées par le patient luimême au début de l’étude et après 90 jours. Les scores, obtenus au jour 90, pour l’évaluation de la douleur en coucher, au lever et pour l’incapacité physique, sont soustraits des scores obtenus au début de l’étude. Une valeur positive signifie une amélioration de la situation clinique de la personne et une valeur négative correspond à une détérioration de la situation.
Résultats
Pour le critère primaire, à 90 jours, une amélioration non significative est observée dans les deux groupes, mais les patients disposant d’un matelas avec un degré de fermeté moyen ont de meilleurs résultats au niveau de l’intensité de la douleur dans le lit (OR=2,36; IC à 95% de 1,13 à 4,93), au lever (OR=1,93; IC à 95% de 0,97 à 3,86) et pour l’incapacité physique (OR=2,1; IC à 95% de 1,24 à 3,56). Pour les critères secondaires, ces mêmes patients (matelas avec degré de fermeté moyen) présentent, pendant la période de l’étude, moins de douleurs durant la journée (p=0,059), de douleurs en coucher (p=0,064) et de douleurs au lever (p=0,008).
Conclusions des auteurs
Les auteurs concluent que, chez des patients présentant des lombalgies chroniques aspécifiques, un matelas avec degré de fermeté moyen a un effet positif sur le degré d’incapacité physique et sur la douleur en position couchée et au lever. Ils mentionnent que des recommandations comme celles du type de matelas à utiliser, peuvent avoir un effet pertinent sur l’évolution clinique des lombalgies chroniques.
Financement
Kovacs Foundation.
Conflits d’intérêt
Non mentionnés.
Discussion
Considérations sur la méthodologie
La méthodologie de l’étude est correcte: l’objet de l’étude, la question initiale, les hypothèses, les concepts et critères sont clairement définis. Il y a contrôle de variables confondantes (critères d’inclusion et d’exclusion), de la comparabilité des deux groupes (contrôle «ex ante» présent) et ajustement ou contrôle des autres facteurs parasites. A l’analyse des résultats, pour les douleurs au lever après 90 jours, la valeur p est supérieure à 5% (= 0,061). Il n’y a donc pas de différence statistiquement significative, entre les deux groupes. Concernant la douleur pendant l’étude (critère secondaire), aucune information n’est donnée concernant le mode de son évaluation. De plus, deux des résultats de cette évaluation ne sont, statistiquement, pas significatifs (p>0,05) pour la douleur durant la journée et la douleur en coucher. Cette recherche n’a pas évalué l’effet Hawthorne et l’effet placebo sur les améliorations observées.
Place parmi d’autres traitements
La validité externe des résultats peut être limitée par plusieurs facteurs. En premier lieu, cette recherche exclut les patients qui présentent des douleurs irradiantes. En deuxième lieu, les matelas utilisés sont des matelas à ressort (bien que l’échelle évaluant la fermeté des matelas soit indépendante de la composition de ces matelas). Enfin, certains facteurs psychosociaux influencent le degré d’incapacité physique, facteurs dont les auteurs ne tiennent pas compte.
Une synthèse méthodique de la littérature 1 met en évidence que des thérapies comportementales semblent être un traitement efficace pour les patients souffrant de lombalgies chroniques non spécifiques. D’autres recherches 2 montrent des preuves d’efficacité pour des exercices (versus autres traitements) quant à l’amélioration de la douleur et du status fonctionnel des patients. Enfin, Furlan et coll. 3 concluent que le massage peut être bénéfique pour ce type de patients surtout s’il est associé à des exercices et à un programme éducatif. Aucune étude n’a évalué l’efficacité comparative de ces traitements avec le degré de fermeté du matelas.
Conclusion
Cette étude montre que, chez des patients présentant des lombalgies chroniques non spécifiques, l’utilisation d’un matelas avec un degré de fermeté moyen, par rapport à l’utilisation de matelas avec un degré de fermeté élevé, permet d’obtenir une amélioration significative de la douleur (en coucher uniquement) et de l’incapacité physique. L’efficacité de ce type de matelas n’est cependant pas évaluée par rapport à ni en complément d’autres interventions à efficacité démontrée.
Références
- van Tulder MW, Ostelo RWJG, Vlaeyen JWS, Linton SJ, Morley SJ, Assendelft WJJ. Behavioural treatment for chronic low back pain (Cochrane Review). In: The Cochrane Library, Issue 1, 2004. Chichester, UK: John Wiley & Sons, Ltd.
- van Tulder M, Koes B. Low back pain and sciatica (chronic). Clin Evid 2003; 9:1260-76.
- Furlan AD, Brosseau L, Imamura M, Irvin E. Massage for low back pain (Cochrane Review). In: The Cochrane Library, Issue 1, 2004. Chichester, UK: John Wiley & Sons, Ltd.
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