Analyse


La varénicline augmente-t-elle le risque cardiovasculaire ?


28 01 2012

Professions de santé

Analyse de
Singh S, Loke YK, Spangler JG, Furberg CD. Risk of serious adverse cardiovascular events associated with varenicline: a systematic review and meta-analysis. CMAJ 2011;183:1359-66.


Conclusion
L’arrêt du tabac est l’intervention la plus efficace pour faire diminuer le risque cardiovasculaire. La varénicline a prouvé son efficacité pour l’aide au sevrage tabagique. Cette méta-analyse-ci, de bonne qualité méthodologique, montre qu’il faut tenir compte lors de la prescription de ce médicament, non seulement des risques bien connus de nausées, troubles du sommeil et augmentation de pathologies surtout psychiatriques, mais aussi d’un risque de pathologies cardiovasculaires, même s’il est faible en chiffres absolus.



 

Une méta-analyse (1) évaluant la varénicline montrait une efficacité de celle-ci environ 3 fois plus élevée que celle du placebo et 1,5 fois celle du bupropion en termes de sujets ayant arrêté de fumer après un an (2). Elle signalait que les nausées étaient le principal effet indésirable, de nature passagère.

Une petite RCT (n = 251) (3) a ultérieurement évalué la sécurité de la varénicline après un an. Les principaux effets indésirables observés étaient : nausées (40% des sujets), rêves anormaux (22,7%), troubles du sommeil (19,1%). Il faut souligner qu’un nombre important de patients ne prenaient plus leur médicament après un an : 37,7% dans le groupe varénicline, versus 7,9% sous placebo. Une méta-analyse récente (4) inclut 10 RCTs contrôlées versus placebo (n = 3 091), avec des suivis de 6 à 52 (dans une étude seulement) semaines. Elle ne montre pas de différence statistiquement significative entre la varénicline et un placebo en ce qui concerne les troubles psychiatriques (troubles anxieux, modification des activités physiques, troubles de l’humeur). Elle montre par contre des différences pour les troubles du sommeil : RR de 1,70 avec IC à 95% de 1,50 à 1,92. Dans 3 études en protocole ouvert exclues de cette méta-analyse, 3 tentatives de suicide et 1 suicide réussi sont comptabilisés dans les groupes varénicline. Un autre rapport de pharmacovigilance post mise sur le marché (5) fait mention de quelques cas de violence inexpliquée et d’agressivité qui s’amendent lors de l’arrêt de la varénicline. Dans la Fiche de Transparence (6), 3 contre-indications sont mentionnées pour l’emploi de la varénicline : les affections psychiatriques, l’insuffisance rénale et grossesse et lactation.

 

Une RCT en double aveugle, contrôlée versus placebo (7) inclut 714 fumeurs à haut risque cardiovasculaire recevant de la varénicline durant 12 semaines. A 52 semaines, aucune augmentation significative de la morbidité cardiovasculaire ni de la mortalité n’est observée. Le nombre limité de participants et le fait que dans le groupe varénicline, pour chaque critère cardiovasculaire, il y a numériquement tout juste davantage de victimes, ont conduit la FDA à conclure à formuler un avertissement pour une légère augmentation de risque de certains événements cardiovasculaires lors de la prise de varénicline. En 2007 déjà, le Résumé des Caractéristiques du Produit accepté par l’EMA (8) mentionnait le risque augmenté de fibrillation auriculaire (incidence de 0,1 à 1%) et quelques cas d’infarctus du myocarde.

Cette mention a été ajoutée dans la mise à jour de la Fiche de Transparence (6).

 

Une méta-analyse récente de Singh et coll. (9) a recherché dans les banques de données importantes mais aussi sur les sites des services officiels et dans les registres d’études cliniques, les RCTs en double aveugle évaluant la varénicline sur un suivi d’au moins 1 semaine et mentionnant les effets indésirables cardiovasculaires sévères. Cette recherche est de bonne qualité méthodologique : sélection des études, extraction des données et évaluation de la qualité méthodologique par 2 chercheurs indépendamment l’un de l’autre, élaboration d’un funnel plot à la recherche d’un biais de publication, analyses de sensibilité initialement protocolées. Les données de 14 études (n = 8 216) sont analysées. Les études s’étalent sur 7 à 52 semaines ; 9 études satisfont aux 5 critères de qualité. L’usage de varénicline augmente statistiquement significativement le nombre d’événements cardiovasculaires sérieux : 1,06% sous varénicline, 0,82% sous placebo soit un OR de 1,72 avec IC à 95% de 1,09 à 2,71 (I² = 0%). Les analyses de sensibilité avec les données des autres produits actifs, tels la substitution nicotinique ou le bupropion, montrent des résultats analogues. L’exclusion des études incluant des patients souffrant d’une pathologie cardiovasculaire stable ou l’ajout des études ne satisfaisant pas aux critères d’inclusion ne modifie pas les résultats. Cette étude nous permet donc de conclure que les inquiétudes concernant une augmentation de la mortalité et de la morbidité cardiovasculaires chez les patients sous varénicline étaient justifiées.

 

Conclusion

L’arrêt du tabac est l’intervention la plus efficace pour faire diminuer le risque cardiovasculaire. La varénicline a prouvé son efficacité pour l’aide au sevrage tabagique. Cette méta-analyse-ci, de bonne qualité méthodologique, montre qu’il faut tenir compte lors de la prescription de ce médicament, non seulement des risques bien connus de nausées, troubles du sommeil et augmentation de pathologies surtout psychiatriques, mais aussi d’un risque de pathologies cardiovasculaires, même s’il est faible en chiffres absolus.

 

Références

  1. Cahill K, Stead LF, Lancaster T. Nicotine receptor partial agonists for smoking cessation. Cochrane Database Syst Rev 2007, Issue 1.
  2. De Sutter A. Varénicline et cytisine pour arrêter de fumer. MinervaF 2007;6(8):120-1.
  3. Williams KE, Reeves KR, Billing CB Jr, et al. A double-blind study evaluating the long-term safety of varenicline for smoking cessation. Curr Med Res Opin 2007;23:793-801.
  4. Tonstad SDavies SFlammer M, et al. Psychiatric adverse events in randomized, double-blind, placebo-controlled clinical trials of varenicline: a pooled analysis. Drug Saf 2010;33:289-301.
  5. Moore TJGlenmullen JFurberg CD. Thoughts and acts of aggression/violence toward others reported in association with varenicline. Ann Pharmacother 2010;44:1389-94.
  6. Fiche de Transparence. Prise en charge du sevrage tabagique: mise à jour 2011. (consulté le 2 décembre 2011)
  7. Rigotti NA, Pipe AL, Benowitz NL,  et al. Efficacy and safety of varenicline for smoking cessation in patients with cardiovascular disease: a randomized trial. Circulation 2010;121:221-9.
  8. http://www.bcfi.be/GGR/MPG/MPG_JEBC.cfm#MP_02995
  9. Singh S, Loke YK, Spangler JG, Furberg CD. Risk of serious adverse cardiovascular events associated with varenicline: a systematic review and meta-analysis. CMAJ 2011;183:1359-66.
La varénicline augmente-t-elle le risque cardiovasculaire ?

Auteurs

Lemiengre M.
Huisartsenpraktijk De Wijngaard Roeselare; Vakgroep Huisartsgeneeskunde en Eerstelijnsgezondheidszorg, UGent
COI :

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